home Politique, RD Congo, Société IXès Jeux de la Francophonie de Kinshasa : Nicolas Kazadi et le CNJF à couteaux tirés sur les chiffres

IXès Jeux de la Francophonie de Kinshasa : Nicolas Kazadi et le CNJF à couteaux tirés sur les chiffres

Deux mois après la fin officielle des IX èmes Jeux de la Francophonie de Kinshasa, pendant que les travailleurs sont en arriéré de salaires de près de trois mois et certains prestataires impayés de 20 % restants de leur dû, c’est la guerre des chiffres entre le ministre des Finances Nicolas Kazadi Nzuji et le Directeur du Comité National desdits jeux Isidore Kwandja Ngembo.

De 48 millions de dollars prévisionnels du départ à 324 millions de dollars en fin de compte, c’est la polémique lancée par Nicolas Kazadi autour du coût des Jeux de la Francophonie lors d’une sortie médiatique au cours d’une conférence de presse tenue à Kinshasa. Et la réplique du Directeur du Comité National Isidore Kwandja ne s’est pas fait non plus attendre sur une autre radio étrangère mais également dans un long communiqué de presse.

Ce jeux de « ping-pong » polémique sur les chiffres intervient avec l’arrivée à Kinshasa de la Mission Technique du Comité International des Jeux de la Francophonie (CIJF) conduite par sa Directrice, la libanaise Zeina Mina qui a travaillé avec le CNJF à Kinshasa dans la dernière ligne droite de la préparation des jeux. L’objet de sa nouvelle présence à Kinshasa « Contrôles de certification des dépenses exécutées par le Comité National des Jeux de la Francophonie (CNJF) pour les IXès Jeux de la Francophonie ».

Ainsi, du 29 octobre au 03 novembre 2023, cette délégation aura pour tâche de « procéder aux contrôles de certification des dépenses exécutées par le CNJF pour les IXès Jeux de la Francophonie » de Kinshasa via un Commissaire aux Comptes pour le CIJF, un expert désigné par la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP).

De sa gestion financière des jeux, le CNJF de Kinshasa n’en a pas peur pour autant alors que l’IGF était présente du début jusqu’à ce jour.

Contestations et manifestations

La genèse de cette nouvelle « affaire » avec contestation des chiffres entre Nicolas Kazadi et Isidore Kwandja réside dans la série des dernières manifestations publiques des agents recrutés au CNJF de Kinshasa sous les murs de Nicolas Kazadi jusqu’en présence du passage du cortège du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi sur le Boulevard du 30 juin. Les protestataires ne réclamant que le payement de leurs salaires avant la dissolution du Comité national des Jeux d’ici février 2024.

« De 48 millions, on est arrivé à 324 millions de dollars », assène Nicolas Kazadi dans sa sortie médiatique du weekend ; des propos qui ont déclenché depuis samedi 28 octobre 2023 des commentaires acerbes et multiples sur les réseaux sociaux.  Et de charger Isidore Kwandja, le Directeur du Comité national des jeux : « Le Directeur national des jeux a décidé d’augmenter des rubriques et des budgets, sans l’aval même du comité de pilotage. Cela nous a mis en difficulté et il a signé des ordres de paiement pour certains bénéficiaires que lui-même avait imaginés et décidé de recruter sans avoir la provision budgétaire nécessaire. Ce qui ne se fait pas ! On ne peut pas accepter que la gestion soit faite avec une forme de légèreté ».

La réponse du « mis en cause » ne s’est pas fait attendre « Nous sommes surpris d’apprendre dans les réseaux sociaux que les Jeux auraient coûté 324 millions USD, alors que nous savons que le budget adopté par le Comité de pilotage et approuvé par l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) était de 66,9 (millions) d’euros [soit 75 millions de dollars, NDLR] », lui répond dimanche 29 octobre 2023 sur X (ex-Twitter) Isidore Kwandja, le Directeur du Comité National des Jeux de la Francophonie.

Selon des indiscrétions vérifiées, la mauvaise humeur entre les deux personnalités viendrait du caractère fort d’Isidore Kwandja face au ministre des Finances Nicolas Kazadi qui le prenait pour un affront à son égard alors qu’il s’agissait de la gestion des fonds publics.

Faut-il le rappeler qu’à l’arrivée d’Isidore Kwandja à la tête du CNJF par sa nomination le 22 octobre 2021, l’organisation piloté jadis par Didier Tshiyoyo Mbuyi alias « DJ Trouble King » de son nom de scène des nuits européennes ; n’avait aucun « budget » établi. Nommé Haut Représentant du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi aux IXèmes Jeux de la Francophonie de Kinshasa qui auraient pu se dérouler du 19 au 28 août 2022, Didier Tshiyoyo fut démis de ses fonctions de la manière que tout le monde connait ; laissant derrière lui une forte ardoise.

A lire aussi : RDC : IXèmes Jeux de la francophonie, Didier Tshiyoyo renvoyé à ses dépends https://www.afriwave.com/2022/01/05/rdc-ixemes-jeux-de-la-francophonie-didier-tshiyoyo-renvoye-a-ses-depends/

« Les gens qu’on a chargés de faire les travaux n’étaient pas efficaces comme prévu et, avec des retards, ils nous ont mis dans l’obligation de doubler, de tripler des budgets pour terminer les travaux à temps. De 12 millions pour les opérations, on est arrivé à 78 millions USD ; de 36 millions pour les investissements, on est arrivé à 246 millions USD. Il n’est pas normal que la partie Opération gonfle à ce point » reconnait le ministre Nicolas Kazadi de surcroit « membre mais aussi Vice-président du Comité de pilotage des Jeux de ka Francophonie et en tant que tel connait parfaitement le budget alloué à l’organisation des jeux, qui est différent de celui réservé aux infrastructures » se défend le CNJF de Kinshasa 2023.

Alors qu’il semble impliqué, Nicolas Kazadi en autosatisfaction reconnait des « erreurs de planification » en concluant que « Seuls 85 % des 324 millions USD ont déjà été payés. Il faut juste tirer une leçon de tout cela, faire en sorte qu’à l’avenir, qu’il n’y ait pas de gonflement de budget sans considération, sans justifications, faire des choses au bon prix, au bon coût ».

Toutes choses restant égales par ailleurs, Nicolas Kazadi dont « la responsabilité se trouve engagée en vertu de l’article 128 de la Loi relative aux finances publiques. Ses propos mettent en lumière la légèreté avec laquelle sont gérées les finances publiques par les différentes autorités qui interviennent dans la chaine de dépense et, constituent au regard de l’article 129 de la loi précitée, une faute de gestion et un cas avéré de détournement de deniers publics. Les auteurs, co-auteurs et complices de ce scandale devront en répondre le plus tôt et le plus vite possible, pour que lumière soit faite et que les responsabilités soient établies » ne saura se dédouaner note sur X (ex-Twitter) le député national Claudel Lubaya.

Le ministre des Finances n’explique pas non plus comment et dans quelles conditions des contrats ont été signés depuis la direction de Didier Tshiyoyo avec les différentes entreprises pour les infrastructures dont la compétence revenait à son collègue ministre d’État des Infrastructures et des Travaux publics Alexis Gisaro Muvunyi qui n’avait jamais rendu compte au CNJF Kinshasa 2023.

En exemple T4H, cette petite entreprise du franco-comorien Alain Dolium, un prestataire qui avait obtenu un contrat de l’ordre de 54 millions USD payés cash pour la construction des préfabriques du Stade Tata Raphaël avec derrière la manœuvre le gendre de François Beya Kasonga, ancien numéro 1 du Conseil National de Sécurité (CNS) et conseiller du Chef de l’Etat en matière de sécurité. Comment et pourquoi Nicolas Kazadi avait-il débloqué ce gros montant au profit de ce personnage ?

Déjà selon un rapport des experts de l’OIF de l’époque, T4H qui n’avait aucune référence n’était pas une entreprise de construction : « Le prestataire T4H n’est pas une entreprise de construction et ne possède aucune référence technique en construction modulaire ». Dans leurs conclusions, les experts de l’OIF notaient « l’absence des informations techniques sur les constructions modulaires du village et l’absence de référence technique des constructions modulaires de l’entreprise T4H ». Politique membre cofondateur du parti politique UDI en France et chef d’entreprise, monsieur Alain Dolium serait aujourd’hui en fuite.

Il en est de même de l’Entreprise Générale de Construction de Kinshasa (EGECOK) avec le colossal marché de rénovation des Homes de l’Université de Kinshasa du congolais Benoît Kayembe mais derrière qui se trouvait Fortunat Biselele dit « Bifort ». Conseiller privé du Chef de l’Etat, il fut l’un des hommes les plus craints que redoutés de la présidence actuelle avant qu’il ne chute lourdement et très rapidement de ses turpitudes avec son limogeage à la clé. Depuis son acquittement après un bref séjour dans la prison de Makala, l’homme influent serait en passe de revenir dans le sérail du pouvoir où il gravite de nouveau.

Du Consortium ABC de 200 entrepreneurs congolais avec une qualité de travail médiocre à T4H incapable de terminer son contrat qu’il avait fallu lui prêter de l’argent pour dédouaner ses conteneurs maritimes ; « les parrains ayant pris leurs pourcentages avaient tous disparus » chuchote sous anonymat un connaisseur du dossier. Nicolas Kazadi en était au courant ou non avant de décaisser de l’argent du Trésor public ?

De 340 millions de dollars évoqués par lui, le CNJF Kinshasa 2023 ne reconnait avoir obtenu qu’un décaissement de 66 millions alors que 9 millions manquent toujours à l’appel. Sous l’accompagnement de l’OIF et le con troles de l’Inspection Générale des Finances (IGF) ; le CNJF Kinshasa 2023 demande au ministre des Finances de justifier les 240 millions de dollars qui ne lui ont jamais été attribués.

Si pour l’OIF, « les jeux ne devaient pas donner lieu à des dépenses faramineuses », le budget de départ convenu à 48 millions de dollars avait été réévalué à près de 75 millions de dollars. Dans l’entretemps, les autorités congolaises en ont profité des jeux pour construire et réhabiliter les infrastructures sportives de Kinshasa.

Les IXes Jeux de la Francophonie, qui se sont déroulés du 28 juillet au 06 août 2023 à Kinshasa, ont réuni une trentaine de délégations. Et ce, malgré le boycott de la France, la Belgique, la Suisse Romande et le Québec pour des raisons farfelues de sécurité.

Un dossier à suivre…

Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

print

Partagez