Un véritable feuilleton à rebondissements. Le communiqué de presse daté du 8 novembre et signé Les Actionnaires de la Banque Internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC) a confirmé ce que tout le monde attendait depuis des mois : la faillite qui scelle la mort définitive de la 3ème Banque commerciale du pays. La force des choses et le réalisme ont fini par avoir raison de la banque orange qui se définissait dans «La force d’entreprendre» et comme la «Première banque de proximité». Cette décision de liquidation avait été actée par l’Assemblée Générale extraordinaire tenue le 4 novembre 2016 selon des sources concordantes, eu égard aux grandes difficultés que traversent la banque. Au nombre de celles-ci le manque criant de liquidité et le départ précipité des nombreux clients qui se retirent. Mais aussi sa sous-capitalisation chronique et surtout la décision de la BCC de stopper une ligne de financement.
Dans ce communiqué, le propriétaire et actionnaire principal à 100% du capital; la famille française Elwyn Blattner soutenu par les autres actionnaires annonçaient une dissolution volontaire pour garantir le droit des déposants, du personnel, des fournisseurs et des actionnaires. En outre, la banque précisait que «les actionnaires, réunis en Assemblée générale extraordinaire et présidée par un mandataire ad-hoc désigné par le président du Tribunal de commerce de Kinshasa-Gombe, ont décidé de dissoudre volontairement la Biac et de désigner un liquidateur». Surtout que «la gestion provisoire se termine le 30 novembre prochain avec une probable mise en liquidation forcée de la Biac. Nous avons décidé qu’il était préférable d’opter pour une dissolution volontaire» selon Edwyn Blattner.
Pas question et faisant fi de la décision judiciaire, rétorque la Banque centrale du Congo (BCC) dans son Avis au public signé le Cabinet du Gouverneur Déogratias Mutombo Nyembo et daté du 10 novembre 2016; remettant en cause la décision des actionnaires en les enfonçant encore davantage: «la décision de dissolution a été prise par les actionnaires défaillants sans le concours d l’Administration Provisoire, ni de l’autorité de Régulation et de Contrôle Bancaire qui ont à leur charge la responsabilité du redressement de la Biac» ; et de poursuivre «Ainsi, l’institut d’Emission rappelle que la banque concernée se trouve sous gestion d’un Administrateur provisoire, désigné conformément aux dispositions des articles 41 à 48 de la loi n°003/2002 du 02 février 2002 relative à l’activité et au contrôle ces établissements de crédit, pour préparer le processus de résolution de la crise, visant à la fois la protection de l’épargne du public ainsi que la préservation de la solidité du secteur financier congolais».
Pourtant, le communiqué de presse de la Biac rappelait pour sa part déjà le fait que «depuis le 30 mai 2016, la Biac a été placée sous gestion du Comité d’Administration provisoire de la BCC» et que «lors de l’Assemblée générale Extraordinaire du 11 octobre 2016 avec présence des trois directeurs de la BCC, plusieurs obstacles avaient été constatés dans le chef de l’actionnaire principal ne pouvant plus lui permettre d’assumer son rôle, notamment celui de la recherche d’un repreneur que ni la BCC, ni son Comité d’Administration Provisoire n’ont jamais présenté aux actionnaires» jusqu’à ce jour.
La Biac, un nouveau scandale politico-financier au sommet de l’Etat ?
Après l’affaire BGFI et le «Lumumba papers», l’affaire BIAC contre la Banque centrale serait-elle un nouveau scandale politico-financier ? C’est ce que pensent les connaisseurs de ce dossier depuis que la crise a officiellement éclatée plusieurs mois déjà. Pour eux, le malheur de la Biac vient de cette lutte au plus haut sommet de l’Etat entre les proches du premier ministre sortant et les membres d’un puissant clan qui a sa mainmise sur tous les secteurs de la vie économico-sociale du pays depuis plus d’une décennie. Pour preuve de cette affirmation de la forte résonance politique dans ce dossier, plusieurs passes d’armes entre la primature et la BCC à propos de la gestion provisoire.
De la crise elle-même, un ex-ministre du gouvernement, fin connaisseur de ce dossier explosif (et proche ami de l’homme au cadre macro-économique) approché par www.afriwave.com qui a requis l’anonymat abonde dans le même sens: «cette affaire comme celle de la BGFI est la traduction même de cette concussion entre le politique et la prédation du patrimoine du pays par un clan qui veut tout avoir et conserver entre ses mains. Si la famille Blattner ne veut pas le dire clairement, elle connait bien les pressions dont elle a été l’objet de la part de ce clan pour son entrée au sein du capital de la banque privée en tant qu’actionnaire principal. Ce qui arrive aujourd’hui est hélas le refus de cette famille et son entêtement à céder au chantage, ce qui va à son honneur». Notre interlocuteur ne comprend nullement «cet acharnement de la BCC qui continue de siphonner la Biac au point de ne rien lui laisser en creusant un endettement qui sera impossible à rembourser un jour».
Dans ce dossier, le gouverneur de la Banque centrale portait plainte auprès du PGR contre les administrateurs et les dirigeants de la Biac pour violation de la loi du 2 février 2002 sus-évoquée et relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédits. Étaient ainsi visés les adminstrateurs Elwyn Blattner (représentant de l’actionnaire majoritaire), Michael Blattner, Charles Sanlaville, Blaise Mbatshi, Edouard Mambu Ma Khenzu, Robert Melotte et Michel Losembe, Directeur général jusqu’au mois d’avril 2016 avant son éviction. Il leur était reproché le fait d’être responsables à des degrés divers de la banqueroute de la banque et demande des mesures conservatoires.
La plainte de la BCC paraissait une démarche surprenante car intervenant quelques jours seulement après les conclusions du Parlement sur L’Affaire de la Biac où l’on demandait au gouvernement de rembourser à la Biac une somme de 30 millions de dollars des crédits déjà à terme. Des sources bien renseignées affirment que le gouvernement congolais doit à la Biac plus que le double de cette somme. Et aux observateurs de noter qu’en saisissant la justice, la BCC voudrait se laver les mains, en excluant ainsi la part de responsabilité du gouvernement dans la banqueroute de la Biac et ainsi faire porter cette responsabilité aux seuls actionnaires d’avoir coulé cette banque qui, de surcroit, ferait au même moment l’objet de tractations pour son rachat par des proches du clan dominateur du pays.
Contrôlée à 100% par la famille française Blattner, la Biac c’est 400 000 comptes déposants répertoriés fin 2015 pour un total de bilan de 511 milliards de francs congolais (environ 498 millions d’Euros), un total des dépôts de 399,7 milliards de francs congolais (Fc) dont 245,3 milliards détenus par de petits épargnants. C’est aussi et surtout 150 agences et un des réseaux le plus émaillé et vaste du pays. Après toutes ces péripéties, qu’en restera-t-il demain ou qu’en reste-t-il encore aujourd’hui ?