RDC-FINANCES : La BIAC auto-dissoute enfin mise en liquidation forcée !

Mégestion, corruption et gabegie financière ont fini par mettre à terre l’un des fleurons du secteur bancaire zaïro-congolais. Daté du 09 octobre 2020 et signé Déogratias Mutombo Mwana Nyembo, séant Gouverneur de la Banque Centrale du Congo (BCC) ; l’avis public de mise en liquidation forcée de la Banque Internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC) est effectif.

« La Banque Centrale du Congo informe le public que, conformément aux dispositions des articles 22, 23 et 56 de la loi n° 003/2002 du 02 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des Établissements de Crédit, la Banque Internationale pour l’Afrique au Congo, en sigle BIAC s.a., est mise en liquidation forcée » peut-on lire dans cette annonce affichée au siège social de la banque déjà dissoute.

Un liquidateur ayant été désigné pour le besoin : « A cet effet, le Groupement AB LEGAL VAN CUSTEM- GLOBAL BUSINESS AND CONSULTING (GBC SARL) – LUBALA & ASSOCIES SCRL, en sigle Groupement AGL, a été nommé Liquidateur de cette institution bancaire dissoute ».  

« En conséquence, la Banque Centrale du Congo demande aux actionnaires, administrateurs, déposants et toute personne disposant à titre quelconque d’un droit sur les fonds ou avoirs conservé ou détenus par la Banque Internationale pour l’Afrique au Congo, en sigle BIAC s.a., d’adresser , en application des dispositions de l’article 64 de la loi précitée, au Liquidateur susnommé dans un délai de soixante (60) jours francs à dater de l’affichage du présent avis au Siège social, pour les résidents et cent vingt (120) jours pour les non-résidents, un mémoire contenant l’état de leurs créances ».

Lire aussi : RDC-Finances : Faillite de la BIAC, chronique d’une mort préparée et un feuilleton à rebondissements ! https://www.afriwave.com/2016/11/11/rdc-finances-faillite-de-la-biac-chronique-dune-mort-preparee-et-un-feuilleton-a-rebondissements/

Une banque déjà auto-dissoute

Ce dernier coup de massue prévisible assené par la BCC intervient après que la BIAC, hier encore la quatrième banque congolaise jadis contrôlée à 100 % par le groupe familial Elwyn Blattner, avait annoncé dans un communiqué de presse daté du 08 novembre 2016 sa liquidation volontaire : « Les actionnaires, réunis en Assemblée Générale Extraordinaire [tenue le 04 novembre 2016 NDLR] et présidée par un mandataire ad-hoc désigné par le Président du Tribunal de Commerce de Kinshasa/Gombe, ont décidé de dissoudre volontairement la BIAC et de désigner un liquidateur ».

Bien avant cette décision, la banque avait été placée sous administration provisoire de la BCC à dater du 30 mai 2016, en raison d’une grave crise de liquidité dont les causes restent délicates à déterminer, entre la sous-capitalisation chronique d’un côté et la décision de la même BCC de stopper une nouvelle ligne de financement de l’autre.

Pourtant, quelques semaines bien avant ; soit le 11 octobre 2016, une précédente AGE avait sollicité la mise en place de plusieurs éléments permettant d’assurer la continuité de l’activité bancaire et la participation plus active de l’actionnaire [le groupe d’Elwyn Blattner est actionnaire à 100%] dans le redressement de la BIAC, notamment dans la recherche d’un repreneur. « Aucune suite favorable n’a été apportée à cette préoccupation légitime », indiquait le communiqué de la banque congolaise.

Lire aussi : Affaire BIAC : A peine incarcéré, Elwyn Blattner déjà en liberté provisoire https://www.afriwave.com/2017/09/15/affaire-biac-a-peine-incarcere-elwin-blattner-deja-en-liberte-provisoire/

Mégestion et gabegie financière à la clé

Les difficultés de la BIAC ont eu une forte résonance politique, la gestion provisoire ayant notamment provoqué plusieurs passes d’armes entre la Primature et la BCC.

« Si la BIAC est tombée c’est toujours l’Etat et ses démembrements des nouvelles provinces qui en sont responsables. Avant le démembrement des nouvelles provinces, les anciens gouverneurs avaient contractés des dettes dans les banques. Mais actuellement les nouvelles provinces ne veulent pas en parler ni restituer cet argent. Les nouveaux gouverneurs ne veulent pas initier des pourparlers sur ce dossier », expliquait Déogratias Mutombo, en août 2017 dans le cadre de la conférence sur l’amélioration du climat des affaires initiée par Bruno Tshibala, l’ancien premier ministre.

« La faillite qu’a connue la BIAC était déjà un signe prévisible de ce cycle de détournement à la tête du pays » expliquait pour sa part Me Jean Claude Katende, président de l’ASADHO en octobre 2016. Pour preuve de cette incurie, même le Sénat congolais dirigé à l’époque entre 2007 à mars 2019 par Léon Kengo Wa Dondo devait à la BIAC 756 789 336,44 FC et 2 680 203,45 USD, soit un total de près de 3,13 millions au titre des crédits non remboursés comme le révélait un courrier du 29 mai 2019 adressé au président du Bureau provisoire de la Chambre Haute du parlement : « Nous avons l’insigne honneur de vous rappeler que le Sénat entretient des comptes courants en nos livres qui renseignent des soldes débiteurs importants depuis plusieurs mois ».

La banque se plaignait ainsi que le Sénat n’ait pu honorer ses engagements depuis plusieurs mois en remboursant les crédits contractés : « La banque constate avec regret qu’aucun mouvement n’est effectué au crédit de vos comptes courants en couverture de ces engagements selon la Direction de Recouvrement.

L’affaire de la BIAC et ses dérives

La faillite et la liquidation de la BIAC aujourd’hui demeurent le symbole même du dysfonctionnement dans les secteurs bancaire et économique du pays entièrement dans les mains étrangères qui va de l’Afrique du Sud au Cameroun, du Gabon en passant par le Kenya et la péninsule indopakistanaise…

Sous anonymat, un expert financier et ancien cadre à la BIAC plaide pour que « Le pays se rapproprie son économie par le « Local Content » avec les entrepreneurs nationaux. Car La mauvaise gouvernance du passé n’avait rien arranger aucunement les choses par des vrais projets de développement ».

Pour le cas symptomatique de la BIAC dont il connait le dossier au bout de ses doigts, il dénonce « Cette convoitise des uns et des autres, les politiques comme les affairistes proches de l’ancien régime [Kabila NDLR] sans oublier le clan familial [du même Kabila NDLR] qui voulaient à tout prix mettre la main sur une banque dépiécée. La Banque Centrale qui avait dû injecter près de 200 millions de dollars pour sauver la banque n’avait-t-elle pas vu cet argent utilisé pour servir les amis qu’accepter les propositions des repreneurs potentiels ? » explique-t-il.

Pour lui, « L’ex- BIAZ devenue BIAC avec le changement du nom du pays fut une filiale de la BIAO démantelée et rachetée par des anciens clients de la banque en l’occurrence la famille Blattner. Avec la fin de la guerre et l’embellie économique, la croissance de la banque était revenue, cette même période coïncidant avec la création des plusieurs autres banques privées dans le pays ».

Et il pointe d’un doigt accusateur la raison de la chute même de la banque causée par « Un conflit d’intérêts crée par le nouveau propriétaire actionnaire majoritaire de la banque, en l’occurrence la famille Blattner qui avait plus ponctionner les fonds et les bénéfices de la banque (BIAC) au profit du développement de son propre Groupe dans le transport aérien, les travaux publics etc., raison de la chute de la banque ».

Ce cadre souligne que « L’audit effectué entre 2010 et 2011 avait révélé des sérieux problèmes dans le management de la banque pour laquelle il fallait une profonde restructuration. En 2012 déjà, la BIAC était presqu’en sursis. Avec le vacillement de l’économie du pays début 2015, la perte de valeur du Franc Congolais et l’inflation revenant ; la dette de la BIAC s’est aggravée et qu’une restructuration s’imposait. La BIAC s’étant révélée dans l’entretemps comme l’un des élément favorisant cette situation de précarité de l’économie du pays ».

« La promesse de l’ancien propriétaire de refinancer la banque à raison de 40 millions de dollars pour soutenir l’exécution de la restructuration par tranche de 10 millions de dollars pendant 4 ans n’est jamais venue. La Banque Centrale qui avait dans l’entretemps prêté l’argent à la BIAC s’est servi en débitant d’office le compte de la BIAC pour se rembourser alors que le gouvernement devait beaucoup d’argent à la banque ; les clients se ruant pour retirer leur épargne avaient fini par mettre à genou la banque » déplore-t-il.

Avec plus de 150 agences, la quatrième du pays par le total des actifs qui affichaient plus de 400 000 comptes fin 2015, un total de bilan de 511 milliards de Francs Congolais (près de 500 millions de dollars) et un total des dépôts de 399,7 milliards de Francs Congolais dont 245, 3 milliards détenus par de petits épargnants ; la BIAC possédait un des réseaux les plus vastes du pays.

Dossier réalisé par Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

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Rédaction

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