C’est une véritable bombe à retardement que constitue la Synthèse du Rapport de Contrôle de l’Inspection Générale de Finances (IGF) sur la gestion de la Générale des carrières et des mines (Gécamines), la plus grande société minière et pilier de l’économie du pays depuis l’indépendance.
Daté du 31 mai 2022, ce document de 9 pages dont afriwave.com a obtenu une copie ; retrace une série d’irrégularités impardonnables ayant mené à la perte de plusieurs centaines de millions de dollars américains au détriment du pays.
Longtemps et très longtemps dirigée par Albert Yuma Mulimbi d’abord comme Directeur Général (DG) puis Président du Conseil d’Administration (PCA) sous Joseph Kabila dont il demeure un des proches, la gestion de la Gécamines n’a toujours pas été aussi « orthodoxe » comme on le prétendait. Le vaste audit lancé de la gestion sur la période 2010-2020 l’a prouvé à dessein.
Entamé en septembre 2021 alors que le Président de la République Félix Tshisekedi, quelques mois plutôt faisait pat de sa volonté de renégocier les contrats miniers signés pendant les deux mandats de son prédécesseur, Joseph Kabila ; l’on ne pouvait s’attendre à une surprise. Ce qui du reste fait que l’actuel Chef de l’Etat aimerait qu’un examen plus global de l’ensemble du secteur minier soit également réalisé.
Outre l’absence de contrôle généralisée décriée, la synthèse du Rapport de Contrôle de l’Inspection Générale de Finances sur la gestion de la Gécamines cible notamment les conditions de vente ou de cession des actifs miniers de la Gécamines au profit des acteurs privés et, surtout, les performances financières d’une société régulièrement accusée par les ONG de « brader les minerais congolais ».
Autres griefs énumérés : les multiples problèmes constatés : le manque de transparence dans la signature des contrats, les préjudices dans les cessions de droits, le défaut de paiement des impôts dus au Trésor, la présomption de détournements des deniers publics et le bradage du patrimoine immobilier de l’entreprise, etc.
A lire aussi : RDC-ECONOMIE : Difficile exercice d’équilibriste d’Albert Yuma, PCA de la Gécamines [DECRYPTAGE] https://www.afriwave.com/2021/04/21/rdc-economie-difficile-exercice-dequilibriste-dalbert-yuma-pca-de-la-gecamines-decryptage/
Quelques chiffres clés
- Le chiffre d’affaires réalisé par les partenaires de la Gécamines entre 2012-2020 s’élève à 35 milliards de dollars américains, la Gécamines n’a reçu que 564 millions de dollars américains en termes de royalties.
- Sur les avances de la Gécamines à l’État de l’ordre de 591millions de dollars américains, 413 millions de dollars américains sont intraçables.
- Sur 175 millions de dollars de pas de porte du contrat chinois, la totalité de 175 millions reste introuvable.
- Sur un total des revenus de 1,9 milliard de dollars, seuls 57 millions de dollars ont servi à l’outil de production de la Gécamines.
- Alors que la dette juridique était de 44 millions de dollars en 2020, la Gécamines a payé entre 2016 et 2020, 97millions de dollars pour les honoraires des avocats.
- La Gécamines a vendu ses maisons 1 chambre + salon à 500 dollars, 2 chambres + salon à 750 dollars, 3 chambres à 1000 dollars et 4 chambres à 1500$. En plus 20% de commissions ont été payées à une agence immobilière.
- En 1996, la Gécamines détenait 45% de parts sociales à la TFM (la plus grande mine de cuivre), elles ont été réduites à 17,5% en 2005.
- En 2000 la Gécamines avait des réserves de 35,3 millions tonnes de Cuivre et 3 millions tonnes de cobalt. En 2021 elle n’a plus de réserve disponible que de 9,3 millions de cuivre et 1,4 millions de cobalt.
DOCUMENTS
De prime à bord, l’on se rend compte de combien le pays et ses grandes comme petites entreprises ont été saignés à blanc par les régimes de prédation de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) et ses héritiers du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) sous les Kabila Laurent-Désiré et Joseph.
Car même si sous Mobutu, les choses n’étaient pas allées aussi loin, sous les Kabila ; la corruption et les détournements des deniers publics ont atteint leur summum.
Une deuxième leçon, ce document explosif permet de comprendre comment certains dirigeants politiques de l’époque se sont comportés comme des mercenaires en pillant le pays à leur profit personnel et celui de leurs familles. Ce qui du reste, explique le combat d’arrière-garde qu’ils tentent de mener aujourd’hui pour échapper à toutes les sanctions y compris les poursuites judiciaires qui s’imposent à eux.
une source crédible contacté par afriwave.com confirme que « les enquêtes de l’IGF se poursuivront jusqu’à la fin et que tous ceux qui sont impliqués de loin ou de près rendront des comptes à la justice ».
Un dossier à suivre…
Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi