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RDC : Kinshasa et son Marché « Zando », les émeutes du confinement et de l’indiscipline politique

La tension vécue aux abords du Grand Marché de Kinshasa dit « Zando » avec les violents affrontements survenus en matinée du mardi 09 juin 2020 entre les forces de sécurité de la police nationale congolaise n’est pas près de baisser. Conséquence de cette violence soudaine, trois morts parmi les protestataires et des dégâts matériels enregistrés. 

Pour le gouvernement provincial dans son compte-rendu du Conseil des ministres extraordinaires, « ces troubles ont été provoqués par des « groupes d’inciviques instrumentalisés de manière préméditées, se réclamant des syndicats de commerçants et vendeurs du Marché central ». Leur objectif étant « d’entamer une marche non-autorisée et forcer les barrières interdisant l’accès au marché central de Kinshasa, et ce, en violation manifeste des mesures de l’état d’urgence telles que décrétées par le président de la République ».

Faux, retorque les manifestants pour qui « la cause de cette revendication était une demande pour un retour rapide des vendeurs et autres petits débrouillards dans cet espace de survie au quotidien pour beaucoup d’entre-eux. Face à cette demande se heurte la volonté de l’autorité urbaine de moderniser le Grand-Marché en y créant un super grand Mall où l’ensemble d’utilisateurs actuels ne saurait être maintenu ».

Confirmant sa mesure de « fermeture jusqu’à nouvel ordre » du Marché central, le gouvernorat justifie l’érection des palissades autour du marché « dans le seul but de sécuriser le site contre les risques de vandalisme et la recrudescence des actes de criminalité rapportés les services de l’ordre ». Il réaffirme dans le même ordre d’idée que son « projet de réhabilitation du Marché est en préparation et les kinois seront davantage informés ».

En effet, depuis plus de deux mois que le Marché central est fermé ; les commerçants et autres vendeurs à la sauvette habitués de la débrouillardise dans cet endroit ne savent plus à quel saint se vouer, la raison de leur révolte dû à la faim et au désœuvrement.

A côté de cette colère explicable d’une partie de la population tirant sa survie des activités du Marché central s’oppose le comportement méprisant de l’autorité provincial et sa précipitation dans son idée de modernisation de l’espace.

Comment ne pas penser à des juteuses rétrocommissions en ce moment où se tiennent plusieurs procès pour corruption et détournements des deniers publics impliquant des responsables politiques et privés dans des marchés signés dans des conditions aussi opaques.

Point n’est de démontrer que transformer cet espace qui a une histoire tragique en un Mall commercial généra encore plus de revenus pour la province-ville de Kinshasa en mettant dehors la majorité de ceux qui s’y débrouille.  

Lire aussi : RDC-Kinshasa : Attaque du Grand Marché « Zando », vives interrogations et inquiétudes https://www.afriwave.com/2017/07/14/rdc-kinshasa-attaque-du-grand-marche-zando-peur-sur-la-ville-avec-interrogations-et-inquietudes/

Un projet de modernisation contesté…

Malgré l’idée de relocalisation d’une partie des commerçants et autres vendeurs sur des sites périphériques non loin du Grand marché vers les avenues Itaga et Kasa-Vubu en préparation, notamment sur la Place dite La Voix du Congo dans la commune de Kinshasa ; la colère de la population n’est pas prête à baisser. Surtout que ce nouvel emplacement ne concernera que les vendeurs des bijoux, des tissages et autres pagnes.

Nul n’en doute aussi que cette tension manifeste est un signe de l’exaspération d’une population paupérisée durant des années, aujourd’hui n’ayant plus rien depuis que ce vieux marché de près de 50 ans est fermé suite à la pandémie de la Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire décrété par le chef de l’Etat.

Mais aussi et surtout la volonté du gouvernorat de Kinshasa sous le prétexte d’assainissement pour « moderniser » l’espace Grand Marché que l’on sait être la source de beaucoup d’argent en matière des taxes et autres.

Une attitude que n’avait pas manqué de fustiger le ministre de l’Intérieur Gilbert Kankonde Malamba qui dans son courrier du 03 juin 2020 avait sollicité du gouverneur Ngobila une « surséance des travaux de réhabilitation du Marché central de Kinshasa jusqu’à nouvel ordre » et ce, suite à « des rapports en sa possession » faisant été d’un empressement des services de la province à « démarrer des travaux aux préjudices des commerçants en confinement… ».

En conflit ouvert avec l’un de ses partenaires en l’occurrence la société Safricom SPRL, Ngobila voulait profiter du temps de confinement dû à la Covid-19 pour réaliser ses travaux avec des nouveaux contractants. Chose inacceptable pour le ministre de tutelle Gilbert Kankonde pour qui cette affaire « formellement suspendue par la Cour d’Appel de Kinshasa Gombe en tant que juge des référés le 16 décembre 2019 » ; une décision confirmée par le « Conseil d’Etat le 22 janvier 2020 ».

Le ministre de l’Intérieur met en garde : « Aussi, en exécution de ladite décision judiciaire et des lois de la République, et consécutivement à mon susdit courrier, je vous instruis une fois afin de surseoir à tous ces travaux de réhabilitation du Marché central de Kinshasa, initiés en violation de lois et des droits des tiers, jusqu’à la modification ou retrait des mesures urgents ainsi décidées par le juge des référés de la Cour d’Appel de Kinshasa-Gombe. Il y va du respect de la sécurité des investissements étrangers sur le territoire national ».

Gilbert Kankonde va même jusqu’à recourir aux « responsables des services de sécurité chargés de l’exécution de son instruction jusqu’à nouvel ordre ».

Une indiscipline politique caractérisée…

Dans cette affaire avec flambée violence gratuite, il y a aussi cette indiscipline politique caractérisée de la part de l’autorité provinciale. A la lettre du ministre de l’Intérieur, son autorité de tutelle ; le gouverneur Ngobila avait préféré répondre à sa manière devant la presse convoquée. Qu’en est-il du respect à son autorité administrative ?

Toute chose restant égale par ailleurs, il y a lieu de constater cette indiscipline politique de la part de certains mandataires publics issus des rangs de l’ancien régime Kabila au sein de son parti le PPRD tout comme de sa plateforme du FCC.

Du parlement eu sénat en passant les gouverneurs des provinces et voir certains ministres pourtant membres du gouvernement de coalition CACH-FCC, certaines personnes ne respectent ni le président de la République, encore moins ses décisions. Ce qui ne s’est jamais produit du temps de Kabila et il est grand temps que cela change.

Roger DIKU et Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

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