home Diaspora, Politique, RD Congo, Société NEW-YORK 2018 : Un discours vif de Kabila entre dénonciation, menaces et suspicions

NEW-YORK 2018 : Un discours vif de Kabila entre dénonciation, menaces et suspicions

Bis repetita. Comme l’année dernière, hier soir mardi 25 septembre 2018 pour son dernier discours devant la 73ème Assemblée Générale des Nations Unies à New-York ; c’est devant la délégation congolaise et une poignée d’assistants dans une salle à moitié vide que Joseph Kabila a parlé en tant que chef de l’État congolais, avant les probables élections générales prévues le 23 décembre auxquelles il ne se présentera pas.

Et comme il fallait s’y attendre, ce fut un vif discours entre « dénonciation d’une présumée main noire » et   de « suspicion » contre une certaine « ingérence » dans les affaires internes de son pays, notamment le processus électoral en cours pourtant auquel il n’est pas concerné car n’étant pas candidat. Kabila a-t-il ainsi averti que son pays s’opposera « à toute ingérence dans le processus électoral en cours ».

Ce qui traduit de sa part que malgré la désignation par lui d’un dauphin, il entend garder une mainmise sur la situation politique du pays. Enfin comme pour la Cour Pénale internationale (CPI) il y a quelques semaines, Kinshasa menace de se retirer de l’ONU si cette dernière ne reste pas aux côtés de la RDC.

Ente autre forte exigence du régime de Kinshasa, le début effectif du retrait des casques bleus de l’ONU : « Vingt ans après le déploiement des forces onusiennes dans mon pays, et en raison de leurs résultats largement mitigés au plan opérationnel, mon gouvernement réitère son exigence du début effectif et substantiel du retrait de cette force multilatérale » a dit Kabila.

En janvier 2018, il avait déjà réclamé que la Monusco quitte le pays, au plus tard en 2020. Pour rappel la mission de paix Monusco, qui compte quelque 17.000 Casques bleus pour un budget annuel d’un peu plus d’un milliard de dollars, est l’une des plus importantes missions de la paix de l’ONU dans le monde depuis la fin de la 2ème Guerre mondiale.

Pour démontrer sa détermination, Kinshasa a réaffirmé par la voix de son chef de régime le caractère irréversible de la tenue des élections à la fin de l’année et sous financement propre : « …Confinée il y a quelques années au rang d’Etat failli, la RDC affiche aujourd’hui des ambitions d’émergence incontestable tant les signaux économiques, sécuritaires et politiques sont encourageants. En dépit des défis encore énormes (…), je réaffirme le caractère irréversible de la tenue des élections à la fin de l’année. Tout sera mis en œuvre pour garantir le caractère apaisé et crédible du scrutin » a-t-il expliqué.

Kinshasa boycotte une réunion sur la situation de la RDC à New York

Dans sa logique de bras de fer contre les institutions internationales et autres partenaires bilatérales, Kinshasa a décidé de ne pas participer à une importante réunion sur la situation du pays prévue le vendredi 28 septembre 2018.

Pour expliquer son boycott, le pays dit ne pas avoir été associé à la préparation de ladite réunion ni en connaître les objectifs : « La RDC ne connaît rien sur cette fameuse réunion, on ne sait pas si l’ordre du jour concerne les mines, la construction des routes ou les élections » déclare le conseiller diplomatique principal de Joseph Kabila Barnabé Kikaya Bin Karubi.

Ce refus qui n’en est pas une première intervient après celui du mois d’avril 2018 où le gouvernement congolais avait séché la conférence internationale de donateurs organisée au siège de l’ONU à Genève en réponse à la crise humanitaire en RDC, estimant que le pays n’est traversé par aucune crise. Une fois l’argent récolté, le même gouvernement s’était dit intéressé à savoir le comment de l’utilisation de cette manne dans le pays.

DISCOURS DU CHEF DE L’ÉTAT À LA 73ème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES DU 25 SEPTEMBRE 2018.

Madame la Présidente,

Monsieur le Secrétaire Général,

Excellences, Mesdames et Messieurs les Chefs d’États et de Gouvernement,

Mesdames et Messieurs,

Comme plusieurs années auparavant, je me réjouis de prendre la parole du haut de cette tribune, d’abord pour rendre hommage à un digne fils du continent africain, Monsieur KOFI ANNAN, qui vient de nous quitter il y a quelques semaines, après avoir marqué notre organisation d’un engagement exemplaire au service de la paix.

Je salue, ensuite, le leadership incontestable du Secrétaire Générale Antonio GUTERRES dans la défense d’un multilatéralisme fort influencé par une ONU réformée. En même temps, j’adresse mes très vives et chaleureuses félicitations à vous, Madame la Présidente, pour votre brillante élection, reconnaissance évidente de votre expérience en qualité de diplomate.

Madame la Présidente,

Lors de mon intervention à la 72ème Session ordinaire de notre auguste Assemblée, j’avais brossé la situation interne de mon pays en affirmant, sur le plan sécuritaire, que grâce aux efforts entrepris, nous avions réussi à inverser la tendance dangereuse au centre du pays et à améliorer significativement la situation, pendant qu’au Nord-Est, les efforts méritoires fournis par les forces de défense et sécurité, nous permettaient de contenir les attaques terroristes.

Aujourd’hui, la paix s’est consolidée au centre du pays, en témoigne la réinsertion très avancée des familles qui avaient été forcées de se déplacer à l’intérieur du territoire national, ou de s’exiler dans les pays limitrophes, du fait des violences déplorées.

Le défi de la sécurité reste cependant entier dans la région du Nord-Est, à cause de la persistance des activités terroristes qui n’ont pas endeuillé seulement le territoire de Beni, le 23 Septembre dernier, mais aussi d’autres pays de la région.

En tout état de cause, ces attaques qui constituent un défi de plus, à tous ceux qui ont à cœur la défense d’un monde libre, débarrassé de toute violence aveugle, ne nous empêcheront pas de poursuivre notre action en faveur de la paix et de la stabilité de notre pays et surtout, d’engager d’autres efforts supplémentaires, en vue de la sécurisation du processus électoral en cours.

Madame la Présidente,

Au plan politique, en saluant les efforts fournis par toute la classe politique, traduits à travers un consensus global sur le processus électoral, avec pour objectif ultime l’organisation des élections, j’avais mentionné les progrès réalisés notamment, dans la constitution du fichier électoral et l’imminence de la publication du calendrier électoral.

En dépit des défis énormes qui jonchent encore son parcours sur tous les plans, comme l’année passée, je réaffirme le caractère irréversible de la tenue des élections prévues à la fin de cette année.

Ainsi, la situation politique de Mon pays gagne en lisibilité, toutes les échéances prévues au calendrier électoral, en vue des prochains scrutins, étant à ce jour tenues.

Tout sera mis en œuvre afin de garantir le caractère apaisé et crédible desdits scrutins, gage de la consolidation de la stabilité politique et économique dont la République Démocratique du Congo a tant besoin pour son émergence.

Madame la Présidente,

« Faire de l’ONU une organisation pour tous : une force mondiale fondée sur des responsabilités partagées, au service de sociétés pacifiques, équitables et durables », tel est le thème du débat général de la présente session.

Cela suggère un regard sans concession  sur notre Organisation, en invitant ainsi chaque État membre à valoriser sa contribution au bénéfice de la collectivité universelle et à protéger les valeurs qui font des Nations Unies le rempart de la solidarité, de la paix et du progrès partagé, face aux profondes mutations survenues sur la scène internationale, marquée par l’émergence de nouveaux pôles de développement et l’apparition de nouvelles menaces, dont certaines ont des répercutions planétaires.

Ce qui justifie, une fois de plus, tout l’intérêt de réflexions engagées et partagées autour de la réforme de notre organisation, afin d’en assurer un meilleur fonctionnement.

Pour autant, l’efficacité de notre organisation dans ce nouveau contexte demeure également tributaire de sa capacité à préserver les idéaux sur lesquels repose l’édifice de l’équilibre mondial issu de San Francisco.

Madame la Présidente,

Nous ne saurons pas faire de l’ONU une organisation pour tous si l’ingérence caractérisée de certains gouvernements dans les affaires relevant, sans aucun doute, de la politique intérieure des États, en violation des règles qui la régissent, est dangereusement tolérée, sinon banalisée.

Voilà qui explique la position de Mon pays de dénoncer et de s’opposer à toute ingérence dans le processus électoral en cours, et de financer l’entièreté de ses coûts opérationnels.

Par ailleurs, Mon pays exige le retour aux fondamentaux en matière de démocratie et des droits de l’homme, un des sujets à la base de la diplomatie à géométrie variable, instrumentalisés à outrance par certains pour affaiblir sciemment des pays qui ont pourtant décidé, de se tourner résolument vers le progrès.

La République Démocratique du Congo, quoique vieille seulement de 58 ans d’âge et d’une quinzaine d’année de démocratie, est fière, aujourd’hui, de partager son expérience, en la matière, tant au sein du Conseil des droits de l’homme, dont il est membre, que dans d’autres fora régionaux et internationaux, et ce, en toute humilité, mais sans complexe ; ayant présent à l’esprit que le chemin à parcourir reste encore long.

Nous ne pouvons faire, enfin, de l’ONU, une organisation pour tous au profit des sociétés durables tant que la faune et la flore des pays détenteurs des grands massifs forestiers ne serviront que d’ornement, sous le prétexte bien choisi de constituer le poumon de l’humanité, sinon de réparateurs des dégâts environnementaux causés par les industries du Nord, si en même temps aucune volonté réelle d’allouer des contreparties conséquentes à nos populations, ne cristallise des engagements maintes fois souscrits mais jamais tenus.

Madame la Présidente,

Il y a près de quinze ans, le continent africain s’était exprimé d’une seule voix pour demander son entrée au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU, en qualité de membre permanent, à l’issue d’une réforme de notre organisation.

Compte tenu des changements multiformes constatés depuis de nombreuses années, au nom de l’équité mise aujourd’hui en exergue dans le cadre de nos présentes assises, l’Afrique souhaite mieux faire entendre sa voix, en écho aux attentes de ses populations, qui réclament davantage de représentativité au sein de cette Organisation de portée universelle, dont l’essentiel de ses actions de maintien de la paix concernent le continent.

Aussi, vingt ans après le déploiement des forces onusiennes dans Mon pays, et en raison de leurs résultats largement mitigés au plan opérationnel, Mon Gouvernement réitère son exigence du début effectif et substantiel du retrait de cette force multilatérale.

Et pour conclure, Madame la Présidente, je mesure les progrès réalisés, aujourd’hui, par Mon pays qui, il y a encore quelques années était confiné au rang d’état failli, mais aujourd’hui, affiche des ambitions d’émergence incontestable, tant les signaux économiques, sécuritaires et politiques sont encourageants.

Les défis qui se dressent devant nous ne sont, certes pas, les moindres. Mais ils ne peuvent infléchir ma foi en un avenir radieux pour Mon pays, où le peuple sait déjouer les pièges de l’histoire, et affirmer, avec force, son attachement à son unité, à son indépendance et à sa souveraineté.

Je voudrais aussi vous assurer que la République Démocratique du Congo se tiendra toujours aux côtés de notre organisation, aussi longtemps que celle-ci restera, elle-même, à notre côté, parce qu’elle incarne l’aboutissement le plus concret des efforts de tous, pour la paix et  le bien-être de notre planète.

Il revient cependant aux États membres d’œuvrer en faveur d’une organisation plus forte, en préservant dans leur agir, les valeurs qui l’ont vu naître et dont la portée se trouve, sans conteste, dans la préservation de l’humanité.

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie.

Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi

print

Partagez