home Politique, RD Congo EXCLUSIF / SUD-KIVU : Défis sécuritaires et Respect des Droits de l’Homme, le Commandant Louis Segond Karawa De Ngamo s’explique

EXCLUSIF / SUD-KIVU : Défis sécuritaires et Respect des Droits de l’Homme, le Commandant Louis Segond Karawa De Ngamo s’explique

Du code de conduite à la police brassée-mixée « au nom de la paix » avec les ex-membres des rebellions, de ce défaut des moyens matériels adéquats pour bien assurer la mission dévolue à la police dans la sécurisation des personnes et de leurs biens à l’interdiction des manifestations ; il parle de tout sans tabou. Lui c’est Louis Segond Karawa De Ngamo, Commissaire Divisionnaire Adjoint, Général de Brigade Breveté d’Etat-Major du Commissariat Provincial de la PNC/Sud-Kivu. C’était au cours d’un entretien exclusif et franc accordée à notre site WWW.AFRIWAVE.COM par son Responsable Desk de l’Est du pays le 20 décembre 2017 passé dans son bureau de Bukavu et que nous reproduisons ici.

La RÉDACTION

Afriwave.com : Louis Segond Karawa, vous êtes Commissaire divisionnaire adjoint du Commissariat provincial de la PNC Sud-Kivu et Général de Brigade à l’Etat-Major. C’est à ce titre que repose sur vos épaules toute la structure de la gestion sécuritaire du Sud-Kivu. Cinq mois après votre prise des fonctions, quels ont été vos défis majeurs auxquels vous avez fait face et vos priorités sans oublier l’évolution de la situation sécuritaire ?

Louis Segond Karawa : Je vous remercie pour la question. Depuis que nous avons commencé, nous avons quand même enregistré un changement mais « positif » dans le comportement des policiers et aussi sur le plan interne de la sécurité interne de notre province. Comme vous le savez, la police travaille avec les statistiques et quand je vois les statistiques d’il y a six mois avant et avec ce que nous avons aujourd’hui sur le plan de la criminalité urbaine, nous voyons qu’il y en a une baisse considérable. Du côté de la police aussi une baisse considérable des tracasseries de tous genres que ça soit au niveau des procédures judiciaires, la détention et son délai au niveau de nos commissariats où l’on fait un effort de respecter les 48 heures prévues par la loi en ce qui concerne la garde à vue. Mais en même temps aussi nous faisons un effort pour que la police puisse respecter la population pour laquelle nous sommes là comme le dit les valeurs essentielles de la police. De toutes ces choses-là, il y avait beaucoup des soucis avant notre prise de commandement et nous enregistrons un changement positif même si tout n’est pas encore parfait comme le révèle les statistiques.

Afriwave.com : En aout dernier, vous aviez tenu les mêmes propos assez « flatteurs » et aussi « pédagogique » en déclarant que « la population n’est pas votre ennemi » avant d’ajouter que la police devrait avoir un minimum de respect envers la population. Et lors d’une parade à Kadutu vous disiez que si les choses ne changent pas, les récalcitrants seront arrêtés et perdront leur poste tout en vous donnant un délai de 100 jours pour ce faire. Se référant aux statistiques que vous évoquiez, les abus persistent, la brutalité continue ; combien d’éléments de force de la police ont été jusque-là sanctionnés (arrêtés) ?

Louis Segond Karawa : Vous savez, nous sommes dans un service commandé et nous avons toute une procédure disciplinaire que nous devons respecter. J’avais donné 100 jours pour que le policier puisse changer et c’est là où j’ai insisté sur l’éthique professionnelle qui nous impose de bien travailler selon les normes requises par les lois de la République en ce qui concerne la police, notre mission étant de protéger la population et leurs biens et du moment que vous ne vous retrouvez pas dans ces choses-là ; votre place n’est pas dans la police. Nous avons eu à prendre des décisions disciplinaires internes avec quelques permutations pour les (policiers) récidivistes qui n’ont pas changé. Mais aussi des mutations à l’intérieur de la province à un certain niveau du fait que je ne peux pas muter n’importe qui, certaines décisions se prenant au niveau de la hiérarchie à Kinshasa. A mon échelon, plusieurs décisions ont déjà été prises pour permuter quelques policiers récalcitrants. Concernant les autres, une mise en place sera disponible bientôt ; nous ne faisons que proposer à la hiérarchie que telle personne ne peut plus continuer avec nous ici compte tenu de tel problème et nous laissons tout cela à l’appréciation de la hiérarchie pour la décision finale.

Afriwave.com : Quid alors d’un code de conduite structuré au sein de votre corps qu’un policier est censé respecter ?

Louis Segond Karawa : Oui nous avons un code de conduite et les policiers le savent très bien car faisant partie des tous premiers éléments de notre instruction (formation) à respecter. En cas de son non-respect (code de conduite), il y a arrestations de gens (policiers) pour violation de consignes comme l’abandons de poste. Je vais aussi vous rappeler la situation de la police du Kivu en général qui est issue des groupes armés (le fameux brassage mixage), au nom de la paix on a pris tout le monde. Parmi eux il y en a qui n’ont jamais quitté la province depuis le début de leur formation. Cela fait partie des choses que nous proposons pour qu’il y aient de mutation-permutation afin qu’ils aillent travailler ailleurs pour acquérir d’autres expériences. Même si c’est toujours difficile, quelques-uns s’adaptent facilement, les autres ça prend du temps et nous sommes-là pour eux. Ce sont des congolais, des compatriotes qui ont acceptés de travailler avec nous, ils ont des lacunes ; nous sommes-là pour les aider, les encadrer afin qu’ils puissent travailler comme des policiers professionnels.

Afriwave.com : Le problème de la prolifération des armes qui fait de Bukavu une ville fortement militarisée comme le Sud-Kivu en général. Quelle approche préconisez-vous pour changer la situation et rassurer la population par rapport à cette question qui risque de miner, voir compromettre votre action dans la mission de sécurisation de la population et de leurs biens ?

Louis Segond Karawa : Nous avons mis en place une stratégie sécuritaire commune au niveau des forces de sécurité de la province. Vous vous souvenez qu’il y a quelques mois nous avons fait un bouclage à Panzi lors duquel quelques armes et beaucoup des munitions en vrac ont été récupérés. C’est une action qui s’étend dans le temps. Nous avons des projets et des plans qui peuvent être exécutés à tout moment mais qui ne peuvent être dévoilés. Un jour au réveil un matin, nous pourrons être dans votre quartier, dans un camp policier ou militaire pour des perquisitions. Panzi n’est pas la fin, nous allons continuer et le bilan sera communiquer. C’est ici l’occasion de rappeler à tous ceux qui détiennent illégalement des armes à feu de les ramener soit à l’armée soit à la police parce que le jour où nous allons passer et que nous trouvons des armes dont vous n’êtes pas autorisé de les avoir, nous vous mettrons à la disposition de la justice ; y compris pour des policiers ou des militaires qui peuvent détenir des armes dont ils n’ont pas été doter ni par l’armée, ni par la police car ils vont avoir des ennuis. Ils n’ont qu’à venir avec les avec les armes et ça va beaucoup nous aider, c’est vrai que nous remarquons qu’il y a une circulation d’armes légères et de petit calibre à travers la ville de Bukavu et nous sommes là pour ça et derrière ces gens pour les traquer.

Afriwave.com : Quelle garantie pour les personnes qui vont ramener les armes auprès des autorités compétentes qu’elles ne seront pas demain poursuivies, qui en même temps pensent que la police n’est pas efficace et qu’elles doivent se protéger par soi-même ?

Louis Segond Karawa : D’abord ils ne seront pas inquiétés ceux qui viendront par eux-mêmes déposer des armes. Pas plus tard qu’hier, on a récupéré une arme à Nguba (un quartier de Bukavu) dans un caniveau et je crois que la personne avait eu peur et ne savait pas où aller déposer l’arme et elle a jeté cela. Nous garantissons la sécurité à ceux qui viendront nous donner des armes même s’il y aura des questions, ce qui est tout à fait normal à la police pour une verbalisation et après on vous relaxe. Qu’ils viennent déposer les armes au lieu que nous allions vers eux, cela ne sera pas bien. Deuxièmement, par expérience je sais que la sécurité individuelle ne donne toujours pas un bon résultat. Nous devons privilégier la sécurité collective, si chacun devrait avoir une arme chez soi à la maison, finalement on ne fait rien ; mais si nous privilégions la sécurité collective, ça va beaucoup nous aider et cela est important pour tout le monde.

 

Afriwave.com : La Société civile, noyau communautaire de Kadutu dresse un bilan sécuritaire de plus de 15 maisons attaquées dans l’espace d’une semaine. Elle pense que la non-application de l’opération de déploiement de 100 policiers que vous avez récemment promis à la population serait à la base. Cette police n’est pas visible dans les quartiers, êtes-vous du même avis que la Société civile ?

Louis Segond Karawa : C’est un avis partagé quand même, parce que moi-même j’ai été au déploiement de 100 policiers à Kadutu. D’abord nous avons commencé à Panzi, la deuxième étape étant Kadutu. On n’a pas finalisé l’opération parce que nous ne le faisons pas seul, mais c’est une opération qui demande l’apport de tout le monde. Nous avons les partenaires de Cordaid qui sont avec nous, nous avons aussi le gouvernement provincial du Sud-Kivu. Vous savez, quand vous déployez 100 policiers ; il y a la logistique doit suivre mais toutes ces choses ne sont pas encore réunies. Ce qui fait qu’on ne peut aussi amener des policiers à un endroit où tous les moyens ne sont pas réunis et après ces mêmes policiers deviennent une tracasserie pour la population, ça on ne peut pas le faire. N’empêche, nous continuons toujours à sécuriser et le grand problème est qu’on ne peut pas être derrière chaque population. Et puis le moment que nous traversons maintenant, c’est la fin de l’année et vous avez remarqué avec moi qu’il y a la recrudescence de l’insécurité dans la ville, chaque jour on visite des maisons et ça c’est un phénomène naturel que nous connaissons chaque année. A la fin de l’année, il y a toujours la visitation des maisons par des hommes à mains armées mais nous sommes derrière eux. Depuis 10 à 15 jours maintenant, la police échange des coups de feu avec les malfrats que ça soit à Panzi ou à Kadutu. C’est un phénomène auquel nous sommes habitués, surtout en fin d’année et c’est ce que nous demandons à la population c’est d’y participer comme à Panzi avec la clameur publique on décourage ces gens-là avant que la police qui ne peut-être sur chaque avenue arrive. Nous faisons des patrouilles de la même manière que nous montons des stratégies contre les malfrats, eux aussi montent des stratégies contre la police ; ils ont des gens et savent qu’ne fois la police passée, elle ne reviendra pas de sitôt et ils viennent vous visiter. Autre chose, ce sont souvent des gens qui ne sont pas loin des maisons qu’ils visitent. A Panzi la semaine passée, nous descendions parce qu’il y avait des coups de feu ; nous quadrillons le quartier mais nous n’arrivons pas à arrêter ces gens-là. Cela veut dire qu’ils se sont noyés dans les maisons-là. Nous demandons aussi à ce que la population puisse collaborer avec la police. Si vous suivez aussi de près, ce sont des visitations ciblées : on sait que dans tel quartier c’est un cambiste, une femme d’affaires puis on va le visiter la nuit. Donc des maisons bien ciblées par des gens qui connaissent les personnes qui sont là et qui ne sont pas loin et qui se terrent près de l’endroit de leur forfait. La population doit être aussi vigilante !

Afriwave.com : Vous avez évoqué un problème des moyens, a quel genre des moyens faites-vous allusion ?

Louis Segond Karawa : Il y a la logistique où l’on trouve la classe 1 c’est-à-dire la ration pour le policier, on ne peut déployer un policier pour toute une journée là où il n’a rien à mettre sous la dent ; ce qui n’est pas bien au risque qu’il se retourne contre la population. Nous avons aussi demandé qu’on mette un poste de police vers Kamfu et nous attendons le container, un endroit où se reposer après les patrouilles. A Panzi on a réussi à le faire, c’est un processus qu’on a stabilisé malgré qu’on n’ait pas tous les moyens logistiques. Ça marche bien à Panzi avec l’organisation des chefs de quartiers et tous les cadres de base qui sont là (aussi) pour encadrer la police. A Kadutu nous essayons mais je sais que d’ici deux trois mois si vous revenez, vous allez voir que les choses ont considérablement changées là-bas.

Afriwave.com : La population du Quartier Mosala, toujours à Kadutu ont adressé un mémorandum demandant la délocalisation des policiers du Sous-Commissariat de Carrière, de Buhulo de suite de leur inefficacité selon eux. Avez-vous tenu en compte cette demande ?

Louis Segond Karawa : Oui mais nous le faisons toujours parce que comme vous le savez, nous sommes dans le concept de la police de proximité qui travaille avec la Société civile et les cadres de base qui sont les trois piliers mêmes de la sécurité. Dès lors que parmi les trois partenaires deux ne sont pas d’accord, on doit obéir à ça et nous avons fait ça à Maria Kachelewa où un officier qui était-là lorsqu’on l’appelait, il ne venait pas. C’est ce du reste ce qui a provoqué les émeutes qu’on a connu il y a quelques mois à Tchai. Nous avons carrément enlevé toute l’équipe qui était là pour la remplacer. Je demande à nos amis du quartier Mosala d’être patients, nous allons résoudre ce problème en relevant tous les policiers qui sont là-bas pour les remplacer par des nouveaux en vue de créer une quiétude entre la population et sa police.

Afriwave.com : A Nyawera c’est la même plainte, les policiers tracassent la population. Avez-vous pensé à changer ces policiers commis au Sous-Commissariat ?

Louis Segond Karawa : Heureusement que vous me dites ça maintenant mais moi je dis toujours que nous sommes toujours en contact avec la Société civile et avec tout le monde, amenez-nous des propositions. Un exemple, vous voyez vers Tigo, vers le terrain de Basket ; à l’époque il y avait un poste de la PCR et ce poste tracassait les gens tous les jours, à chaque moment. Et c’est la population qui m’a appelé pour me dire que ça ne va pas, on ne sait pas quoi faire ; on a enlevé le poste et on a permuté les gens qui étaient là. Aujourd’hui, les gens passent et c’est ce que nous voulons. Quand vous voyez quelque part que ça ne va pas, nous allons apprécier sur le plan sécuritaire si le poste est nécessaire pour qu’on y remplace simplement les policiers qui y sont. Si ce ne pas le cas, on peu aussi enlever ça. Nous sommes d’avis que quand les choses ne marchent pas, on doit faire pour satisfaire la population et c’est le rôle de la police.

Afriwave.com : Alors que les lois du pays autorisent les marches, les rapports de la Société civile indiquent qu’à chaque fois qu’il y a des marches ; la police essaye de les étouffer. Est-ce là le rôle de la police et quelle est sa responsabilité dans ce cas ?

Louis Segond Karawa : La police est là pour protéger la population, mais aussi pour veiller sur les lois de la République. Je pense que pour organiser une marche ou une manifestation, il y a toujours une demande qu’on adresse au maire de la ville. Si la demande a été accepté par le maire de la ville, la police va accompagner les manifestants sans problème ; mais si la marche a été refusée par le maire de la ville et que la police a une réquisition de la mairie lui demandant d’interdire tout sorte de marche ou de manifestation ; qu’est-ce que la police va faire, elle va interdire, il n’y a pas deux trois choses. La police n’étouffe rien mais travaille avec l’autorité politico-administrative ; voilà et c’est comme ça que ça fonctionne.

Afriwave.com : Quelles sont les dispositions prises pour les contrées qui sont situées loin de Bukavu contre tous les abus évoqués en début de cet entretien ?

Louis Segond Karawa : Nous avons un travail bien organisé, je suis le commissaire provincial ; j’ai des commandants des différents commissariats territoriaux qui sont éparpillés à travers la province. Ils reçoivent toujours les instructions opérationnelles qui sont parées pour toutes les unités de la province. Ce que nous faisons à Bukavu, c’est la même chose qui se fait à Uvira, à Mwenga, à Bunyakiri, à Kalehe, à Idwji où n’importe où sur l’étendue de la province. Les choses sont tellement claires et c’est toujours par écrit, chacun sait ce qu’il doit faire et c’est comme cela que nous fonctionnons ; nous contrôlons ça sans problème. Le Commissaire provincial n’est pas censé resté ici mais comme c’est le siège des institutions provinciales, c’est comme ça que la ville de Bukavu est rattachée au Commissaire provincial. Sinon, il y a un Commandant ville et le Commandant commissariat c’est un Colonel ; c’est comme à Uvira aussi et comme partout ailleurs. Il y a des instructions opérationnelles détaillées pour que chacun puisse respecter cela. Ici il y a l’accroissement des patrouilles diurnes et nocturnes, nous avons aussi l’occupations des endroits sensibles de la villes (les points chauds), c’est là où vous allez voir qu’il y a plus de la présence de la police dans tous ces endroits-là. Et nous tenons plus pour le réveillon du 24 décembre où les chrétiens vont pour prier ce jour-là et c’est souvent le soir là où le mayibobo dérangent tous les paisibles citoyens. Nous avons pris des dispositions pour que cette année, tout le monde aille prier sans incidents, sans inquiétudes.

Afriwave.com : Et vos vœux de fin d’année

Louis Segond Karawa : D’abord je suis reconnaissant envers la population, nous avions commencé difficilement et avec le temps une confiance s’est établie entre nous. J’aimerais vraiment que nous continuons dans ce sens-là, nous sommes des humains et nous ne sommes pas parfaits dans ce que nous faisons ; il y aura toujours des brebis égarées, vous allez trouver un policier qui se méconduit. Mais nous voulons qu’à chaque fois quand il y a un problème, que la population vienne vers nous avant d’aller à la radio. Venez d’abord chercher l’information à la source ou venez d’abord avec vos problèmes et nous allons voir comment trouver une solution. Et nous rassurons la population de notre présence en continuant à accomplir notre mission, celle de sécuriser cette population et ses biens. C’est le dernier message et bonne, meilleurs vœux à tout le monde.

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