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RDC : Le 17 janvier 2019, le Jour où le Congo a dit NON au diktat des ingérences étrangères [OPINION]

En ce 24 janvier 2020, la RDC célèbre le premier anniversaire de la transition pacifique et de passation de pouvoir entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi à la tête de l’Etat. Pourtant, tout n’a pas commencé ce jour-là mais depuis 2016 avec le report des élections qui auraient dû intervenir en cette fin d’année-là.

Mais aussi de toutes ces manifestations réprimées violemment par les forces de la police avec son lot des morts tant à Kinshasa qu’à l’intérieur du pays. La pression interne croissante et celles de la communauté internationales avaient fini par réussir. Kabila n’ayant pas modifié la constitution pour se représenter à un troisième mandat et l’élection surprise en décembre 2018 d’un candidat sorti de l’opposition radicale en la personne de Félix Tshisekedi, le fils de son père Etienne Tshisekedi Wa Mulumba d’heureuse mémoire.

Il y eut un 17 janvier 2019

Le 17 janvier 2019, jour marquant le 58ème anniversaire de l’odieux assassinat de son héros et ancien premier ministre de  son indépendance Patrice Emery Lumumba, marquait une renaissance de la RDC avec le NON de Joseph Kabila face aux ingérences venues d’ailleurs dans le processus électoral qui venait de se dérouler tant bien que mal. Une seconde indépendance dirait-on.

En effet, ce jour-là sur pression d’une « certaine » communauté internationale (sic !) aux intérêts toujours pas en faveur de ceux que l’on prétend défendre ; 9 présidents africains sous la conduite du rwandais Paul Kagamé, président en exercice de l’Union Africaine (UA) en appelaient à la suspension de  la proclamation des résultats de la présidentielle du 30 décembre 2018.

Cette élection certes « contestée » de l’intérieur comme à l’extérieur du pays comme il en est partout sur le continent africain par des « esprits bien-pensant » et leurs « marionnettes locaux » avait pourtant vu consacrer la victoire de Félix Tshisekedi, le fils de son père ; selon les résultats provisoires proclamés le 10 janvier 2019 par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) :

Enquête sur la manière dont Kabila s’y est pris pour l’imposer.

Le 19 janvier 2019 pourtant, la Cour constitutionnelle passera outre l’ingérence étrangère en confirmant et en proclamant la victoire finale de Félix Tshisekedi qui prêtera le serment constitutionnel le 24 janvier 2019.

Un an plus tard et à la veille de l’anniversaire de la première alternance pacifique à la tête du pays depuis son indépendance comme ce fut le cas avec Lumumba face au colon belge, les « ingérences » étrangères qui ont une dent dure n’en démordent pas.

Tenez, dans une pseudo enquête à charge au titre bien calculateur (RDC : « La nuit où Kabila a imposé Tshisekedi au monde entier » Article à lire sur : RDC : La nuit où Kabila a imposé Tshisekedi au monde entier https://www.lalibre.be/international/afrique/comment-kabila-a-fini-par-imposer-tshisekedi-au-monde-entier-5e21e758f20d5a253a9cc6f6 dans sa version complète réservée aux abonnés mais que l’on peut trouver télécharger librement et que nous attachons à cette opinion) à charge de La Libre Belgique remue les caniveaux.

Au fait de l’enquête en question sans en fournir un début d’une quelconque preuve matérielle depuis un an déjà, le journaliste belge revient avec une « compilation » de ce que les bien-pensant  « médias » occidentaux avaient voulu dire ou donner comme leçons de morale de respect de démocratie au « nègre » congolais, oubliant ainsi que la libre pensée fait savoir la colonisation politique est bien terminée depuis une soixantaine d’année.

Celle médiatique n’ayant aucune chance de coller, car combien des congolais lambda lisent le journal La Libre Belgique en dehors d’une minoritaire « classe » de la bourgeoisie compradore qui s’en fout de la misère du peuple auquel elle prétend défendre les intérêts.

Du journal La Libre et à l’instar des autres medias occidentaux comme RFI, France 24 et TV5 Monde ; n’a-t-on pas vécu leurs deux poids deux mesures  dans le traitement de l’information sur les dernières élections en RDC ? Faisant partie de ce complot mondial lié au capitalisme, ces medias se sentaient proches de ceux des politiques congolais qui leur promettaient des nouvelles ouvertures une fois au pouvoir.

Journal proche des milieux de la droite catholique, l’on comprend bien cette proximité de La Libre Belgique avec Moïse Katumbi puis Jean-Pierre Bemba et enfin le soutien aveugle au combat perdu d’avance de Martin Fayulu qui en est l’illustration parfaite même. Lorsque l’on voyage dans le jet privé de Katumbi pour couvrir ses « messes » politiques en Afrique, quel traitement objectif de l’information fera-ton en retour de compte ? 

Kabila a-t-il imposé Tshisekedi au monde ?

La réponse est évidemment NON. Car l’affirmer ainsi et sans preuve aucune ne demeure que péremptoire. La politique c’est aussi une question de personnalité et à l’actif de Kabila sans pour autant le dédouaner de sa conduite dictatoriale du pays 18 ans durant ; il faut reconnaitre qu’il en a eu UNE face à toutes ingérences étrangères dans le processus électoral national.

D’abord en refusant toute aide financière et autre assistance matérielle étrangère et en organisant ces élections sur fonds propres du pays malgré certaines faiblesses évidentes. « Il faut le reconnaitre tout de même que la pression intérieure était devenu forte que même Kabila pour sa propre survie, ne pouvait si se représenter ; encore moins voir gagner son candidat dauphin Emmanuel Ramazani Shadary au risque d’une déflagration du pays » nous explique un membre influent du PPRD et proche de Kabila sous anonymat.

Le seul organe officiel habilité à proclamer les résultats d’une élection en RDC demeure la CENI. D’où vient alors que ça soit la communauté internationale au travers du journal quotidien britannique Le Financial Times qui annonce le 15 janvier 2019 la victoire de Fayulu. Et ce  en disant « baser son analyse sur des données de la CENI qui ont fuité et sur celles de l’Église catholique, qui a déployé 40 000 observateurs le jour du scrutin ».

Pour être sérieux, depuis un an bientôt ; qu’attends toujours l’Eglise Catholique et la CENCO pour rendre public ses propres résultats finaux de l’élection présidentielle de décembre 2018 grâce à ses 40.000 observateurs ? Faut-il le rappeler que ce chiffre est aujourd’hui contestés par la CENI  qui avait le seul pouvoir d’accorder des accréditations et qui explique n’en avoir pas autant donné ? De ces « fameux » 40.000 observateurs et les 40.000 smartphones connectés en leur possession pour la transmission en temps réel des PV d’observation, quel rapport a existé entre le groupe de Katumbi et l’église catholique ; l’enquête à charge pourtant n’en dit mot.

De l’Union Africaine (UA)

Financée en partie par la Chine et une autre par l’Union Européenne, l’Union Africaine n’est qu’une illusion depuis des années. Ceux qui lèvent la tête sont vite écrasés comme Mouammar Kadhafi assassiné par Nicolas Sarkozy (France) et David Cameron (Royaume Uni) parce qu’il avait osé parler de la réelle indépendance de l’Afrique lorsqu’il fut président de cette entité.

La convocation le 17 janvier 2019 d’une réunion d’urgence à Addis-Abeba par le président en exercice de l’Union africaine, le Rwandais Paul Kagame ne « fait pas sourire même les Bonobos » du parc zoologique des environs de Kinshasa. Son seul point à l’ordre du jour : les élections en RDC, non plus.

Et les participants à cette « messe » noire à l’exception du namibien Hage Geingob et du sud-africain Cyril Ramaphoza laissent à désirer car tous étant des autocrates ou en devenir comme Alpha Condé (Guinée), Idriss Déby (Tchad), Joao Lourenço (Angola), Yoweri Museveni (Ouganda), Edgar Lungu (Zambie) et Paul Kagame (Rwanda) en personne. Un vrai club des dictateurs.

Tous et chacun, ils sont soit modifié leurs constitutions pour demeurer presqu’éternellement au pouvoir, soit en passe de le faire avec une répression sans pareille sur leurs peuples. Pouvaient-ils s’ériger en donneur de leçons au Congo ? NON.

Ecrire comme le fait La Libre Belgique sans en brandir la moindre preuve ne relève que d’une manipulation à moins d’un mensonge : « Tous les chefs d’État tombent d’accord sur un point : les résultats provisoires proclamés par la Ceni “ne sont pas conformes à la réalité”. Le nom de Fayulu est sur toutes les lèvres. “Tous les présidents dans cette salle disposaient des vrais résultats ou au moins des tendances claires” ».

La désignation de Fayulu

De la désignation même à Genève de Martin Fayulu comme « candidat commun de l’opposition » en novembre 2018, La Libre Belgique n’en fait aucun cas de la « duplicité » qui a entouré ce choix qui s’est révélé finalement la plus mauvaise. Conséquence, la désintégration de ce qui pouvait encore être considérée comme le semblant d’une opposition politique structurée n’ayant aucune possibilité de se refaire un jour.

Il faut le rappeler que de toutes les discussions préliminaires à Kinshasa comme à Bruxelles où était exilé Katumbi et assigné en résidence Jean-Pierre Bemba en passant par l’Afrique du Sud, il n’avait jamais été question d’un quelconque vote parmi les opposants. C’était par consensus que le candidat commun devrait être désigné comme l’a toujours affirmé Moïse Katumbi.

D’où viennent alors que le britannique Allan Dos et sa Fondation du nom Koffi Annan d’heureuse mémoire qui doit se retourner dans sa tombe organise « un vote secret » pour la désignation d’un candidat commun ? La réponse est toute simple : Bemba et Katumbi y compris Muzito qui n’a aucun poids politique avéré disqualifiés par la CENI, il ne restait que Félix Tshisekedi au nom de l’UDPS ou Vital Kamerhe et son UNC qui pouvaient l’être face un Fayulu ou Matungulu sans réels poids politique non plus.

Les rivalités politiciennes et le tribalisme ont fini par l’emporter sur le bon sens et l’intérêt général par le vote secret de Fayulu. Bemba ne pouvait supporter voir le fils Tshisekedi devenir un jour président de la République, lui qui avait tout fait pour écarter le père Etienne Tshisekedi à la vice-présidence de la république à l’issu du Dialogue Inter Congolais de Sun City en Afrique du Sud en 2003.

Et la suite, tout le monde la connaît. Après une gestion calamiteuse du pays durant la période 1+4, Bemba avait fini par accepter « l’inacceptable en 2006 avant de se retrouver dix ans durant dans le pénitencier de La Cour Pénal International de La Haye aux Pays-Bas. Certes aujourd‘hui libre, son retour en politique active s’avère hypothétique au vu de ce que fut son bilan à la tête de la rébellion armée de l’époque  que des institutions officielles du pays trois durant entre 2003 et 2006. Le peuple veut à tout prix une autre expérience que la répétition du déjà-vu.

Il aura fallu la révolte des bases de l’UDPS et de l’UNC pour que le pays soit là où il est aujourd’hui, entre les « bonnes mains » dixit Félix Tshisekedi lui-même car le pire ayant  été évité. Et pour preuves, ce qui reste des relations au sein de la Coalition Lamuka créée avec la désignation de Fayulu comme candidat commun. En dehors de son soutien tribal de l’ex- premier ministre aux postures parfois déroutantes Adolphe Muzito, Bemba et Katumbi ont pris leur distance ; comme le fut déjà Freddy Matungulu et Mbusa Nyamwisi bien avant.

A lire aussi : RDC et l’après présidentielle 2018 : Une « anthologie politique » signée Adolphe Muzito https://www.afriwave.com/2019/01/11/rdc-et-lapres-presidentielle-2018-une-anthologie-politique-signee-adolphe-muzito/

La plus grande faute dans cette affaire de Genève revient à la faiblesse et au manque de courage politique de Moïse Katumbi face à Bemba et aux coalisés Fayulu-Muzito. Aujourd’hui à la tête de son propre parti politique, Ensemble pour la République ; en réalité une mixture d’anciens petits partis politiques proches de Kabila n’ayant pas d’envergure nationale et surtout très mal entouré des politiques qui semblent être plus des « profiteurs » que des gens de conviction, l’on voit très mal comment Katumbi émergera en 2023. Et c’est l’avenir qui nous en dira.

Patrice Lumumba avait trouvé des mots justes pour décrire la voie choisie pour son pays dans sa célèbre lettre à Pauline Opango son épouse : « Ni brutalités, ni sévices, ni tortures ne m’ont jamais amené à demander la grâce car je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés. L’Histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseigne aux Nations Unies, à Washington, à Paris ou à Bruxelles, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera du Nord au Sud du Sahara une Histoire de gloire et de dignité ».

Le Congo de Lumumba continue donc d’écrire son histoire, n’en déplaise aux donneurs des leçons et leurs thuriféraires locaux. 

Roger DIKU

Texte de l’article intégral de La Libre Belgique

RDC : La nuit où Kabila a imposé Tshisekedi au monde entier https://www.lalibre.be/international/afrique/comment-kabila-a-fini-par-imposer-tshisekedi-au-monde-entier-5e21e758f20d5a253a9cc6f6  (version complète réservée aux abonnés)

Hubert Leclercq, Publié le vendredi 17 janvier 2020 à 18h38

Le 17 janvier 2019, 9 présidents africains appellent à suspendre la proclamation des résultats de la présidentielle. Le 19, pourtant, la Cour constitutionnelle passe outre cet appel et proclame la victoire de Félix Tshisekedi. Enquête sur la manière dont Kabila s’y est pris pour l’imposer.

Le 10 janvier 2019. 3 heures du matin. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) annonce la victoire de Félix Tshisekedi lors de l’élection présidentielle du 30 décembre. Une annonce qui suit celle, interminable, du verdict des élections provinciales, scrutin lors duquel les candidats du Front commun pour le Congo (FCC), la plateforme politique de Joseph Kabila, réalisent une razzia digne des plus belles républiques bananières.

La victoire de Félix Tshisekedi doit encore être confirmée par la Cour constitutionnelle qui devra étudier les éventuels recours.

© AFP

Dans les rangs de l’UDPS et de l’UNC, les deux partis associés au sein de la plateforme Cach (Cap pour le Changement) de Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, c’est la fête. Dans les rangs des kabilistes, c’est la résignation. Au sein du regroupement Lamuka, qui portait la candidature de Martin Fayulu, soutenu à bout de bras par Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, c’est la douche froide.

Depuis le 2 janvier et la fuite des premiers résultats de la présidentielle, toutes les estimations donnent un net avantage au candidat Fayulu. Félix Tshisekedi et Emmanuel Shadary, le candidat de Kabila (empêché de se représenter par la Constitution congolaise après deux mandats successifs), sont au coude à coude mais loin, très loin, de Fayulu.

Martin Fayulu © AP

Face à ces données, la communauté internationale craint un embrasement. Les Etats-Unis dépêchent, le 5 janvier, un bataillon de 80 hommes au Gabon. Dans une lettre adressée à des dirigeants du Congrès, le président Donald Trump indique qu’ils resteraient “dans la région jusqu’à ce que la situation en RDC ne nécessite plus leur présence”. Mais Washington est confronté à cette époque au shutdown de l’administration. La marge de manœuvre politique est restreinte.

Kabila dispose des résultats dès le jour du scrutin

“Dès le 30 décembre au soir, grâce aux machines à voter, le clan Kabila a les chiffres. Il sait que le candidat de Lamuka est largement en tête”, explique un ancien ministre du gouvernement de Bruno Tshibala. “Corneille Nangaa et Norbert Basengezi, les patrons de Ceni (chargée d’organiser le scrutin) ont été appelés chez Kabila en soirée pour lui donner les premières tendances. Ils ont été obligés de reconnaître que Shadary n’avait pas gagné et ont dû lâcher le nom de Fayulu”, poursuit une autre source proche de l’ancien président.

Martin Fayulu, pour Kabila, c’est “imbuvable”. Le candidat n’a jamais caché qu’il ne ferait “pas de cadeau” au président sortant. Le clan Kabila commence à étudier différents scénarios. Soit il impose coûte que coûte son candidat, soit il se choisit “son” vainqueur.

« Dans les heures qui suivent, une première rencontre est organisée avec Félix Tshisekedi”, explique un autre habitué de la ferme présidentielle de Kingakati. “Félix, emmené par Fortunat Biselele (alias Bifor, devenu depuis conseiller privé de la présidence et personnage aussi central que discret de l’échiquier présidentiel), arrivera avec deux heures de retard. Kabila est furieux mais il sait qu’il doit envisager de travailler avec lui. Nangaa est aussi présent. Kabila lui demande de présenter les résultats à Tshisekedi. Kabila évoque alors pour la première fois le scénario de sa victoire à un Tshisekedi incrédule”.

Corneille Nangaa, président de la Commission électorale © AFP

Rien n’est encore définitif. Tshisekedi ne fait pas l’unanimité. Dans le premier cercle des kabilistes, beaucoup doutent de sa “loyauté”. Le général John Numbi est chargé de prendre contact avec Fayulu pour voir si le candidat de Lamuka serait disposé à mettre de l’eau dans son vin. Fayulu snobe les appels du général. Le 4 janvier, Kabila contacte Mme Zerrougui, la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies et cheffe de la Monusco. Il lui demande de tester Martin Fayulu. La rencontre se tiendra dans le QG de Mme Zerrougui situé à un jet de pierre du domicile de Fayulu. La cheffe de la Monusco a trois questions. Toutes portent sur les garanties que le candidat peut donner à Joseph Kabila.

Fayulu, donné comme large vainqueur par différentes fuites de résultats, reste inflexible. “Il restera sourd à tous les conseils, même ceux venus de Lamuka, la plateforme qui l’a soutenu tout au long de la campagne. Même quand ceux-ci lui demanderont de ne pas introduire de recours devant la Cour constitutionnelle et de mobiliser la rue pour obtenir la vérité des urnes qu’il revendique tant.”

Réunion au sommet à Addis-Abeba

Le 10 janvier, au milieu de la nuit, le verdict, provisoire, tombe. Corneille Nangaa donne Félix Tshisekedi gagnant avec 7 051 013 voix, soit 38,57 %. Il devance Martin Fayulu (6 366 732 voix) et Emmanuel Shadary (4 357 359 voix). L’annonce est provisoire, c’est à la Cour constitutionnelle que reviendra l’annonce officielle du verdict de ce scrutin, le 19 janvier.

Le 15 janvier, le Financial Times annonce la victoire de Fayulu. Le quotidien britannique base son analyse sur des données de la Ceni qui ont fuité et sur celles de l’Église catholique, qui a déployé 40 000 observateurs le jour du scrutin.

Deux jours plus tard, le président en exercice de l’Union africaine, le Rwandais Paul Kagame convoque une réunion d’urgence à Addis-Abeba, en Éthiopie, le siège des institutions africaines. Un seul point à l’ordre du jour : les élections en RDC. Autour de la table : les présidents Alpha Condé (Guinée), Idriss Déby (Tchad) Hage Geingob (Namibie), Joao Lourenço (Angola), Yoweri Museveni (Ouganda), Edgar Lungu (Zambie), Cyril Ramaphoza (Afrique du Sud) et Paul Kagame (Rwanda). Une délégation de la RDC est présente mais ne peut assister à la réunion des chefs d’État. Les neuf présidents vont débattre pendant plus de 4 heures. La tension est vive. Museveni ne cache pas son incompréhension. “Comment un président peut-il être élu alors qu’aucun de ses candidats n’est passé aux législatives ?”, interroge-t-il ? Tous les chefs d’État tombent d’accord sur un point : les résultats provisoires proclamés par la Ceni “ne sont pas conformes à la réalité”. Le nom de Fayulu est sur toutes les lèvres. “Tous les présidents dans cette salle disposaient des vrais résultats ou au moins des tendances claires”, explique une autre source, présente ce jour-là à Addis-Abeba.

Paul Kagame, Président du Rwanda © Reporters / DPA

En début de soirée, un communiqué est publié. Il est cinglant pour Kinshasa. “Les chefs d’État et de gouvernement présents à la réunion ont conclu à des doutes sérieux quant à la conformité des résultats provisoires, proclamés par la Ceni, avec le verdict des urnes. En conséquence, les chefs d’État et de gouvernement ont appelé à la suspension de la proclamation des résultats définitifs. Les chefs d’État et de gouvernement ont convenu d’envoyer prochainement en RDC une délégation de haut niveau comprenant le président de l’Union et d’autres chefs d’État ou de gouvernement, ainsi que le président de la Commission de l’UA, pour dialoguer avec toutes les parties prenantes congolaises, en vue de parvenir à un consensus sur le moyen de sortir de la crise post-électorale dans le pays…”

Dans la foulée, on apprend que cette délégation de “haut-niveau” composée des présidents rwandais, sud-africain, angolais, tchadien et namibien et du président de la commission de l’UA Moussa Faki, sera à Kinshasa le lundi 21 janvier.

Dans la soirée du 17 janvier, la plupart des chefs d’État rentrent chez eux.

Kagame inflexible

À Kinshasa, Kabila est fou furieux mais il ne perd pas de temps. Il organise son lobbying et cible deux États ; le Rwanda et l’Afrique du Sud. Cyril Ramaphoza, le président sud-africain qui a participé à une réunion de la Communauté des États d’Afrique australe (SADC) à d’Addis-Abeba, avant la réunion convoquée par Paul Kagame, s’était alors montré très conciliant à l’égard du processus électoral en RDC. À l’Onu, la délégation sud-africaine a aussi permis de postposer une réunion du Conseil de sécurité qui devait porter sur ce scrutin et s’annonçait critique pour Kinshasa.

Le même soir, une délégation congolaise débarque à Kigali. Elle est emmenée par Kalev, le patron des Renseignements, exécuteur patenté des basses œuvres de la kabilie. Il est notamment accompagné par Néhémie et Beya. À leur arrivée, ils sont accueillis par James Kabarebe, ex-ministre de la Défense, démis de sa charge le 18 octobre 2018, après dix années à ce poste. La délégation lui dresse le tableau de la situation. Kabarebe leur confie qu’il est favorable au choix de Félix Tshisekedi et enjoint les Congolais d’aller convaincre Kagame. Le président rwandais, qui n’est plus depuis longtemps le “meilleur ami” de Kabila, va les écouter avant de les éconduire en leur demandant de ne rien faire. “Nous serons à Kinshasa lundi”. Avant de remonter dans leur avion, les Congolais retrouvent Kabarebe qui leur conseille de “foncer” en les rassurant : “On n’interviendra pas. Une fois que vous aurez confirmé Tshisekedi, tout se calmera”.

Parallèlement, Kabila téléphone à l’ancien président sud-africain Jacob Zuma. Les deux hommes entretiennent d’excellentes relations (économiques). Zuma se rend en pleine nuit chez son successeur Cyril Ramaphoza. Ensemble, ils téléphonent à Kabila. Ce dernier explique qu’il reconnaît sa défaite et celle de son camp mais qu’il ne peut envisager la victoire de Fayulu. “Sa victoire, c’est mon exil ou ma mort. Je ne peux pas accepter”. Il enchaîne : “J’ai déjà la solution. J’ai déjà proclamé provisoirement Félix Tshisekedi, je peux le confirmer et sauver la situation.” Plus menaçant, il explique : “Si on m’impose Fayulu, ce sera le bain de sang. Arrêtez votre mission, ne venez pas à Kinshasa et tout sera réglé”.

L’année 2019 qui vient de débuter est capitale pour Ramaphoza qui espère une réélection à la tête de l’État. Si Zuma, englué dans des affaires de corruption, a perdu de sa superbe, il a gardé de solides relais au sein de l’ANC, le parti de Nelson Mandela. Ramaphoza ne veut pas entrer en conflit ouvert avec lui. Le Congo ne vaut pas une crise politique en Afrique du Sud et la vérité des urnes ne doit pas faire naître le chaos en RDC.

Kabila est rassuré. Il peut poursuivre son scénario.

© AFP

Le samedi 19 janvier, la Cour constitutionnelle est convoquée à Kinshasa. L’audience est prévue à 15 heures. Elle ne débutera finalement qu’à… 23 h 30. La Cour considère que la demande de correction des résultats introduite par la Dynamique de l’opposition de Martin Fayulu est “recevable mais non fondée, faute de preuve”. Les juges estiment que la demande du recomptage des voix est “absurde” et que la demanderesse n’a apporté aucune preuve. “Seule la Ceni a produit des résultats authentiques et sincères”, selon le juge constitutionnel Noël Kilomba, qui a repris l’essentiel des arguments de la… Ceni.

Comment vont réagir les États africains, notamment ceux qui avaient appelé à un report de cette annonce ? Le scénario a été mis en place depuis l’Afrique du Sud. C’est le président namibien, largement dépendant de l’Afrique du Sud et qui dirige alors la SADC, qui est chargé d’éteindre tout éventuel début d’incendie régional en reconnaissant rapidement la victoire de Tshisekedi. “Au nom de la SADC, et en mon nom propre en tant que président, nous félicitons le président élu de la RDC Félix Tshisekedi, après les élections du 30 décembre et l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 janvier”, écrit dans son communiqué le président Hage G. Geingob qui avait pourtant signé, deux jours plus tôt, l’appel à la “suspension” de la proclamation des résultats électoraux en RDC et en faveur de l’envoi d’une délégation à Kinshasa. Le président tanzanien, Magufuli, proche des Kabila lui emboîtera le pas, suivi du Burundais Nkurunziza, autre proche du régime congolais, trop heureux du revers infligé à son ennemi Kagame. Le Kenya suit. Il faut dire que le président Uhuru Kenyatta et son “opposant” Railla Odinga ont joué un rôle central dans l’avènement de Tshisekedi. C’est en effet à Nairobi que le duo Tshisekedi-Kamerhe a lancé le mouvement Cach, fin novembre 2018 après que les deux hommes aient renié leur signature pour soutenir Martin Fayulu au sein de Lamuka.

“Fayulu a mal joué. Game over”, écrira un futur conseiller de Tshisekedi. Le cinquième président de la RDC sera définitivement installé le 24 janvier. La voix des Congolais n’aura eu aucun poids dans ce jeu de dupes à l’échelle continentale.

© AP

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