C’est un Tweet du chef de la diplomatie belge en personne daté du mardi 28 novembre 2017 qui a révélé la rencontre d’Abidjan avec son homologue congolais en marge du 5ème Sommet Union Africaine-Union Européenne : « didier reyndersCompte certifié @dreynders 28 nov.Comme prévu, déjeuner à #Abidjan en marge du #UAUESummit avec mon homologue de #RDC @SheLeonard à la résidence de #Belgique .Suite à ma visite à #Kinshasa : crédibiliser le processus électoral et Invitation à un dialogue à #Bruxelles sur notre coopération bilatérale » .
Alors qu’il l’avait snobé comme le reste du gouvernement congolais un jour avant à Kinshasa à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle chancellerie de l’ambassade belge le lundi 27 novembre 2017, c’est avec un sourire presque forcé que Léonard She Okitundu s’est rabiboché à Abidjan en s’affichant avec le belge Didier Reynders. Pendant ce temps, sur le compte Twitter officiel de la RDCongoDiplomatie-🌍 @DiplomatieRdc , aucune mention de cette rencontre alors qu’on y parle abondamment du sommet Union Africaine et Union Européenne.
Un conseiller du Service Fédéral (ministère) Affaires Etrangères contacté par notre correspondant à Bruxelles ironise à propos de cette rencontre : « Les affaires importantes tout comme les relations d’un pays ne se traitent pas sur un coup de tête ou encore sur les humeurs d’une ou d’un groupe des personnes, le régime soit-il. C’est ce pragmatisme qui manque à nos partenaires congolais qui réagissent si souvent à flair de peau ».
Et de rappeler : « Souvenez-vous du début des années 1990 après les massacres sur le campus de l’Université de Lubumbashi et la réaction du régime de Mobutu face aux belges. Le résultat est connu : la chute du régime dans des conditions auxquelles il ne s’attendait pas. Ni la délégation de clarification envoyé par Kinshasa à Bruxelles, encore moins les vociférations de Mobutu ne l’avait sauvé. C’est dommage que ce passé ne serve pas de leçon à Kabila aujourd’hui en 2017 ».
La lecture du Tweet de Didier Reynders tout comme sa compréhension montrent que la position du gouvernement belge vis-à-vis de celui de Kinshasa n’a pas changé : « crédibiliser le processus électoral » et « invitation à un dialogue à Bruxelles sur notre coopération ». Entre les lignes, on sait comprendre qu’aux yeux du gouvernement belge, tout ce que le régime de Kinshasa tente de présenter aujourd’hui en rapport avec le processus électoral en cours n’est pas « crédible ».
Notamment sur son calendrier publié le 5 novembre 2017 qui n’est pas consensuel, mais aussi la CENI dont l’indépendance par rapport au régime kabila demeure sujet à caution. Mais aussi toute la question liée à la « décrispation politique » avec la cessation des tracasseries contre les opposants et la libération des prisonniers politiques pour ramener un climat serein en vue des élections apaisées auxquelles tous devront participer sans contraintes aucunes.
Pour ce qui est de la future coopération entre les deux pays, Didier Reynders avait donné le ton sur place à Kinshasa en déclarant : « vouloir remettre à plat la politique de coopération avec le Congo, et vouloir aider directement le peuple Congolais car trop souvent l’argent de la coopération s’évapore ». Nul ne peut en douter ici qu’un doigt accusateur est pointé sur cette « corruption ambiante » dont le régime de Kinshasa est accusé par tous les rapports des ONG nationaux comme internationaux. Voulant voir clair dans l’utilisation de leur « argent », les belges seraient pets à s’en passer des officiels congolais (gouvernement) pour aider directement la population mais comment ; là demeure la question
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Un plaidoyer invraisemblable
Alors que ce sommet UA-UE s’apaisait sur les questions de l’heure entre l’Afrique et l’Europe à savoir l’immigration africaine vers le Nord avec ses conséquences en Libye et la résurgence d’une nouvelle traite des noirs, et aussi la sécurité ; c’est tout un autre discours qu’a tenu le ministre congolais.
Aussi invraisemblable qu’on ne pût se l’imaginer et profitant de son temps de parole She Okitundu a plaidé pour la levée des sanctions européennes qui frappent certains proches dirigeants du régime de Kabila. Pour lui, ces sanctions contreproductives « sont une violation du partenariat UA-UE fondé sur l’accord de Cotonou » ; et qu’à leur place devrait prévaloir « le dialogue et le respect mutuel ». A défaut de quoi prévient-il que des « mesures de rétorsion » sont envisageables. Un drôle de conception de la politique tout de même de sa part.
En guise de rappel, les Etats-Unis tout comme l’Union européenne ont sanctionné un certain nombre des dignitaires du régime, tous proches collaborateurs du président Joseph Kabila pour entrave à la démocratie et répression disproportionnée des manifestations de l’opposition. Ministres en fonction et ceux ne l’étant plus tout comme des responsables des services de sécurité sont sur ces listes avec gel de leurs avoirs s’ils en ont, interdiction de faire les affaires avec eux et restriction en matière des visas pour les déplacements dans l’UE et aux Etats-Unis
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Texte du plaidoyer de She Okitundu lors de la réunion conjointe des ministres des Affaires Etrangères UA/UE à Abidjan
Mesdames et messieurs et chers collègues,
L’UA et l’UE sont liées par une relation de partenariat en particulier par l’Accord de Cotonou.
Ce partenariat stratégique et d’amitié implique l’égalité entre partenaires, les consultations régulières, à travers un dialogue permanent, dans le respect mutuel.
Or, depuis un certain temps, l’UE, à travers son conseil des ministres, s’est cru autorisée à infliger des sanctions à certaines hautes personnalités, souvent membres importants des gouvernements africains.
Ces sanctions sont tout simplement inacceptables : d’une part parce qu’elles violent les principes qui président à notre partenariat ; d’autre part parce qu’elles sont sinon inopportunes en tous les cas contre-productifs.
C’est du reste pour cette raison que les communautés économiques régionales africaines, les derniers sommets de l’UA et de la SADC ont condamné vertement cette pratique unilatérale des sanctions ciblées, principe de subsidiarité oblige.
Le président en exercice de l’UA ainsi que le président de la Commission de notre organisation continentale ont eu à réitérer, à bon droit, cette condamnation.
Au moment où nos collègues européens, auteurs de ces sanctions sont ici présents, c’est le lieu par excellence d’interpeller la Haute Représentante et vice-présidente de l’UE sur la pertinence de cette pratique des sanctions ciblées querellées à l’encontre des partenaires africains.
En effet, si l’UE tient à un véritable partenariat d’amitié avec l’UA, il lui appartient de lever les sanctions en cours et d’y renoncer à l’avenir en privilégiant les consultations régulières et le dialogue.
Les éventuelles sanctions doivent être considérées à la rigueur comme un ultima ratio.
A défaut, notre partenariat perdrait toute sa crédibilité au point d’être considéré en définitive comme un véritable marché des dupes.
Auquel cas, nous entrerions dans un engrenage où les sanctions appelleraient ipso facto des mesures de rétorsion correspondantes.
Je vous remercie de votre aimable attention.
TSHIKUYI TUBABELA à Bruxelles