De Facebook Didi Mitovelli
Après avoir traversé toute la ville, une ville qui l’a tant adulé de 1969 à 2016, Papa Wemba a été, sous le coup de 15h41′, rendu à la terre qu’il a tant aimée, et à Dieu qu’il a tant servi… A sa manière ! Tikitsha, tikitsha !!! Tsha, tsha !!, aurait ainsi conclu l’un de ses plus brillants disciples, le King Kester Emeneya.
Ainsi prennent fin les plus grandes funérailles de toute l’histoire du monde de spectacle sur les bords du fleuve Congo… Ainsi prend fin le « success story » du fils d’un ancien combattant de la Force Publique, et d’une pleureuse des veillées mortuaires tetela, né à Lubefu un jour de juin 1949…
« Désormais, comme l’a souligné Félix Wazekwa, il y aura un avant et un après Papa Wemba dans la vie musicale congolaise, comme dans l’Histoire, il y a un avant et un après Jésus-Christ ! La disparition de Papa Wemba, poursuit-il, marque un tournant décisif dans l’histoire de notre musique, même dans notre propre histoire… L’on sait désormais qu’on peut mourir, à tout instant et partout ; désormais l’on réfléchira davantage sur nos rapports entre humains, entre artistes-musiciens… ».
Eh oui, lokuta ya mbongo pe ya lupemba esalaka mutu akanisa akowa lisusu te… Ah, cette foutue impression d’éternité, d’immortalité, or vanité des vanités ! C’est ce que la mort de Papa Wemba qui souffrait du syndrome de Peter Pan (éternelle jeunesse), vient encore de rappeler violemment ! « Na moto moko te Nzambe apesa mikolo ya libanga, awumela seko… Biso nionso baweyi, plafond na biso mabele !», chante Wazekwa dans « Bokono » …
Papa Wemba est donc bel et bien mort et enterré ! Bakundaka mbuma po ekola; kasi moto po apola! Tokomi esika lolendo ya moto esilaka charge, esilaka énergie nionso ! Là où l’orgueil humain sous le soleil capitule !
Mais, que reste-t-il de Papa Wemba ? Sénèque ne croyait pas si bien dire : « Les chanteurs sont plus puissants que les princes. Car les princes meurent, mais les chansons ne meurent pas !». En outre, ce n’est pas tant que Papa Wemba soit le plus grand chanteur congolais après Rochereau, ou qu’il soit l’un des artistes les populaires d’Afrique ; c’est ce qu’il nous a profondément influencés, c’est que nous avons tous en nous quelque chose de Papa Wemba !
Au moins une fois, nous avons eu à fredonner ses airs sous la douche ; devant une glace, notre élégance vestimentaire nous a fait penser à lui, aux griffes qu’il a eu à encenser… Sur la piste des fêtes domestiques, nous avons imité sa façon de bouger sur scène, sa gestuelle, son charisme…
Cependant, j’suis pas naïf, Papa Wemba a aussi fait un tas de trucs pas bien qui n’ont rien à voir avec sa musique : ses razzias au sein de la gent féminine, son addiction au cannabis… Mais, mille fois, sur le registre humain, je le préfère à Michael Jackson ou Fela Anikulapo Kuti avec ses 27 femmes légitimes et ses 86 enfants !
Cela a fait partie de sa vie, de son personnage, de son pire… Heureusement qu’on retiendra au finish que le meilleur, sa musique, ses chansons… C’est ce que nous voulons que nos enfants, nos petits-enfants retiennent de ce foutu remarquable chanteur parti du Sankuru pour impacter sur le plan mondial ! Et faire parler de ce pays autrement que par des mandats à vie, des guerres ethniques, des épidémies et des ministres qui s’amusent avec leurs fibres optiques sous le drapeau…
David a couché avec la femme d’autrui, mais il a tué le redoutable Goliath ! Noé était le dernier des ivrognes, mais l’Éternel lui a confié l’Arche ! Salomon avait 200 femmes, mais il n’en reste pas moins le roi le plus sage de toute l’histoire d’Israël ! Karl Marx fit un enfant à sa bonne, mais il a forgé l’une des plus grandes idéologies du siècle dernier ! Sigmund Freud passait ses vacances avec sa belle-mère, mais il demeure le plus grand psychanalyste de tous les temps ! Gandhi dormait avec ses petites nièces pour renforcer son contrôle de soi, mais il restera le plus grand leader de l’antiviolence, et mentor de Martin Luther King et de Nelson Mandela…
Les grandes actions d’un homme effacent ses petites faiblesses ! Ainsi, quand on dessine un zèbre, il ne faut toujours pas s’attarder ou renforcer ses traits noirs ! L’empreinte que Papa Wemba laisse dans la musique congolaise, partant africaine, est celle d’un géant ! Allez, les gars de Molokai, pouvez-vous désormais vivre sans le Nkuru ? »
© Didier M’Buy, chercheur en infos/com