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RDC : Massacres et violences dans le Kasaï, « le régime savait tout et l’avait planifié » selon la FIDH

Les rapports se succèdent et se ressemblent sur la question du respect des Droits de l’Homme en RDC, nouveau pays membre du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU à dater de janvier 2018 prochain. Le dernier en date est celui rendu public par la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) au cours d’une conférence de presse tenue à son siège de Paris. Il a été coordonné avec les associations congolaises de terrain dont l’Asadho, La Ligue des Electeurs, le Groupe Lotus- RDC et mené auprès des réfugiés Congolais ayant fui les exactions en Angola en juillet 2017.

Sous le titre « Massacres au Kasaï : des crimes contre l’humanité au service d’un chaos organisé République démocratique du Congo Rapport d’enquête », l’on y détaille avec effroi de crimes d’une ampleur et d’une gravité sans précédent dont ont été les cibles les populations civiles dans les provinces du Grand Kasaï. Dans le territoire de Kamonia et les villages environnants de Kamako, Sumbula, Djiboko, Mvula, Milenge ; des témoignages d’horreurs subis par des populations civiles sont rendus : d’exécutions sommaires, d’actes de torture, de mutilations, violences sexuelles, pillages, destruction de biens, d’arrestations et détentions arbitraires et de transfert forcé de population.

Ce qui est grave, ces exactions qui sont des crimes internationaux et pourraient constituer des crimes contre l’humanité sont « attribués principalement à des éléments de l’armée (FARDC) et de la police (PNC) congolaises et à leurs supplétifs de la milice Bana Mura ». Mais aussi en partie aux éléments de « la milice Kamuina Nsapu ».

Ce rapport ne parle pas que du Kasaï, il examine aussi cette « instabilité chronique dans les provinces de l’Est » du Congo, les violences au Tanganyika (une des nouvelles provinces de l’ex-Katanga) entre Bantous et Pygmées, la « répression politique » contre Bundu dia Mayala (ex-Bundu dia Kongo) dans le Kongo-central (ex-Bas Congo).

Le gouvernement savait tout…après avoir tout planifié…

Dans cette tragédie, la grande accusation est contre « le régime congolais qui savait tout après avoir tout planifié » dit le rapport. Pour preuve, le déclenchement par « les forces de défense et de sécurité congolaises des actes de représailles disproportionnés et ne visant pas uniquement la milice avec utilisation d’armes lourdes, dont des lance-roquettes, à l’encontre de civils dans plusieurs villages ».

Mais aussi « des dizaines d’arrestations et détentions arbitraires d’individus, principalement de l’ethnie Luba, accusés d’appartenir aux Kamuina Nsapu ou de les soutenir ; d’actes de mauvais traitements par les militaires ou policiers avec des dizaines d’exécutions sommaires de civils ou personnes placées hors de combat et les enterrant dans des fosses communes, parfois après avoir contraint des civils à creuser eux-mêmes ces fosses. Les militaires et policiers auraient par ailleurs pillé des habitations de personnes qui avaient fui à leur arrivée ».

Ce rapport démontre aussi que « Les crimes commis dans les Kasaï s’inscrivent dans un contexte national marqué par un refus de l’alternance politique, une répression tous azimuts des défenseurs des droits humains, activistes, journalistes et opposants au régime en place et par la multiplication de poches d’instabilité sécuritaire sur une large partie du territoire ». Il (rapport) avec détails « cette situation politique et sécuritaire précaire et démontre que les actions des autorités congolaises ont engendré un climat de chaos de nature non seulement à compromettre le processus électoral, mais aussi à menacer durablement la sécurité dans plusieurs provinces » et termine par en appeler à « la communauté internationale qui doit prendre la mesure de cette situation et poser de toute urgence des actes forts pour sortir le pays de l’impasse actuelle ».

Pour rappel, la tragédie du Kasaï a fait plus de 3 000 morts, selon un dernier bilan présenté par l’Eglise catholique et confirmé par diverses ONG internationales. Plus de 80 fosses communes ayant été comptabilisé par la Monusco.

A la lumière de ce rapport, l’on comprend bien que « les autorités congolaises savaient tout car informées en permanence de ce qui se passaient dans les Kasaï et des exactions commises par leurs propres forces de sécurités (armée et police) ainsi que la milice à sa solde les Bana Mura ». Le régime n’avait-il pas du reste saisi cette opportunité des violences pour retarder l’enregistrement des électeurs du Kasaï et ainsi reporter pour la seconde fois l’élection présidentielle, un prétexte qui a permis à Kabila demeurer au pouvoir grâce à un glissement sans fin.

Si le régime reste pointé du doigt, ce que « ses actions l’ont été dans le but d’engendrer un climat de chaos de nature non seulement à compromettre le processus électoral mais aussi à menacer durablement la sécurité dans plusieurs provinces » explique le rapport.  Raison d’une demande expresse en termes de recommandation à ce que « la communauté internationale pose de toute urgence des actes forts pour sortir le pays de l’impasse actuelle ».

Du meurtre des experts de l’ONU

Le rapport de la FIDH apparait au mauvais moment pour le régime de Kinshasa accusé par une autre enquête de RFI et l’agence Reuters qui démontre qu’au moins trois agents de l’Etat congolais sont directement impliqués dans l’organisation de la mission qui a coûté la vie aux deux experts de l’ONU, l’américain Michael Sharp et la swedo-chilienne Zaida Catalan en mars 2017. Pire, les mêmes agents sont allés jusqu’à mentir aux deux experts onusiens sur les conditions de sécurité du lieu où ils comptaient les emmener à Bunkonde.

Avec l’attaque contre les casques bleus de l’ONU dans la région de Beni, les massacres dans le Kasaï ; la question qui se pose est celle de savoir jusqu’où la responsabilité du pouvoir de Kinshasa est-elle engagée ? Mais surtout que justice soit faite quels que soient le statut où la qualité des personnes mis en cause. Le procès de Kananga sur cette affaire tendant vers sa fin, l’on se demande avec les conclusions de ce rapport et ses preuves ; s’il existe ou non la recherche de la vérité pour un jour ?

Le rapport complet ici : Massacres au Kasaï : des crimes contre l’humanité au service d’un chaos organisé https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/republique-du-congo/massacres-au-kasai-des-crimes-contre-l-humanite-au-service-d-un-chaos-22562

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