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Opposition et Majorité en confessionnal chez les catholiques pour trois jours : vers un consensus national tant espérer ?

Le rendez-vous de la dernière chance. C’est en principe ce jeudi 8 décembre 2016 en début d’après-midi que s’ouvre officiellement au Centre Inter-diocésain et Siège de la CENCO la session des discussions directes entre l’opposition politique et la majorité au pouvoir. Sous la supervision de la CENCO, instance de l’église catholique et à 11 jours de la date ultime du 19 décembre 2016 qui marque la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila et le risque de l’impasse à engendrer; il était donc venu le temps pour tous les protagonistes de la grave crise institutionnelle actuelle de se concerter.

Le déblocage de la situation figée a commencé le mardi 6 décembre au matin lorsque Joseph Kabila recevait la délégation de la CENCO venue lui faire rapport de sa mission des bons offices (Lire notre article Joseph Kabila réitère son soutien à la CENCO de poursuivre sa mission de bons offices entre la Majorité et l’Opposition pour trouver un consensus national https://www.afriwave.com/?p=1452). Le déplacement dans la soirée du même mardi 6 décembre du président de l’UDPS et du Conseil des Sages du Rassemblement (Rassop) Etienne Tshisekedi au siège de la CENCO avait fini par sceller un pré-accord pour un nouveau round des discussions directes entre le Rassop et le FRC autour du MLC d’un côté et le pouvoir et l’opposition signataires de l’Accord du dialogue de l’autre; en vue de trouver un terrain d’entente.

Un sacré tour de passe en ligne de réussite que celui d’amener en confessionnal et mettre autour d’une même table l’opposition politique radicale réunie au sein du Rassemblement (Rassop) et du Front pour le Respect de la Constitution (FRC) d’un côté; et de l’autre, la Majorité présidentielle au pouvoir et ses Alliés opposants du dialogue politique (1er septembre – 18 octobre 2016). Non signataire de l’Accord politique du 18 octobre 2016, l’Eglise catholique s’est toujours montrée plus préoccupée de l’inclusivité des discussions entre tous les fils du pays en vue trouver un véritable consensus national et ainsi éviter le chaos annoncé.

Concertations, Dialogue bis ou Table-ronde ?

Si la question de la sémantique du nom à donner à cette rencontre des discussions directes entre l’opposition et la majorité au pouvoir, une chose est certaine : les évêques catholiques auront réussi leur pari de concilier tout le monde. Le lieu choisi, le Centre inter-diocésain de Kinshasa et siège de la CENCO est un atout de neutralité. Mais aussi la limitation dans la durée, trois jours de débat et le format quant au nombre des participants pour chaque composante soit 10 personnes pour un effectif total de 30 personnes.

Le dialogue de septembre à octobre derniers était une discussion qui a abouti à l’Accord politique du 18 octobre 2016, la nouvelle rencontre  devrait aider à discuter, sur un pied d’égalité, des questions d’intérêt commun pour enfin  trouver un accord sur le processus électoral à la base de la crise institutionnelle présente et la fin de mandat de Kabila. Si du côté des signataires du dit Accord, les discussions du Centre inter-diocésain sont là  pour « enrichir »  ledit Accord, il n’en sera pas question pour la Rassemblement qui ne veut en aucun cas entendre d’une quelconque adhésion. Et ce, dans le cadre du respect de la Constitution dont le président Kabila en personne se targue.

Attention au piège

Dans son communiqué du 02 décembre 2016, la CENCO estimait qu’outre les points de convergence, six divergences nécessitaient des échanges directs entre les parties notamment :

  • La Constitution : compréhension du concept du respect de la constitution et ses implications en rapport avec la crise actuelle,
  • Le processus électoral : séquences, calendrier, financement des élections, indépendance de la CENI et du CSAC,
  • Fonctionnement des Institutions pendant la période de transition
  • Mesures de décrispation politique
  • Mécanisme du suivi de l’Accord
  • Forme du compromis politique à trouver.

C’est donc sur ces points que se décloueront les discussions. Si la bonne volonté de la CENCO pour aboutir à un compromis est avérée, il reste la sincérité à prouver dans le camp présidentielle qui a tout organisé pour que les élections n’aient pas lieu dans le délai constitutionnel. La mission que s’est donc donnée l’église catholique s’annonce délicate et que d’aucuns présentent comme celle de la dernière chance pour que le pays ne sombre dans le chaos, suite à la non organisation des élections en 2016. De l’avais de tous,  Kabila et sa majorité ont une grande part de responsabilité dans la crise politique qui secoue aujourd’hui la RDC. Ils font donc partie du problème d’où la nécessité pour les évêques catholiques de s’assurer sur leur sincérité afin de ne pas tomber dans le piège d’un homme et sa majorité qui soufflent le chaud et le froid pour s’éterniser au pouvoir après le 19 décembre 2016.

Déjà des contestations

Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus dit un adage. En dehors de gérer les humeurs des uns et des autres pour trouver un consensus, la CENCO devra désormais aussi faire face à des contestations de ceux qui ne sont pas conviés à son confessionnal. C’est le cas de celle de l’Opposition Républicaine de Léon Kengo qui récuse Kamerhe. Dans son document du 7 décembre 2016 signé Michel Bongongo et adressé au président de la CENCO, ce regroupement politique s’insurge contre le fait qu’elle ne soit pas retenue sur la liste des participants aux discussions directes. Et de rappeler que Vital KAMERHE n’a pas mandat de Co modération comme lors du Dialogue National. Il n’est donc pas mandaté dans le cadre de la mission des bons offices de la CENCO avant de de réclamer le quota qui aurait été retenu pour l’opposition Républicaine.

cencokengo

Ci-dessous, le texte du discours d’ouverture par le Président de la CENCO :

 

CONFÉRENCE ÉPISCOPALE NATIONALE DU CONGO

PRÉSIDENCE

POURPARLERS DE CONSOLIDATION DE LA PAIX ENTRE CONGOLAIS

DISCOURS D’OUVERTURE

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Éminence, Monsieur le Cardinal,

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Honorable Président du Sénat,

Monsieur le Directeur de Cabinet du Président de la République,

Mesdames et Messieurs les participants, en vos titres et qualités respectives,

Distingués invités

Au nom de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo, CENCO en sigle, nous vous souhaitons la bienvenue aux présentes assises que nous plaçons sous le signe de l’espérance et de la réconciliation nationale.

Le vendredi 02 décembre 2016, la CENCO a tenu un point de presse sur sa mission de bons offices auprès des acteurs politiques et des forces vives de la Nations dans l’impérieux souci de contribuer à ramener la paix et la cohésion nationale. Cette mission est encouragée et cautionnée par le Président de la République, les acteurs politiques et sociaux ayant pris part au Dialogue National tenu à la Cité de l’Union Africaine, d’une part, et par ceux qui n’ont pas participé à ce dialogue, d’autre part. L’initiative de la CENCO est également soutenue par le Peuple congolais ainsi que par l’ensemble de la Communauté internationale.

La CENCO est allée à la rencontre des parties prenantes pour les écouter et recueillir leurs analyses et propositions en vue de rapprocher les points de vue des uns et des autres pour une sortie pacifique de la crise sociopolitique que connaît notre pays. Elle s’est donnée le temps nécessaire, tenant compte de la délicatesse de la mission, pour approfondir, outre l’Accord politique issu du Dialogue national, les documents mis à sa disposition par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement et par le Front pour le respect de la Constitution.

Ce travail synoptique a relevé d’importants points de convergence entre les différentes positions des parties prenantes, mais aussi des points de divergences mentionnés dans le communiqué de presse de la CENCO du 2 décembre 2016.

Les présentes assises sont organisées justement pour donner aux délégués de trois grandes composantes (Majorité Présidentielle, Opposition et Société civile) signataires de l’Accord politique du 18 octobre 2016 et de ceux qui n’ont pas pris part au Dialogue National tenu à la Cité de l’Union Africaine (le Rassemblement, le Front pour le respect de la Constitution et la Société civile), le précieux temps de travailler ensemble, dans un format réduit et composé de 30 personnes. Ce travail portera essentiellement sur l’examen des points de divergence afin d’obtenir des solutions quant à ce pour un large consensus.

Mesdames et Messieurs qui prendrez une part active aux travaux lancés à ce jour,

L’heure est grave, la population congolaise toute entière nous regarde : raison pour laquelle nous serons tous appelés au cours de ces assises à nous dépasser et à donner le meilleur de nous-mêmes pour offrir à notre cher et beau pays une paix durable, une occasion de consolider la démocratie chèrement acquise et lui éviter un enlisement aux conséquences néfastes.

La Conférence Épiscopale Nationale du Congo vous remercie très sincèrement d’avoir donné suite à son invitation ; elle salue votre sens de responsabilité et de bonne volonté politique. Cependant, cette responsabilité dont vous avez fait montre par votre présence devrait se traduire en attitudes, comportements et pratiques au travers des avis et options que vous aurez à lever pour résoudre la crise.

Dans ce sens, des signaux forts et très encourageants ont été montrés de part d’autres, notamment par le Président de la République et Chef de l’Etat, lors de l’audience qu’il a accordée à la présidence de la CENCo le 05 décembre 2016 : audience au cours de laquelle il a soutenu notre démarche et nous a encouragés à poursuivre la mission de bons offices. Cette attitude traduit, sans nul doute, la garantie morale et politique d’une mise en œuvre rapide des résolutions que vous allez prendre au cours de ces assises.

Cet élan d’encouragement de l’initiative de la CENCO a été relayé par Mr Etienne Tshisekedi wa Mulumba, Président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, UDPS en sigle, et du Conseil des Sages du Rassemblement des Forces Politiques et Sociales acquises au changement qui s’est personnellement déplacé le 06 décembre 2016 vers notre siège pour s’enquérir des modalités pratiques de la tenue de présentes assises.

Il en est de même de tous les leaders de grandes familles politiques et sociales de notre pays ayant pris part ou non au Dialogue de la Cité de l’UA. Nous citons :

– La Majorité Présidentielle conduite par le Co-modérateur, Son Excellence Monsieur le Ministre Alexis Thambwe Mwamba ;

– L’opposition politique et Républicaine conduite par le Co-modérateur Honorable Vital Kamehre ;

– Le Front pour le respect de la Constitution (FRC), conduit par Mr Fidèle Babala ;

– La Société civile prise dans toute sa diversité.

Mesdames et Messieurs les délégués,

Distingués invités,

Nous vous exhortons à la culture de la concorde et de la paix, car c’est tout ce que notre peuple attend de vous et de nous tous, particulièrement en ce moment précis. Comme le dit la Bible : « J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin que tu vives toi et ta postérité » (Deutéronome 30, 19). Nous vous demandons de lancer au sein de vos groupes et organisations, mais aussi auprès de vos bases respectives des appels à l’apaisement pour que les Congolais ne revivent plus jamais les tristes événements des 19 et 20 septembre 2016.

Ce peuple attend principalement que les conclusions de ces travaux conduisent urgemment à la réconciliation entre les acteurs politiques, à la paix et à l’organisation des élections démocratiques, crédibles et apaisées afin d’ouvrir le chemin vers l’alternance politique pacifique comme l’exige la Constitution.

La République Démocratique du Congo et un patrimoine précieux, un don fait aux Congolais. Nous devons protéger ce patrimoine multidimensionnel. Par ailleurs notre pays fait partie des Nations Unies. Voilà pourquoi, à l’instar du Peuple congolais, la communauté internationale attend que les résolutions de nos travaux ouvrent la voie vers la consolidation effective de la démocratie et la promotion de l’Etat de droit, cimentées par culture de la paix.

En outre, l’Eglise catholique universelle, à travers un message envoyé au Peuple congolais par le Saint Père, le Pape François, lui a exprimé sa solidarité et sa sollicitude en ces termes : « J’encourage chacun, en particulier les responsables politiques et religieux, à initier ou à poursuivre toute action visant à construire des ponts entre vous, et non pas des murs ; à instaurer dans la société congolaise une culture du dialogue qui vous fasse mieux connaître, pour mieux vous aimer ».

Toutes les attentes mentionnées ci-haut signifient que les exigences rigides qui quelques fois ont caractérisé les positions des uns et des autres, devront céder à la concession et au compromis ; ces concessions et compromis ne devant jamais être interprétées comme des aveux de faiblesse, mais plutôt comme des signes de grandeur et de dépassement pour favoriser l’intérêt supérieur de la Nation.

Eminence, Excellences,

Honorables,

Mesdames et Messieurs,

Il ne nous reste qu’à solliciter, de votre part, le sens de coopération et de collaboration sincère pour la réussite de ces assises que nous confions à la miséricorde de Dieu et par l’intercession de la Vierge Marie, Reine de la Paix, pour le plus grand bien de notre peuple.

Kinshasa, le 8 décembre 2016, en la Solennité de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie.

+ Marcel UTEMBI TAPA

Archevêque de Kisangani

Président de la CENCO

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