Alors que la date limite pour le dépôt des candidatures à la présidentielle du 23 décembre 2018 expire ce mercredi 08 août 2018 à minuit et au lendemain de la publication lundi 06 août du message des Évêques avec leur « Appel aux élections inclusives et apaisées », L’Archevêque coadjuteur de Kinshasa et vice-président de la CENCO, Mgr Fridolin Ambongo Besungu s’est exprimé au micro de Radio Vatican. Insistant sur le fait que les Évêques demeurent les garants de l’Accord de la Saint Sylvestre, il dénonce le refus par le pouvoir en place d’appliquer ledit Accord qui pouvait garantir des élections libres et apaisées.
De l’Accord de la Saint-Sylvestre : « Effectivement nous comme garants de l’Accord de la Saint-Sylvestre qui a donné quand même un cadre, une voie de sortie au peuple congolais ; mais depuis sa mise en application, nous avions déjà eu en son temps à dénoncer des violations par rapport à cet Accord mais malgré ça la publication du calendrier électoral par la CENI donnait quand même espoir au peuple qu’on est entrain d’aller aux élections et conformément à la constitution et conformément à cet Accord. Seulement il y a des événements comme les évêques l’ont déjà dit lors de leur assemblée qui nous préoccupent énormément , particulièrement ce qui s’est passé à la fin de la semaine passée (Les évènements de Kasumbalesa autour de la rentrée avortée de Moïse Katumbi NDLR) ».
Du sort inacceptable réservé à Moïse Katumbi : « Nous ne prenons pas position puisque cela a été un cas explicitement cité dans l’Accord de la Saint-Sylvestre. Vous savez aussi que ce cas avait été confié aux Evêques qui ont menés leur enquête et ils sont arrivés à une conclusion qui a été remise à qui de droit (le président Kabila NDLR). Pour que les élections soient vraiment des élections crédibles, elles doivent être aussi des élections inclusives où toutes les parties prenantes jouissent de l’égalité des chances. Or ce qui s’est passé là avec Moïse Katumbi c’est comme si on est entrain d’exclure un candidat avant même qu’il ne se mesure aux autres dans les urnes ».
Un traitement ségrégationniste : « Oui tout à fait, pour nous ce traitement c’est vraiment comme un traitement réservé à l’individu qui s’appelle Moïse Katumbi et là ça ne vas pas. S’il a commis des délits, mais qu’on le laisse rentrer au pays et qu’il soit jugé pour les délits qu’il a commis ; mais qu’on l’empêche d’entrée au pays alors qu’il est citoyen congolais au même titre comme tout le monde, il y a quelque chose qui ne va pas ».
Des élections biaisées et non apaisées. « C’est ça justement notre inquiétude, nous avons l’impression qu’on est entrain de biaiser les élections en sélectionnant d’avance les candidats qu’on veut bien qu’ils se présentent. Mais quelle est cette instance qui peut sélectionner les candidats si non le peuple lui-même, que les candidats se présentent devant le tribunal du peuple et le peuple va juger ; donc nous sommes très inquiets ».
Des exhortations des Evêques qui ressemblent depuis longtemps à un coup d’épée dans l’eau et que les politiciens ne vous écoutent jamais. « Malheureusement le constat est celui-là, ils ne nous écoutent pas mais la est là ; ce ne pas que le pays va mieux, peut-être qu’ils auraient intérêt à nous écouter davantage. Peut-être que les choses iraient mieux plutôt que ce que nous voyons aujourd’hui ».
Une situation qui a occasionné des violences que vous condamnez et vous n’êtes jamais aussi écoutés sur ce point-là. « Malheureusement c’est ça mais nous ne désespérons pas parce que nous sommes des hommes de foi, nous sommes des hommes d’espérance et nous pensons que malgré les vicissitudes du moment ; le peuple est décidé à aller aux élections pour se donner des dirigeants selon son cœur ».
A quelles ou dans quelles conditions ? « L’application de la Constitution telle que libellée dans l’Accord de la Saint-Sylvestre. Nous savons que les élections auront lieu le 23 décembre, nous savons comme ça été dit dans notre message conformément à la Constitution ; celui qui a fait deux mandats successifs ne peut plus se représenter, nous avons aussi que les élections doivent être inclusives c’est-à-dire on ne doit pas exclure des candidats avant les élections ».
Est-ce ça seront des élections apaisées ? « Il y a beaucoup des points de discussion, je dirais même de friction qui laissent penser que les élections si on ne résout pas ces cas-là avant, risquent de ne pas être des élections apaisées ; notamment ce problème de l’utilisation de la machine à voter jusque-là on en parle pas, ça risque de créer des frictions. Avec ce qui se passe maintenant autour de la personne de Moïse Katumbi, on commence à exclure des candidats, ça peut créer des frictions ».
On aurait perdu du temps. « On aurait perdu du temps effectivement alors qu’on est entrain d’arriver parce que le 23 décembre ce ne pas trop loin ».
Et la suite des événements dans votre pays. « Nous espérons parce qu’au nom de notre foi nous devons espérer mais il y a beaucoup d’éléments qui laissent penser qu’il y a une volonté manifeste de brouiller les choses, et plus les choses sont brouillées, ça va mieux pour certaines personnes ; et c’est ça qui crée des inquiétudes chez nous. Le peuple veut aller aux élections mais il y a beaucoup des gestes, des comportements surtout de la part du pouvoir qui laissent penser, qui laissent subsister des doutes sur l’effectivité des élections annoncées pour le 23 décembre de cette année ».
L’impuissance des Evêques devant le fait accompli. « Mais non nous faisons l’expérience des prophètes et même de Jésus qui ont toujours prêcher mais quand leur voix, leur cri n’est pas écouter, le prophète souffre des conséquences qui arrivent. Le prophète souffre au même titre que le peuple et à cause de ça évidement nous comme pasteurs nous souffrons que la classe politique ne nous écoute pas suffisamment et continue à aller d’égarement en égarement ».
Des accusations que vous n’êtes pas au milieu du village. « Ca ne nous étonnera pas parce que nous sommes habitués à ce discours-là. Toute la question pour nous c’est de savoir que signifie être au milieu du village. Quand on est devant une situation d’injustice manifeste, on doit se taire pour ne pas être accusé de partie pris, je ne sais pas ; mais je sais seulement que Jésus-Christ n’a jamais été neutre, Jésus-Christ n’a jamais été au (centre NDLR) village devant des situations d’injustice et de discrimination manifestes ».
Un mot de la fin. « C’est tout simplement le souhait qui nous habite en tant que pasteurs parce que j’estime encore que le temps n’est pas complètement perdu, le temps de dépôt des candidatures c’est jusque mercredi le 08 août à minuit et si le pouvoir veut vraiment un apaisement ; qu’on donne l’occasion aussi à Moïse Katumbi de venir déposer sa candidature. S’il a d’autres comptes à rendre à la justice, ça serait l’occasion de le faire mais nous sommes vraiment désolés pour ce qui est entrain de se passer. Nous ne perdons pas espoir en notre pays et nous pensons que la situation va changer et la situation doit changer ».
Lire l’article sur Rd Congo : Mgr Fridolin Ambongo estime que Jésus n’a jamais été au milieu du village devant des situations d’injustice et de discrimination manifestes https://www.vaticannews.va/fr/afrique/news/2018-08/rd-congo-mgr-fridolin-ambongo-estime-que-jesus-n-a-jamais-ete.html
Propos recueillis par Jean-Pierre Bodjoko Sj et retranscris par Thaddée Luaba Wa Ba Mabungi