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RDC : Ces voyages officiels et privés des politiques français devenus polémiques [OPINION]

Il n’avait même pas encore mis pieds à Kinshasa qu’une polémique sur l’objet de son déplacement naissait entre un journal français censé tout connaître de « l’intelligence » africaine et la présidence congolaise. Lui, c’est Nicolas Sarkozy, ancien chef d’Etat français ; arrivé mercredi 22 mars 2023 au soir à Kinshasa pour une visite privée de deux jours en RDC.

Selon ce journal spécialisé, Sarkozy se rend à Kinshasa sur « demande du président Tshisekedi à la recherche d’une amorce de détente entre lui et son homologue rwandais Paul Kagame sur la crise du M23 qui empoisonne les relations entre les deux Etats » [https://africaintelligence.fr/afrique-centrale/2023/03/22/nicolas-sarkozy-se-rend-a-kinshasa-pour-amorcer-une-mission-de-bons-offices-avec-paul-kagame,109926746-art].

Ce rendez-vous qui devrait rester « confidentiel » ayant été arrangé par l’avocate Rachida Dati, ancienne Garde des Sceaux du gouvernement et Mairesse du 7ème Arrondissement de Paris ; et le ministre congolais des Hydrocarbures, Didier Budimbu qui avait rencontré Sarkozy en septembre 2022. Raison pour laquelle l’ancien chef de l’Etat français avait dépêché son ancien conseiller diplomatique, Pierre Régent dans la capitale congolaise 24 heures avant son arrivée.

Démenti formel et immédiat de la porte-parole du Chef de l’Eta congolais Félix Tshisekedi : « Deux fausses allégations méritant corrections : La venue dans notre pays de l’ancien Président Français n’est aucunement à l’initiative du Président de la RDC. Il n’existe aucun projet de médiation dans l’agression rwandaise qui serait confié à Mr Sarkozy ».  Et une petite mise au point suivie d’un petit conseil : « Cela étant, le Président Félix Tshisekedi sera ravi de le recevoir lors de sa visite privée à Kinshasa. Dans l’avenir, il serait plus judicieux de contacter les services habilités de la Présidence pourtant disponibles afin de produire des informations fiables ».

Etiqueté proche du rwandais Kagame avec qu’il avait entamé la normalisation après les accusations rwandaises sur le sauvetage des génocidaires par l’armée française au travers de son opération Turquoise de 1994, Sarkozy était-il l’homme providentiel pour ce genre de négociation s’interroge l’opinion congolaise.

Qui ne se souvient pas des propos partisans de Nicolas Sarkozy lorsqu’il réclamait le partage un jour des territoires de la RDC avec le Rwanda d’à côté, pays où la démographie galopante ne correspond plus à son espace géographique ; impensable qu’on fasse aujourd’hui appel à lui pour trouver un terrain d’entente entre les deux pays.

De deux choses l’une, soit Sarkozy vient officiellement pour ladite mission de médiation entre Tshisekedi et Kagame malgré le démenti de la partie congolaise, soit il vient pour ses propres affaires. A la tête d’un cabinet d’avocat et depuis son départ de la présidence française, il est devenu conférencier et en même temps conseiller dans certaines affaires moyennant un paiement d’une rétribution.

Du reste, Mme Rachida Dati ; avocate comme lui n’avait-elle pas été approchée par le ministre Didier Budimbu pour des conseils dans l’affaire judiciaire contre le milliardaire israélien Dan Gertler sous sanctions américaines dans la récupération des blocs pétroliers I et II du Lac Albert dans l’Est de la RDC.

Quid d’une offensive de charme diplomatique de la France à Kinshasa

Que nous vaut ce ballet des visites sans précédent des personnalités de premier rang de la politique française qu’on observe à Kinshasa depuis le début de cette année 2023. La dernière importante en date étant celle du président en exercice en personne Emmanuel Macron qui a ouvert le ballet en début de ce mois de mars 2023 par une visite marathone de quatre jours dans 4 pays de la sous-région : le Gabon, l’Angola, le Congo-Brazza avant de terminer son périple en RDC.

Cette offensive de charme de la part de la France en RDC n’a rien d’anodin note les observateurs. Outre des intérêts économiques, il ya aussi ceux diplomatiques alors que le pays connait un véritable revers dans ses anciennes colonies. Chassée carrément de la Centrafrique comme du Mali et récemment du Burkina Faso, la grande métropole jadis reconnue pour sa politique de la Françafrique n’a plus ni côte d’amour ni influence politique dans ses ex-colonies où elle se voit remplacée par la Russie qui lui grignote du terrain au travers de ses mercenaires du Groupe Wagner.

De la françafrique, parlons-en !

Depuis plus de 40 ans, des réseaux politiques, d’officines mafieuses, de filières occultes et ésotériques, se partage le gâteau africain alors qu’à peine de 2 ou 3 % de l’aide publique française au développement sert à lutter contre la pauvreté sur le continent. La politique française en Afrique a uniquement visé à exploiter les ressources naturelles et géopolitiques des pays francophones, les bénéfices étant immenses. 

La corruption, les meurtres, la manipulation et la guerre ont fait le plus long scandale de la République dans le lit de la folie de la Françafrique. Le pays soi-disant « patrie des droits de l’homme », n’avait-elle soutenu, au-delà de toute raison, les inspirateurs et les auteurs du génocide ruandais. La meme France n’avait-elle appelé à l’aide des mercenaires et miliciens serbes de l’épuration ethnique pour défendre le maréchal Mobutu à Kisangani contre les rebelles de Laurent-Désiré Kabila en 1997.

Pour la France dans un labyrinthe de mensonges, « l’Afrique, c’est autre chose, le pré carré de toutes les compromissions et de tous les coups tordus, un espace protégé où l’impunité est assurée aux puissant » écrit François-Xavier Verschave dans son livre LA FRANCAFRIQUE : Le plus long scandale de la République, Broché – 15 avril 1998

L’environnement par-ci, le partenariat agricole et économique par-là et malgré un discours volontariste, le président français Emmanuel Macron n’est pas parvenu à convaincre les opinions africaines constituées en majorité d’une nouvelle génération des jeunes aujourd’hui éveillées plus de 60 ans après les indépendances.

C’est surtout en RDC où la Société civile fut la plus remontée contre sa visite avec des manifestations qui ont parfois débordées. Arrivé comme reparti nuitamment pour ne pas affronter la colère des jeunes, Emmanuel Macron n’a pas franchi le rubicond de la condamnation nominale du Rwanda et son président Paul Kagame.

A lire aussi : RDC : Emmanuel Macron n’est pas le bienvenu à Kinshasa https://www.afriwave.com/2023/03/01/rdc-emmanuel-macron-nest-pas-le-bienvenu-a-kinshasa/

Macron avait certes affirmé que la RD Congo ne devait « pas être un butin de guerre. Le pillage à ciel ouvert de la RDC doit cesser, ni pillage, ni balkanisation, ni guerre » en appelant chacun, y compris le Rwanda, à « prendre ses responsabilités ». Kinshasa estimant toujours cette prise de position insuffisante, attendant de Paris des mesures concrètes et des sanctions contre Kigali.

L’on sait que la RDC accuse nommément le Rwanda comme tous les rapports internationaux y compris ceux de l’ONU et des plusieures chancelleries occidentales corrobore le soutien du Rwanda à la rébellion du M23, qui s’est emparée depuis l’année dernière de vastes pans de territoire de la province du Nord-Kivu, région riche en minerais.

François Hollande

Dix ans après sa première et unique visite officielle à Kinshasa, en octobre 2012 ; François Hollande, président de son pays, n’avait pu se rendre dans la capitale congolaise au XIVème sommet de la Francophonie que sur insistance de l’ancien président du Sénégal, Abdou Diouf, alors secrétaire général de l’OIF, l’Organisation Internationale de la Francophonie.

Face et à côté de Joseph Kabila, il n’y avait que le froid, aucun sourire. L’on se souviendra de cette incidence au protocole lorsque le socialiste se fit attendre plus d’une heure au Palais du peuple où se tenait l’événement et fit attendre nombre de Chefs d’État présents, le couple présidentiel congolais debout, dans le hall avant que son épouse ne trouve un bahut.

Mais aussi du psychodrame comme lorsqu’il vint, juste une petite salutation froide, pas un mot au président du pays, ni à son épouse – sans doute, n’avait-il jamais considéré Kabila comme un homologue– avant de littéralement se jeter juste à côté dans les bras du SG de l’OIF Abdou Diouf, devant des centaines de médias du monde… Quand Kabila prend la parole, bis repetita, Hollande certes trop occupé à parfaire son discours ; ne put en aucune fois ni regarder dans la direction du président congolais, ni applaudir une seule fois une phrase du discours de son hôte.

En public, devant des millions de téléspectateurs au Congo, dans le monde. Le président congolais sous les applaudissements frénétiques des courtisans regagne son siège à côté de celui de Hollande attendant un regard de celui-ci. Rien ne vînt… et du tic au tac, quand Hollande prend la parole et termine son allocution, Kabila ne se lève pas pour saluer la fin de ce discours. Comment oublier ce moment ?

En septembre 2022, dix ans après, Hollande n’est plus président. Il est en visite privée au Congo. Le pays a, à sa tête, un autre homme : le fils Étienne Tshisekedi wa Mulumba qu’il reçut presque comme avec dédain en 2012, à la résidence de France. Pourtant cette fois, tout a un peu changé dans la tête de l’ex-président qui fait montre d’empathie envers le Congo.

Bien avant Macron qu’il a précédé et Sarkozy à qu’Il a succédé, François Hollande s’est rendit en compagnie de son épouse, l’actrice Julie Gayet. Dans une visite privée, le socialiste a plaidé pour la « fin des ingérences » et une force des Nations unies de la Monusco « plus efficace » afin de ramener la paix dans l’Est de la RDC qui compte plus d’une centaine de groupes armés.

« La RD Congo est un pays souverain, indépendant, démocratique, qui doit régler par lui-même les affaires qui le concernent, y compris ces guérillas qui viennent troubler la vie des populations », avait-il déclaré la veille de son arrivé à Kinshasa. Pour lui, la présence onusienne reste « indispensable pour dissuader, pour protéger », la remettre en cause serait « faire le jeu des groupes qui terrorisent la population ou se livrent à des prédations insupportables ».

Reconnaissant que « les conditions d’engagement » des missions de maintien de la paix, « la composition, leur équipement, ne sont pas parfaits pour assurer le mandat qui leur a été confié », il avait néanmoins prôné pour des forces « beaucoup plus efficaces, pour aller même au contact de ces groupes » armés. Et ce, après l’aveu d’échec du SG de l’ONU, le portugais Antonio Guterres, qui avait remis en cause les capacités des forces onusiennes face aux attentes des populations dans un contexte de terrorisme et de mouvements armés mieux équipés et organisés comme des armées conventionnelles.

Son voyage s’est terminé à l’hôpital de Panzi, à Bukavu, en province du Sud-Kivu, où il rencontrait le Dr Denis Mukwege, le gynécologue et Prix Nobel de la Paix 2018 qui milite pour des actions en faveur des femmes victimes des violences sexuelles. C’était pour l’inauguration de l’Institut Africain de Chirurgie Minimale Invasive à l’hôpital de Panzi, un nouveau service composé d’un bloc opératoire moderne équipé d’un matériel de haute technologie qui devrait bénéficier à la population congolaise des techniques chirurgicales de pointe.

Une certaine opinion ayant même accusé Hollande d’être venu pour soutenir la prochaine candidature de Mukwege à la présidentielle de décembre 2023 et c’est le temps qui nous en dira.

Jean-Pierre Raffarin

L’ancien premier ministre de Jacques Chirac s’est également rendu cette semaine à Kinshasa à la tête d’une délégation des « leaders de la paix », une Fondation regroupant plus de quarante personnalités engagées dans la recherche de la paix à travers le monde. Leur passage en RDC restant motivé par la recherche des « propositions et d’échanges d’expérience pour le rétablissement de paix en RDC ».

Reçu à l’Assemblée nationale comme au Sénat lundi 20 mars 2023, l’ancien Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin a plaidé pour une véritable implication de la communauté internationale pour le retour de la paix dans la région de l’Est de la RDC. Il s’zest dit sensible à la situation qui prévaut dans l’Est de la RDC : « Nous sommes très sensibles aux malheurs des population qui souffrent de la guerre. Nous sommes très sensibles aux efforts qui sont faits dans tout le pays pour conduire à la paix »,

Avec gravité, il a rappelé le drame qui s’y joue avec la perte des nombreuses vies humaines : « Nous voulons exprimer une préoccupation pour que les sujets de la RDC soient pris en compte par la Communauté internationale. Notre conviction c’est que la paix ne tombe pas du ciel. La paix c’est un travail, ce sont des discussions avec des gens avec lesquels on n’est pas d’accord quelques fois. C’est cet effort auquel nous contribuons modestement, mais avec détermination » indiquait-il.

Le passage de tous ces hommes politiques français et leurs délégations n’est pas non plus fortuit car ils ont tous un point commun : leur appartenance aux différents mouvements ésotériques difficiles à comprendre. Francs-maçons, rosicruciens ; ils sont tous à la recherche des nouveaux membres bien placés dans la société, surtout en politiques et dans les affaires pour mieux étendre leur influence.  

A l’époque où le Quotidien UMOJA dénonçait la Prima Curia sous le régime Mobutu, l’on note un retour en force de ces mouvements jadis cachés qui ont aujourd’hui pignon sur rue dans le pays. Cabalistiques, énigmatiques, hermétiques, inaccessibles, incompréhensibles, insondables, mystérieux, obscurs ; ils s’affichent aujourd’hui au grand jour.  A quoi peuvent-ils être nécessaires dans le développement du pays s’interroge encore une bonne frange de l’opinion ? La question reste posée !

Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

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