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Les femmes de RDC unies contre les violences sexuelles

Par : Laure MANENT|Yong CHIM|Stéphanie CHEVAL

En République démocratique du Congo, depuis 30 ans, la région du Nord-Kivu est le théâtre d’affrontements sanglants entre de multiples groupes de belligérants aux alliances changeantes, entrecoupés, parfois, de moments de pause. Une chose en revanche ne change jamais : les agressions sexuelles contre les femmes. Comme dans les autres conflits, le viol y est utilisé comme arme de guerre, avec l’objectif avoué de détruire les hommes à travers les femmes. Pour lutter contre ce fléau, notre invitée, l’activiste Justine Masika Bihamba a cofondé avec 35 associations, la Synergie des femmes pour les victimes des violences sexuelles. En 20 ans, cette organisation a pu accompagner 18 000 femmes victimes et les aider dans leur reconstruction.

La RDC est l’un des cinq pays les plus pauvres au monde, selon la Banque mondiale. Et pourtant, il déborde de richesses minières, en particulier dans l’est du pays, dans la région du Nord-Kivu. Mais ce qui devrait profiter à la population est en fait devenu une malédiction.

Entre sa situation géographique, proches des frontières de l’Ouganda, du Burundi et surtout du Rwanda, la région a vu se réfugier sur son territoire les anciens génocidaires, en 1994. Des jeux d’alliances fluctuantes, les implications des pays voisins et de leurs armées, ont servi de terreau à un conflit qui ne s’est jamais vraiment apaisé depuis et a même repris de plus belle. En tout, six millions de personnes sont mortes dans ce conflit, l’un des plus meurtriers au monde depuis la Seconde Guerre mondiale. Il détient aussi le triste record du nombre de réfugiés : 7 millions de personnes, selon l’ONU.

Dans cette guerre protéiforme, les victimes civiles sont nombreuses, et parmi elles, les femmes en particulier. Violées, torturées, « recrutées » de force par des groupes armés qui en font des esclaves sexuelles, martyrisées… elles sont des dizaines de milliers à avoir vécu l’horreur. Au traumatisme de l’agression s’ajoute l’ostracisation sociale, le rejet et l’abandon par leur mari. Certaines se retrouvent contaminées par le VIH, qui explose dans la région, d’autres enceintes de leurs agresseurs et avec bien peu de possibilités d’avorter. Si la loi autorise officiellement l’IVG dans certains cas, elle n’est en réalité pas pratiquée dans les faits.

Quant à la justice, elle est pour le moins défaillante. Dans cette région éloignée de la capitale, les tribunaux ne sont pas nombreux et manquent de tout. Au point que Justine Masika Bihamba raconte cette anecdote : pour déposer plainte, il faut acheter la ramette de papier. La loi elle-même est très laxiste sur la question du viol, en tout cas jusqu’à la loi de 2006, rédigée et portée jusqu’au Parlement congolais par les militantes de Synergie des femmes pour les victimes de violences sexuelles.

Depuis, le viol est passible de 5 à 20 ans de prison. Mais dans les faits, les condamnations sont rares et leur exécution encore plus. Dans son livre « Femme debout face à la guerre » (éditions de l’Aube), Justine Masika Bihamba rappelle que le chef de guerre Bosco Ntaganda, jugé par la Cour de La Haye en 2019 et condamné à 30 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité (dont meurtres, attaques de civils, viols, esclavage sexuel et utilisation d’enfants soldats) avait été promu général en 2007, c’est-à-dire un an après la publication du mandat d’arrêt de la CPI à son encontre…

Article à lire sur : Les femmes de RDC unies contre les violences sexuelles https://www.france24.com/fr/émissions/actuelles/20240311-les-femmes-de-rdc-unies-contre-les-violences-sexuelles

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