home Politique, RD Congo, Société Présidentielle 2023 : Des candidatures multiples et fantaisistes, autopsie d’une campagne

Présidentielle 2023 : Des candidatures multiples et fantaisistes, autopsie d’une campagne

Lancée officiellement le 19 novembre 2023, la campagne électorale pour les élections générales et présidentielle 2023 prendra fin le 19 décembre 2023, la veille du scrutin à minuit. Trois semaines de terrain ont révélé les faiblesses comme les forces des uns ainsi que des autres, surtout ceux concourant pour la présidentielle pami lesquels moins d’une dizaine sont visibles alors que la majorité des prétendants n’a jamais été entendue ni vue en campagne.

Avec 24 candidats validés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (Céni) et deux repêchés par la Cour Constitutionnelle dont seulement deux femmes, ils étaient au total 26 participants dans la course pour la magistrature suprême à la tête du pays pour les prochaines 5 années.

Plus qu’une image de vitalité d’une jeune démocratie naissante depuis les années du candidat unique sous le régime Mobutu, c’est plutôt à une multiplicité des candidatures les unes plus fantaisistes que les autres qu’on a assisté.

Parmi ceux qui ont émergés, point n’en doutait, Félix Tshisekedi, candidat président n°20 et Chef de l’Etat à sa propre succession. Avec toute la puissance de l’Etat en sa qualité du Président de la République en place, il a pu compter à ses côtés la majorité des poids lourds de son régime comme Jean-Pierre Bemba Gombo, Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi, les chefs des chambres du parlement Mboso Nkodia Puanga et Modeste Bahati Lukwebo ; ainsi qu’une constellation des partis politiques et associations de la Société civile. En précurseurs, ses lieutenants parcourant les provinces balisant le chemin de la « bonne nouvelles » pour sa réélection qui se dessine à l’horizon.

Son programme 2024-2028 se résume en six points majeurs à savoir la création des emplois, la protection du pouvoir d’achat, la sécurité pour tous, la diversification de l’économie, la garantie d’accès aux services de base et le renforcement de l’efficacité des services publics pour un Congo nouveau.

Tout au long de sa campagne et certains le lui ont reproché, sa stigmatisation des « candidats de l’étranger » qu’il croit « servir les intérêts étrangers » au détriment de ceux des Congolais qui se refusent aujourd’hui d’accepter le diktat de quelque puissance que ce soit au nom d’un partenariat dévoyé et infantilisant qui nie le droit à la souveraineté du peuples et de son État, bref des personnes « instrumentalisée par l’extérieur ». Ce qui du reste fut le cas de l’Union européenne qui a décidé du retrait de sa mission dite d’observation mais en réalité d’espionnage et de surveillance d’une matière aussi souveraine que l’organisation et la tenue des élections.

Son « challenger » le plus en vue reste l’ancien allié d’hier devenu par la force des choses l’opposant, Moïse Katumbi Chapwe, candidat n°3. Avec les moyens financiers qu’on lui prête, il avait démarré sa campagne sur le chapeau des roues avec le ralliement rapide des trois autres candidats même s’ils ne sont pas d’un poids politiques important dans le pays à savoir l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon, Franck Diongo Shamba et Seth Kikuni Masudi.

Après au moins un début de campagne qui ne promettait rien dans le Bandundu, au Kongo Central et en province Oriental ; Delly Sesanga Hipungu, candidat président n°4 avec son projet de société qu’il qualifiait de la REFONDATION DU CONGO, ont fini par jeter les armes en se « refondant » dans Katumbi, preuve d’une inconstance politique avérée malgré une intelligence affichée. Malgré la poursuite de sa campagne tambour battant et le soutien affiché de l’Eglise catholique du Congo à ses côtés, rien ne démontre qu’il pourrait remporté le scrutin tellement le Chef de l’Etat en exercice semble avoir une longueur d’avance.

Si l’on ne connait exactement rien du programme futur de Katumbi dont l’ébauche présentée à Kinshasa par ses lieutenants ne contenait pas ceux des ralliés à sa candidature, sur c’est des attaques personnelles contre le Chef de l’Etat sortant et des promesses qu’il concentre ses propos avec l’appui des médias à sa solde.

Le vétéran malheureux de 2018 Martin Fayulu Madidi, candidat président n° 21 tient encore sa corde et pour combien de temps autour de son « Union nationale » après l’échec des discussions de Pretoria en Afrique du Sud pour la désignation d’un candidat unique de l’opposition.

Pendant ce temps, c’est un vide abyssale constaté autour du « bon » Dr Denis Mukwege, candidat président n°15. Malgré le soutien affiché d’une partie de l’Occident qui l’a poussé dans l’aventure, le Prix Nobel de la Paix 2018 réalise aujourd’hui qu’il aurait peut-être mieux fait de rester dans son rôle de « réparateur des femmes » qu’on l’a affabulé depuis des années. La politique étant un autre véritable monde à part entière avec ses coups bas comme ses traîtrises, il risque d’en sortir avec un « crédit sympathie réputation » envolé que lorsqu’il y était entré en disant que c’était « son temps ».

Les petits nouveaux et leurs programmes

Adolphe Muzito, candidat n° 24

Recalé en 2018, son ambition est de « changer la Constitution et passer au régime parlementaire strict » afin de sortir le pays de l’ambivalence avec 2 têtes pour gérer le pays : « Il y a, d’une part, le Chef de l’Etat qui ne gère pas alors qu’il est élu pour rendre compte au peuple, et de l’autre, le Chef du gouvernement et ses ministres qui gèrent alors qu’ils n’ont pas été élus par le peuple » clame t’il.

Muzito aimerait aussi voir « financer les partis politiques qui auront atteint un certain seuil dans la configuration de demain, afin qu’ils soient capables de rembourser l’argent emprunté ou dépensé. Ceci permettra aux partis de se ressourcer, financer l’encadrement des populations, la communication et jouer un rôle dirigeant, parce que généralement e pays est dirigé par les partis politiques et non pas par les individus ». Sur le plan économique, l’ancien Premier ministre table sur un ambitieux budget de 300 milliards de dollars étalé sur 10 ans. Pour y arriver, il entrevoit « en toute responsabilité de partir sur les acquis de l’administration Tshisekedi ».

Constant Mutamba, candidat président n° 2 qui se veut le « candidat de la rupture ». En même temps qu’il dirige la Dynamique Progressiste Révolutionnaire (DYPRO), une plateforme de l’opposition dite républicaine, il invite les jeunes à s’approprier le processus électoral. Ce juriste de formation, dirigeant de l’ASBL Nouvelle Génération pour l’Emergence du Congo (NOGEC) et ancien proche de Joseph Kabila dont il avait adopté le look des cheveux comme d’habillement en chemise olive vert militaire a choisi de s’émanciper de la vieille caste du Front Commun pour le Congo (FCC) en se lançant dans la course présidentielle boycottée par les kabilistes. S’il est élu, Mutamba dit vouloir « supprimer le poste de Premier ministre, le Sénat, les Assemblées provinciales et les gouvernements provinciaux et désormais nommé les gouverneurs ».

Pour Constant Mutamba, « Une fois élu, il compte aussi ramener l’élection présidentielle à 2 tours et le mandat présidentiel à 8 ans non renouvelables. Renforçant le pouvoir de l’Assemblée nationale, le président de la République sera désormais redevable à la représentation nationale. Dans le conflit avec le Rwanda, il devoir lancer l’opération de l’arrestation de Paul Kagame qui demeure un système qu’il faut neutraliser. De l’armée, il compte mettre en place une unité spéciale des FARDC alors que le solde du dernier soldat sera de 500 dollars ».

Tony Cassius Bolamba, Candidat président n°7 issus de la diaspora compte débuter sa campagne dans la diaspora : « C’est là où j’ai fait mes premiers pas, ensuite, je ferai le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest de notre pays. Une fois élu, je vais mettre en place un plan d’austérité afin de diminuer les dépenses de l’État. Les députés et sénateurs perçoivent des émoluments hors pairs. Il faut diminuer cela de 90% et financer les études des enfants ».

Il promet une fois élu de « mettre en place un plan d’austérité afin de diminuer les dépenses de l’État. L’injustice sociale du pays enlève à la population certains droits appartenant à leur équité. Il faut qu’il y ait une justice sociale ». Il veut en outre diminuer de 90% les émoluments des députés et sénateurs pour financer les études des enfants avec cet argent. Alors gouverneur de province de l’Equateur, il rappelle avoir baissé, dès sa première rémunération, « son salaire de 15 à 5 mille dollars et diminué le train de vie du gouvernement afin de nous permettre de payer les études de nos élèves et commencer à équiper les établissements supérieurs provinciaux d’ordinateurs ». Pour lui, on vient en politique pour « servir, pas pour faire des affaires ».

Patrice Majondo Mwamba, candidat président n°12

« On ne va rien changer, on veut amener une valeur ajoutée avec une nouvelle dynamique à cette jeunesse congolaise. Je vais garder tout ce qu’il y a aujourd’hui comme modèle institutionnel et institutions parce que ça n’est pas la priorité. C’est une distraction de se lancer dans une telle aventure (de réformes institutionnelles). Je sais qu’au Congo on aime bien ça. Mais moi j’aime la productivité ». Dans son plan d’action, « La plus grande richesse de la RDC, sa jeunesse. Et pour construire le Congo, on a besoin de cette force de la jeunesse » explique-t-il.

Justin Mudekereza Bisimwa, candidat président n° 14

« J’irai moi-même au front pour défendre la patrie, je suis coutumier ; j’irai au front tout en ayant renforcé l’autorité coutumière » promet il. En outre, il fait prévaloir ses origines de « fils de l’Est du pays » pour soutenir sa posture du seul capable de sauver cette partie du pays martyrisée depuis des années.

Pour mieux gérer la RDC, il faut 3 choses pour lui : « le vouloir faire, le savoir-faire, et le savoir-faire faire ». Sa vision salvatrice pour la mère patrie repose sur 5 piliers : « les réformes des politiques publiques de l’État, la redistribution juste des richesses nationales, le renouvellement total et le rajeunissement de la classe politique, la restauration intelligente de l’autorité de l’État, et la coopération bilatérale et multilatérale ». Son programme dénommé « La revanche de la politique de développement pour tous sur la politique d’enrichissement de la classe politique au détriment de tous » est basé sur cette vision.

Dans sa dynamique de refonder l’État pour bâtir un Congo pour tous, il a dans son viseur la suppression du parlement et du sénat par lui jugés budgétivores afin de les remplacer par une autre forme appelée « la conférence des lois » après modification de la constitution. Pour développer la RDC et réaliser son programme, il compte « utiliser le financement des partenaires de développement, pas de ceux-là qui ont mis notre pays à genoux. J’ai des partenaires de financement qui financent les organisations de développement. Je suis directeur exécutif d’une organisation américaine appelée assistance aux nouveaux voisins, je sais par où frapper pour avoir des financements et cela sera un petit jeu pour moi dès que je suis élu président de la République ».

Il dit avoir refusé que sa campagne soit financée par ceux qui tirent les ficelles pour la guerre de l’Est alors qu’il a eu beaucoup de propositions : « je les ai toutes rejetées parce que je suis nationaliste. Je ne veux pas que les personnes qui ont mis notre pays à genoux puissent encore être ceux qui financent ma campagne électorale ».

Un fantaisiste pourtant : Aggrey Ngalasi, le pasteur de l’Église la Louange et candidat président n°16 pour la première fois. Il se dit être « mandaté par Dieu, nous n’avons aucune prétention ; nous avons obéi à la voix de Dieu et Dieu veut élever la Nation via ma modeste personne ». Devant ses fidèles et pour justifier son silence alors que la campagne est ouverte, il explique : « Nous n’avons pas besoin d’aller au Stade pour battre notre campagne. Dieu parlera à chacun des congolais. Pour ma part, il m’a dit clairement, élection ou pas, je vais t’imposer ».

Du développement de la RDC, il partage une prophétie : « Une grande lumière, qui s’est transformée en losange, est descendue sur ma tête avant d’atteindre la terre et de cette terre sortait des immeubles et autres richesses » révèle t’il. De l’interminable conflit dans l’Est du pays, Il prétend avoir un plan de Dieu pour mettre fin à la guerre afin de sécuriser définitivement le pays : « Dieu m’a montré exactement ce que je dois faire. D’où est-ce que je dois commencer et ce que je ferais par la suite. Ensuite, la guerre prendra fin et le Congo sera debout ».

Théodore Ngoy Wa Senga, le candidat président n°17. Avocat, enseignant et pasteur ; il est tout et déclare être « la réponse à l’enjeu actuel du Congo en tant qu’un homme d’État et non un homme politique. Ce dont les congolais ont besoin, ce n’est pas un projet de société (mais de solutions à leurs problèmes). Mobutu avait un projet de société paradisiaque mais voilà ce qu’est devenu le Congo après lui, et pendant qu’il était là ».

Pour cet habitué aux scandales dans et des couples, si les problèmes actuels du Congo sont causés par « les multinationales », il promet d’être « le gardien des intérêts des congolais en mettant fin à la corruption, au non-respect des règles tout en réformant l’homme et sa mentalité au travers de l’intériorisation des règles qu’on appelle la justice ».

Evoquant les valeurs qu’il prétend incarner et sa posture par rapport aux agresseurs de la RDC, il se dit un « homme de convictions, ce qui n’est pas le cas de la plupart des politiciens. Les compétences que j’ai acquises, les souffrances que j’ai endurées, la force morale que j’ai acquise à travers toutes ces souffrances, me permettront de prendre les décisions les plus essentielles sur le plan politique, économique, financier, diplomatique, social, culturel, éducatif, etc.. ».

Comme bon nombre d’autres candidats, au-delà de la justice qui sera l’un des piliers de son action, il compte supprimer le sénat qui ne sert à rien. « L’Assemblée nationale gardera son pouvoir de contrôle de l’Exécutif mais elle ne pourra pas renverser politiquement le président de la République tout comme ce dernier ne pourra non plus dissoudre l’Assemblée nationale. L’objectif étant de mettre fin à la crise latente qui existerait entre le président de la République et le premier ministre, au cas où le Chef de l’État n’a pas de majorité au parlement ». Entre autres ses priorités, « la construction des routes, des voies d’évacuation vers les consommateurs nationaux et vers les consommateurs internationaux. Il faut réorganiser la voie maritime, la voie routière, la voie aérienne va venir après ».

Henock Ngila, candidat président n°26, Président de Démocratie Universelle et Inclusive (DUI) ; un parti qui n’a pas aligné des députés nationaux et provinciaux. Il se définit comme l’homme de la refonte et non des reformes.

« Le Congo a besoin de la refonte, pas des réformes. Les réformes ne sont que des concepts. Le Congo a besoin d’un changement profond. La refonte sera dans la nouvelle manière de gérer l’État. Je vais retirer notre pays de tous les accords qui n’ont aucune importance », prévient-t-il.

Féministe, s’il est élu, « la Primature sera gérée par une femme. On aura un gouvernement de 22 ministres dont 15 femmes. Les femmes donnent avant de recevoir. Elles travaillent mieux que les papas. Ce sont des êtres avec des sens innés de la protection. Elles auront le rôle d’éradiquer la corruption ». Il demeure convaincu que « les hommes ont échoué. Je ne suis pas contre eux, mais les hommes ont échoué. Les hommes ont peur de la concurrence ».

Sur le même pas que d’autres candidats, il pense qu’un changement de constitution actuelle s’impose : « Notre Constitution est l’ennemie des Congolais. Le Congo a besoin d’une nouvelle classe politique. On ne négocie pas avec la souveraineté du pays. Cette constitution permet de céder une partie de notre pays ». Notamment en son article 217 qui stipule que « la RDC peut conclure des traités ou accords d’association ou de communautés comportant un abandon partiel de sa souveraineté en vue de promouvoir l’unité africaine » déplore-t-il.  En ajoutant que la « constitution actuelle est remplie de textes conflictuels, c’est une Constitution hybride alors qu’il nous faut une constitution unique d’esprit ».

L’économie en tant que le poumon devant donner de la force à tous les autres domaines piliers du pays, il regrette le fait que « La RDC n’a aucune banque, toutes les banques appartiennent aux étrangers. On aura des banques agricoles, notamment. On aura 2 classes sociales dont les riches et la classe moyenne. On aura une économie circulaire, celle qui donne le pouvoir d’achat au peuple. Après avoir éradiqué la pauvreté, tous ces vices dont les Kuluna (banditisme urbain) vont disparaître » pense-t-il. Du montant du budget qu’il compte mobiliser, il estime que « le Congo a un budget à la hauteur de son potentiel déjà évalué à 24.000 milliards. C’est la valeur du Congo. Cela sera matérialisé grâce à la refonte. Mon objectif est précis. Je sais ce que je cherche et je sais comment y arriver ».

Sur le plan politico-administratif, il se positionne au retour à « 11 provinces conformément à l’ancienne configuration » du pays. Pour mettre fin à l’insécurité à l’Est de la RDC et sécuriser tout le pays, « nous allons augmenter les unités de sécurité ».

Un dossier à suivre…

Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

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