home Culture & Société, Politique, RD Congo RDC-CINEMA : Balufu Bakupa-Kanyinda accuse Thierry Michel de « plagiat »

RDC-CINEMA : Balufu Bakupa-Kanyinda accuse Thierry Michel de « plagiat »

L’un des faits ayant marqué la fin d’année 2021 en RDC c’est l’affaire Balufu Bakupa-Kanyinda, Producteur du film « Congo ! Le silence des crimes oubliés » de l’auteur Gilbert Balufu Mbaye sorti en 2015 et « Prix de meilleur second documentaire » au Fespaco 2017.

Balufu Bakupa-Kanyinda est en conflit ouvert avec le documentariste belge Thierry Michel pour cause d’un « présumé plagiat », une affaire qui prend des proportions inattendues depuis que les réseaux sociaux comme certains médias s’en sont emparés.

Des accusateurs aux défenseurs de l’un comme de l’autre, les deux protagonistes s’échangent des messages triviaux alors que le belge menace de porter l’affaire devant les tribunaux ; ce qui n’effraye aucunement le congolais qui se dit paré et prêt à toutes les éventualités.

En effet, le producteur congolais accuse carrément son confère documentariste belge d’avoir plagié le film congolais précité dans sa dernière production « L’Empire du Silence » dont la sortie officielle est prévue en ce début 2022.

Sur sa page Facebook en date du 8 décembre 2021, Thierry Michel écrivait : « CAMPAGNE DE DIFFAMATIONS contre le film EMPIRE DU SILENCE

Chers amis

Je suis l’objet d’une campagne calomnieuse qui vise à empêcher la carrière du film L’EMPIRE DU SILENCE et à salir ma réputation.

De manière totalement inattendue, c’est le cinéaste Gilbert Balufu qui m’accuse de manière mensongère, diffamatoire et menaçante, de plagiat du film qu’il a réalisé voici 6 ans dénonçant les massacres rwandais en RDC « Congo, le silence des crimes oubliés ».

Ses accusations sont totalement fausses, preuves détaillées à l’appui. Bien plus, il a utilisé certaines archives utilisées dans mes films sans les créditer !

En allant à Kinshasa, je pensais qu’il serait difficile de pouvoir présenter ce film au public congolais. Je fus cependant très surpris de recevoir les félicitations du Ministre de l’Information et des deux présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale et d’un accueil massif et chaleureux des spectateurs congolais. Je ne pouvais imaginer que j’allais faire l’objet d’une campagne calomnieuse et diffamatoire dont le but évident est de fragiliser la distribution internationale du film « L’EMPIRE DU SILENCE » principalement en Belgique, en France, et bien entendu au Congo avec le but évident d’empêcher la tournée de diffusion qui est prévue dans plus de 6 provinces martyres où j’ai filmé les victimes et survivants des massacres impunis.

En cette période de FAKE NEWS, il est regrettable que Mr. Balufu passe par de tels procédés. D’autant qu’il profère des menaces à mon égard, mais qu’il menace également d’action en justice mon preneur de son congolais Cédric Mbongo.

C’est pourquoi mon producteur, LES FILMS DE LA PASSERELLE, a décidé de publier un communiqué et de poursuivre judiciairement Gilbert Balufu.

En ce qui me concerne, j’ai également décidé de porter plainte devant la Justice pour diffamation et calomnie, en droit pénal congolais pour « imputations dommageables. Ce sera dès mon retour du Burkina Faso où je présente actuellement le film, après l’avoir présenté à Bruxelles, Tunis et Kinshasa.

Très cordialement

Thierry Michel

Usant du même canal de Facebook et sur sa page en date du 12 décembre 2021, Balufu Bakupa-Kanyinda répond au belge Thierry Michel :

« Madame Christine Pireaux, Monsieur Thierry Michel,

Nous demandons en vain la copie de votre fameux film depuis plusieurs jours. Pour une projection de comparaison. Tout simplement. Vous nous répondez avec des menaces de justice et d’autres pires choses encore, ainsi que les insultes de vos « fanatiques » et vos commentateurs téléguidés dans les réseaux sociaux.

Nous sommes preneurs. Nous répétons : les morts n’ont pas peur de mourir.

Nous attendons l’avocat. Tous vos avocats. Nous sommes impatients d’avoir de leurs nouvelles, et de recevoir aussi de leur part les bonnes nouvelles de la copie du film soupçonné au tribunal du Peuple Congolais pour les projections de comparaison.

Les réseaux sociaux, vos insultes et vos menaces ne fournissent pas le verdict de « non-lieu » ; la vérité de l’écran est la seule véritable justice du cinéma. Nous vous demandons, une énième fois de plus, la copie de votre film. Pour l’apaisement que certaines voix respectables demandent.

Que cacherait donc votre refus ? Gagner du temps pour nous bidouiller une fausse copie ? Est-ce possible ? Nous attendons la copie de votre film ; et tous vos avocats assisterons aux projections de nos deux films avec nous. Nous disons nos 2 films dans le sens de l’authentique et sa suspecte pâle copie.

Et… Nos questions demeurent, sans y ôter un iota. Appropriation intellectuelle ? Inspiration ? Plagiat ? Viol de l’Imaginaire ? Vol de la propriété intellectuelle ? La fable de « L’empire du silence » du Congo belge… Dans ce Congo belge, on prenait tout ; ils dépouillaient tout aux « indigènes du Congo » (ils n’étaient pas Congolais mais indigènes du Congo).

Patrice Lumumba a eu le malheur de le dénoncer…Nous attendons.

Ne vous trompez pas d’époque ni des Congolais. Pensez au changement climatique et au covid. Ils concernent tout le monde. Nous vous réitérons notre demande de la copie de votre film, tel que projeté à Kinshasa.

En attendant, regardons cette belle narration vidéo de l’histoire, édifiante, du grand Esope, qui n’est pas celui que l’on croit.

Cordialement.

Balufu Bakupa-Kanyinda ».

« Dans le film de Balufu, le Congo belge était nommé « L’Empire du silence », le titre de votre film. Cela en dit plus que la diffamation et le plagiat dont vous vous auto-accusez » explique Balufu Bakupa-Kanyinda à l’attention de Thierry Michel en parlant du « viol de l’imaginaire ».

Et pour taire la querelle, Balufu dit que « La meilleure façon d’établir chacun dans ses droits est de nous envoyer une copie de votre film – la même qui a été présentée à Kinshasa, pour des projections de comparaison ».

Une demande toujours non satisfaite jusqu’en ce début 2022 comme il le dit dans un deuxième message daté du 30 décembre 2021 : « Saisie en date du 12 décembre dernier par le réalisateur congolais Balufu Bakupa-Kanyinda, producteur du film « Congo ! Le silence des crimes oubliés », sorti en 2015, qu’il estime avoir été plagié sur certains points par le réalisateur belge Thierry Michel dans son film « L’empire du silence » sorti en 2021, l’Administration des Droits d’Auteurs au Congo (ADACO) n’a toujours pas à sa disposition, la copie de ce dernier film, dans sa version intégrale, pour une séance technique de comparaison et ce, dans le but de dissiper tout. Il est le seul cinéaste, financé par son pays, la Belgique – un ancien colonisateur du Congo, qui a consacré ses films pendant deux décennies depuis la chute de Mobutu à un seul sujet, un seul pays, avec une seule intention : le Congo belge était bon, le colonialisme au Congo belge était bon, montrant son mépris pour le Congo de Lumumba et les congolais d’aujourd’hui pour violer leur imaginaire en copiant un film produit et réalisé par des congolais. Le comble, c’est que par méconnaissance, manque de culture et manque d’éducation culturelle de l’image, les Congolais indécolonisables le soutiennent ! ».

Du narratif du film querellé, Balufu Bakupa-Kanyinda est explicite : « L’Empire du silence de Thierry Michel est tiré de mon film documentaire intitulé « Congo ! Le Silence des Crimes Oubliés », et je le confirme bien sans fantaisie ni hésitation. Thierry Michel a plagié mon film et il le sait très bien ».

« Le vendredi 26 courant, j’étais dans la salle de projection au Palais du Peuple et j’ai noté près de 80 éléments de comparaison ! C’est du plagiat pire et simple. Je pensais qu’il était un peu plus créatif, mais je le découvre sous un jour sombre ! Je termine mon film avec un plan montrant le soleil, et lui aussi termine le sien de la même manière ! Même le synopsis il a copié sur le mien. Toute personne ou tout cinéaste épris de bon sens ne peut soutenir cette malhonnêteté, à moins d’être complexé et animé de haine, et de mauvaise foi », s’insurge Balufu Bakupa-Kanyinda pour renforcer son hypothèse.

De ses relations avec Thierry Michel, le congolais explique que « Thierry Michel est arrivé l’année passée, au mois de février. Dès qu’il a atterri à N’Djili il m’a envoyé un message m’annonçant son arrivée. Après sa projection du film sur le Dr Dénis Mukwege, il sollicita une autre rencontre avec moi au cours de laquelle il me fit deux propositions, dont la première était d’acheter quelques images contenues dans mon film, et pour la deuxième, il me dit que tu as fait un très beau film, et comme il est censuré par la France, je suis en train d’organiser une série de projections en Europe et je t’invite à te joindre à moi en vue de venir présenter ton film, et lui donner une visibilité. Et c’est dans ce cadre-là qu’il dû obtenir une copie de mon film ». 

Une autre lettre ouverte au belge Thierry Michel sur le Viol de l’imaginaire en dit long sur les relations entre le congolais et le belge :

« La meilleure façon d’établir chacun dans ses droits est de nous envoyer une copie de votre film-la même qui a été présenté à Kinshasa, pour des projections de comparaison. Nous vous avons fait cette demande depuis plusieurs jours. Silence. Pour le reste, pour nous, il y a dans votre façon de faire, des soupçons d’abus de confiance, d’escroquerie. Il ne sert à rien de faire du bruit de morveux, et de distiller des mensonges partout. La justice des réseaux sociaux n’est pas la vérité de l’écran.

A chaque fois que vous produisez votre représentation « cinématographique » du Congo, qui est devenu votre gagne-pain, votre piédestal des honneurs ainsi que votre principal sujet de narration filmée depuis la chute de votre « ami Mobutu », votre relation avec la RDC n’est tissée que des mensonges, bidouillages et mépris.

« L’empire du silence » est votre actuel mensonge, inspiré par un autre film, celui d’un jeune cinéaste congolais. Aujourd’hui, le cinéaste Gilbert Balufu Mbaye est l’objet de vos mensonges, de votre mépris. Vous n’êtes pas à votre premier forfait au Congo. Vous êtes un cinéaste « léopoldien ».

Vos mensonges et mépris envers le Congo et les Congolais, d’autres cinéastes peuvent en témoigner. Des jeunes cinéastes congolais sont vos victimes ; ils se taisent, par peur ou par un certain complexe d’infériorité.

Des politiciens congolais, par ignorance et manque d’éducation à l’image, vous accordent un quelconque crédit ; certains vous applaudissent, sont mêmes fières et heureux de poser sur les photos avec vous, et sont prêts à vous soutenir.

Le Congo belge était nommé « L’empire du silence », le titre de votre film. Cela en dit plus que la diffamation et le plagiat dont vous vous auto-accusez.

Avant la sortie de votre « Empire de silence », vous vous êtes répandu dans les médias et réseaux sociaux, en brayant à tue-tête que le Congo vous aurez refusé le visa. Mensonge. Le visa ne vous a jamais été refusé ; vous n’avez jamais déposé une copie de votre film à l’Ambassade de la RDC à Bruxelles, qui ne vous l’avez du reste pas demandé mais qui vous avez informé de respecter la procédure normale de demande et d’obtention de visa pour vous rendre en RDC. Vous avez menti, vous avez crié ; et une autorité congolaise a du ordonner que le visa vous soit octroyé au détriment du respect de la procédure légale. Privilège de blanc ? Profitez-en bien.

Sillonnez l’Afrique, montrez votre mensonge, montrez votre mépris des Congolais. Que ceux qui ne savez pas, vous applaudissez. C’est bien leur droit. Continuez à mentir. La vérité vous attend, au coin où se trouvent des tortues têtues qui rigolent, pleines de créativité.

Pour vous donner de l’importance -et peut-être pour impressionner certains Congolais indécolonisables (ils sont légion à vos pieds), vous mentez. Mentez donc, comme vous le faites maintenant.

Gilbert Balufu ne vous veut aucun mal ; il exige la comparaison. Son magnifique film, que vous avez vu au Fespaco 2017, et que vous avez apprécié devant moi, ne doit rien au vôtre.

Et le vôtre, alors ?

L’indignation active, légitime, de Gilbert Balufu Mbaye – mon jeune frère – n’est nullement une recherche de notoriété ni d’argent, comme vous le soutenez.

Mentez. C’est dans votre coutume de mentir, et de mépriser les Congolais.

Gilbert Balufu Mbaye est un brillant cinéaste congolais, qui ne vous doit rien et ne vous demande rien, sauf de le respecter, de respecter son travail et ses droits, les droits issu de son imaginaire.

Le vol de l’imaginaire de l’autre est un viol indescriptible, et imprescriptible. Maintenant, allez donc en justice. Ne menacez personne (Nous sommes des morts ; les morts n’ont pas peur de mourir).

Allez en justice. Allez trouver votre justice, où vous voulez. Parce que nous vous suspectons d’escroquerie, d’abus de confiance, de détournement intellectuel d’une œuvre d’esprit d’autrui, de vol et de viol de l’imaginaire.

A l’heure où l’on évoque la restitution des œuvres d’art pillées en Afrique, il n’est pas bien indiqué d’ajouter votre cas à la longue liste des objets volés, des biens mal acquis.

Le Congo, qui est votre gagne-pain cinématographique, est le pays de Gilbert Balufu Mbaye ; et il n’a jamais eu besoin de vous. Ni hier ni aujourd’hui ni demain. Alors un peu de respect pour un jeune réalisateur intelligent et créatif, à qui vous avez demandé la copie de son film, et qui vous l’a généreusement remise ; et c’est son film qui vous a inspiré.

L’inspiration, en art, n’est pas interdite ; quand on en use honnêtement. Je vous prie de nous envoyer une copie de votre film. Notre adresse à Kinshasa, RDC, est connue.  Les morts n’ont pas peur de mourir.

Balufu Bakupa-Kanyinda

Producteur de « Congo ! Le silence des crimes oubliés. » film de Gilbert Balufu Mbaye (2015. Prix de meilleur second documentaire Fespaco 2017).

Pour rappel, Thierry Michel a eu des problèmes avec sa propre compatriote belge, la journaliste du quotidien Le Soir Colette Braeckman après la sortie d’un autre film consacré au Congo. Il s’agissait de « L’homme qui répare les femmes » consacré au travail du Dr congolais Denis Mukwege dans son Hôpital de Panzi avec les femmes violées pour lequel ils avaient collaborés.

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