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Jonathan Mboyo Esole : un futur Einstein pour l’Afrique ?

PAR J. J ARTHUR MALU-MALU

PORTRAIT. Brillant professeur de mathématiques originaire de Kinshasa, Prix Next Einstein Fellow, Jonathan Mboyo Esole est passé par Boston et Harvard. Et ce n’est pas fini.

C’est l’histoire d’un garçonnet connu pour ses problèmes de développement et ses difficultés d’expression à Kinshasa devenu professeur de mathématiques à l’université Northeastern, à Boston, aux États-Unis. « J’étais un enfant différent des autres. J’avais des problèmes de croissance. J’ai même été déclaré cliniquement mort. J’étais incapable de me servir de mes mains et de parler correctement. Je ne pouvais pas prononcer mon propre nom. J’ai réussi à le faire à l’issue d’un grand combat, avec l’aide de mes parents et du personnel médical », se souvient Jonathan Mboyo Esole.

Une enfance physiquement compliquée

Le quadra garde des séquelles de cette période difficile : il lui arrive de perdre le contrôle de ses mains. De ces épreuves de sa prime enfance, où il fut en butte à des moqueries et à des quolibets, il tire une grande force intérieure qui lui permet de surmonter des obstacles. « J’ai remporté une victoire sur moi-même. Mes graves problèmes de santé m’ont fortifié. J’ai relevé un défi. Je garde cette attitude dans tout ce que je fais dans la vie. Dès qu’un problème surgit, je ne me dis pas que c’est impossible à régler, mais qu’au contraire je dois m’y attaquer. L’échec fait partie de la vie, mais il faut se relever pour essayer d’aller de l’avant et atteindre l’excellence », observe-t-il.

Né à Kinshasa, en 1977, Mboyo Esole est à peine âgé de 3 ans lorsqu’il arrive, avec toute sa famille, en Belgique, où son père prépare une thèse de doctorat en anthropologie. Quelques années plus tard, il rentre dans son pays natal. Il est alors inscrit au collège Boboto, une école catholique de bonne réputation, à Kinshasa, où il obtient son diplôme d’État (l’équivalent du bac) avec une très bonne mention.

Retour dans les années 1990 en Belgique, où Mboyo Esole entame des études à l’Université libre de Bruxelles, celle qui avait accueilli son père plusieurs années auparavant. Licence en sciences mathématiques, prix du meilleur mémoire, bourse Wiener-Anspach, etc. Il vogue de succès en succès. Il décroche ensuite son diplôme d’Advanced Studies in Mathematics à Cambridge, au Royaume-Uni. Ce brillant parcours académique en Europe est couronné d’une thèse de doctorat à l’université de Leiden, aux Pays-Bas.

Des prix prestigieux à la pelle

Ses travaux et ses publications dans des revues spécialisées retiennent l’attention de la communauté scientifique mondiale. Le prix Next Einstein Fellow lui est décerné ainsi qu’à d’autres chercheurs. Cette distinction récompense, tous les deux ans, les jeunes Africains qui se distinguent dans les sciences et les technologies.

Après un passage à Harvard, un poste de professeur lui est attribué à l’université Northeastern située dans la même ville de Boston. À Harvard, il commence comme chercheur postdoctoral au département de physique. Après avoir résolu un problème important sur la théorie des cordes, il devient Benjamin Peirce Fellow, un prestigieux statut accordé à d’éminents chercheurs en mathématiques de cet établissement.

Il y a une vingtaine d’années, l’université Northeastern n’était pas connue. Elle était juste un établissement d’enseignement noyé dans la multitude d’institutions présentes sur le sol américain. Aujourd’hui, Northeastern attire des talents, après avoir augmenté considérablement son budget de recherche. Donateurs et sponsors sortent leurs chéquiers. L’université est ainsi en pleine expansion, donnant une nouvelle touche au paysage académique bostonien.

« La ville de Boston est un rêve pour un scientifique, car elle abrite plusieurs institutions de haut niveau : Harvard, Massachusetts Institute of Technology (MIT), Boston University, Boston College, Northeastern University, etc. Sans être obligé de prendre l’avion, on peut rencontrer des sommités mondiales dans plusieurs domaines ici à Boston », note-t-il.

Le lien maintenu avec le pays d’origine, la RD Congo

Mboyo Esole a généralement des journées chargées. Malgré ses cadences infernales, il trouve le temps de suivre l’actualité en RDC où l’élection présidentielle ne cesse d’être reportée, ravivant la tension qui couvait déjà.

« Je suis l’actualité congolaise avec un mélange de différents sentiments. Je rencontre beaucoup de Congolais qui font des choses bénévolement pour leur pays. Chez nous, le problème est structurel. Il y a des dysfonctionnements au sein des structures étatiques qui ne hiérarchisent pas nécessairement les priorités de la RDC. Pourtant, un pays comme le Congo a la responsabilité d’être un poumon pour toute l’Afrique, sur les plans culturel, scientifique, sécuritaire, etc. La RDC ne joue pas son rôle. Cela fait du mal au Congo, mais aussi à toute l’Afrique. Ce pays doit faire la paix avec lui-même en vue de redéfinir ce qu’on peut appeler l’excellence », observe-t-il.

Pour autant, le mathématicien compte y développer des projets

« À Kinshasa, avec des collègues, je voudrais donner les mêmes cours que je donne aux États-Unis. Ils recevront la même formation que celle qui est dispensée dans les meilleures universités ailleurs. Je pense également que c’est important que le développement de la recherche scientifique soit mieux assuré pour les jeunes filles en RDC. On essaie également de mettre en place un groupe de personnes qui ont réussi dans les domaines des sciences et des technologies pour aider les uns et les autres à en assurer la promotion sur toute l’étendue du territoire congolais. L’appel du pays est de plus en plus fort. Cela résonne de plus en plus en moi. Je n’y avais pas toujours pensé », révèle Mboyo Esole.

La recherche scientifique se développe moins vite en Afrique

Le jeune professeur s’étonne de la faible place réservée aux mathématiques dans les pays africains qui, pense-t-il, ne font pas grand-chose pour donner à cette discipline l’importance qu’elle mérite.

« Les mathématiques ne jouent pas encore leur vrai rôle en RDC et ailleurs en Afrique. La plupart des gens au Congo ne se rendent même pas compte à quel point cette discipline est au cœur du développement. Dans tous les pays qui réussissent, il y a toujours une très bonne formation en mathématiques. C’est un art qui existe pour sa propre beauté, un langage utilisé par d’autres sciences comme la physique, mais aussi un outil de modélisation de la réalité qui nous entoure. Un pays qui ne produit pas son quota de mathématiciens freine son propre développement et se tire une balle dans le pied », explique Mboyo Esole.

C’est un boulimique de lecture, une habitude qu’il a acquise dans son enfance tourmentée. Il se sent comme un poisson dans l’eau dans les bibliothèques. À part des ouvrages de mathématiques qui ne le quittent (presque) pas, il dévore ces jours-ci un livre sur le puissant royaume Kongo qui connut son apogée avant l’arrivée des colonisateurs. Le royaume englobait des morceaux de ce qui est devenu l’Angola, la République démocratique du Congo, la République du Congo et le Gabon.

En tant que lauréat de The Next Einstein Fellow, il est attendu à Kigali, au Rwanda, en mars 2018. Ce sera l’occasion, pour lui et les autres gagnants du prix, de présenter des recherches dans plusieurs domaines : énergies renouvelables, nanomatériaux, nanotechnologie, sécurité alimentaire, médecine régénérative, etc.

Mboyo Esole, qui est un spécialiste reconnu de la théorie des cordes, en profitera pour échanger avec d’autres scientifiques sur la mise en œuvre de nouveaux programmes en faveur de l’Afrique. Ses tiroirs renferment plusieurs projets qui touchent à ce continent.

Lire l’article ici : Jonathan Mboyo Esole : un futur Einstein pour l’Afrique ? http://afrique.lepoint.fr/economie/jonathan-mboyo-esole-le-futur-einstein-de-l-afrique-14-12-2017-2179842_2258.php

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