home Politique, RD Congo #LeScan : « Jamais Kabila n’organisera le scrutin qui entraînera son départ »

#LeScan : « Jamais Kabila n’organisera le scrutin qui entraînera son départ »

Par Régis De Rath avec RTBF https://www.rtbf.be/info/monde/detail_lescan-jamais-kabila-n-organisera-le-scrutin-qui-entrainera-son-depart?id=9744593

Les élections sont à nouveau reportées en République démocratique du Congo. Un accord avait pourtant été signé par toutes les forces politiques du pays le 31 décembre 2016. Il offrait un an de sursis au président Kabila pour préparer les élections. Alors pourquoi ces accords ne sont-ils pas respectés ? #LeScan s’est posé la question.

Joseph Kabila se voulait rassurant devant l’Assemblée générale de l’ONU, le 23 septembre dernier. Il affirmait que « le cap vers des élections crédibles, transparentes et apaisées est définitivement fixé ». Mais l’absence d’échéances précises, de calendrier pour la date du scrutin laisse penser à de nombreux Congolais qu’ils devront arracher par la force l’alternance à la tête du pays. « Kabila n’organisera jamais les élections » affirme ce jeune militant d’ECCHA, un mouvement de citoyens « pour le changement ». Le jeune homme ne compte plus les arrestations auxquelles il a dû faire face. Il affirme d’ailleurs que les cicatrices toujours à vif sur son corps sont les conséquences des tortures qu’il a subies en détention.

Un « toutefois » qui change tout

Pourtant l’Accord de la Saint Sylvestre négocié âprement par tous les acteurs politiques du Congo était clair. Des élections doivent se tenir « au plus tard le 31 décembre 2017 ». Joseph Olenghankoy, le tout nouveau président du Conseil national de suivi de l’accord explique pourtant qu’un mot dans le texte carbonise cette date butoir du 31 décembre 2017.

« Les parties prenantes conviennent de l’organisation des élections en une seule séquence présidentielle, législatives, nationales et provinciales, au plus tard en décembre 2017. Toutefois, le Conseil National de Suivi de l’accord et du Processus électoral, le Gouvernement et la CENI (Commission électorale nationale indépendante, NDLR) peuvent unanimement apprécier le temps nécessaire pour le parachèvement desdites élections ».

Un simple « toutefois » qui permet donc aux organisateurs des élections de pouvoir les reporter sans fixer de date précise. « On est dans l‘accord », affirme Joseph Olenghankoy, « il est bien dit toutefois ! ».

Joseph Olenghankoy était l’un des opposants les plus durs à Joseph Kabila. Aujourd’hui, certains affirment que le pouvoir l’a acheté pour que le processus électoral s’éternise. « Il faut savoir faire des compromis », tranche-t-il, « pas des compromissions ».

Reste qu’à deux mois de l’échéance, la commission électorale n’a toujours pas publié de calendrier. Son Président a même confié qu’il lui faudrait 504 jours supplémentaires pour organiser le scrutin. Corneille Nangaa affirme que sans moyens supplémentaires et sans aide logistique digne d’un déploiement sur un « pays continent », il ne pourra pas aller plus vite.

« Kabila déclare la guerre au peuple congolais »

Pour l’opposition congolaise, tout ceux qui sont impliqués dans ce processus électoral sans fin sont « des pantins au service du Président ». « Nous savons que le Président Kabila est derrière toute cela », affirme Félix Tshisekedi, le Président du Rassemblement des forces d’opposition (RASSOP), « il déclare la guerre au peuple congolais. Il faut le dégager ! ».

Mais pour la majorité présidentielle, tout cela c’est du fantasme. Le pouvoir affirme ne pas craindre le scrutin. Le porte-parole du gouvernement le confie sans ambages, son parti est « le seul a voir un programme à défendre dans les urnes. Je ne vois pas pourquoi nous aurions peur d’aller aux élections ! ». Lambert Mende insiste : « Le président n’a pas à désigner un successeur, un Dauphin, parce que vous le demandez ! ».

Des tribunes populaires où couve l’insurrection

Les Congolais, eux, s’impatientent et s’organisent. La société civile organise d’ailleurs des tribunes d’expression populaire durant lesquelles des agents de la CENI sont sous le feu des questions d’une population survoltée.

« J’espère que vous êtes venus ici pour nous dire que vous démissionnez parce que vous avez failli à votre mission ! », hurle ce jeune homme devant la scène où sont installés les représentants de la commission électorale, impassibles. « Nous avons l’habitude de rencontrer ces foules. C’est notre métier » confie Jean-Baptise Itipo, le Directeur de la communication de la CENI, dépêché dans la fosse aux lions pour l’occasion.

Mais pour Gérard Bisambu, il faut « Agir pour des élections transparentes et apaisées ». La pression est maximale. Son association est d’ailleurs soutenue depuis la Belgique par l’opération 11.11.11 du Centre national de coopération au développement (CNCD).

« Vous êtes suivis, arrêtés, menacés par téléphone », explique Gérard Bisambu. « Vous recevez des appels anonymes. Mais on ne se laissera pas influencer. Les gens ont besoin de ces réunions pour maintenir la pression ».

Une répression brutale et constante

Partout la colère gronde. Sur le perron de l’ambassade des États-Unis, jeudi dernier, des jeunes du mouvement « Telema Ekoki » pour « Debout ça suffit » étaient venus implorer le soutien de la communauté internationale. Une émissaire de l’ambassade les avait même accueillis face à notre caméra.

Cela n’a pas empêché la police d’intervenir sans ménagement, appuyée brutalement d’ailleurs par les agents de la sécurité de l’ambassade. 11 militants de « Telema Ekoki » ont été embarqués. Cinq d’entre eux ne sont toujours pas réapparus depuis 4 jours. Manifester ses interrogations devant le processus électoral enlisé est très risqué en RDC. « On est prêts à mourir », tranche pourtant l’un des manifestants. « Si Kabila passe en force le 31 décembre, il devra rouler sur nos cadavres ! ».

Le départ du président pourrait coûter très cher en vies humaines. Pour Jean-Claude Katende, de l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO), soutenue elle aussi par l’opération 11.11.11, ces jeunes comme ceux qui se sont battus pour obtenir l’indépendance du Congo en 1960, devront « se battre pour obtenir la démocratie. Au péril de leur vie ! ».

L’hypothèse en tout cas que les élections en RDC pourraient ne jamais être organisées semble toujours crédible aujourd’hui.

CRÉDIT IMAGES RTBF VIA YOUTUBE

print

Partagez