Une nouvelle crise de trop. C’est un président Pierre Nkurunziza remonté et son pays le Burundi qui ont décidés de se retirer de la Cour pénale internationale (CPI). Cette décision gravissime que rarissime annoncée le vendredi 7 octobre 2016 intervient une semaine après l’ouverture d’une enquête de l’ONU sur les violations des droits de l’Homme commises dans le pays depuis avril 2015. Dans la crise qui secoue le pays depuis près de deux ans à cause de la modification de la constitution et la réélection contestée de Pierre Nkurunziza, une répression sans réserve s’est abattue sur les contestataires et les opposants : des exécutions extrajudiciaires, des tortures, des centaines de disparitions forcées et des milliers de prisonniers politiques sans compter les réfugiés à travers les pays de la sous-région.
Dénonçant ce qu’il considère comme étant un mensonge et un complot international qui veut faire tomber un pouvoir élu, Bujumbura n’en veut plus de cela et veut en finir avec la CPI : «Nous avons pris cette option de nous retirer de la CPI. Le projet de loi va maintenant être envoyé au niveau de l’Assemblée nationale pour adoption», comme l’a déclaré Gaston Sindimwo, premier vice-président du pays vendredi 7 octobre. Et de continuer que la CPI était «un moyen politique utilisé par la communauté internationale pour opprimer les pays africains» en se faisant écho de critiques récurrentes de certains pays africains contre la justice de La Haye.
Le pays comme son régime autoritaire sont de plus en plus accusé d’être en grande partie responsable de ces crimes, que la CPI et son procureur Mme Fatou Bensaouda avaient ouvert un examen préliminaire en avril 2016 pour meurtres, tortures et viols avant que le Comité des Nations Unies contre la torture ne sort son rapport de plus accablant et dans la foulée, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU ait décidé le 30 septembre 2016 de créer une commission internationale d’enquête sur les exactions commises au Burundi. Dans cette dernière, les experts ont établi une liste de 12 personnalités considérées comme responsables des graves crimes commis en toute impunité à travers le pays, et qui pourraient relever de la CPI. Parmi eux, le ministre de la Sécurité publique et numéro 2 burundais, le général Alain-Guillaume Bunyoni, le chef d’état-major de l’armée, le très redouté patron des services secrets burundais, ou encore un des chefs de cabinet du président Pierre Nkurunziza.
Ainsi, des manifestations quotidiennes sont organisées la capitale Bujumbura, notamment devant les sièges de l’Onu et l’Union Européenne pendant que le président Pierre Nkurunziza riposte sur des réseaux sociaux à travers Twitter pour critiquer les Nations unies et défendre son action à la tête de l’État. La plus grande mobilisation étant celle du samedi 24 septembre où sous escorte des forces de l’ordre, plus d’un millier de manifestants, parmi lesquels se trouvaient certaines hautes autorités, avaient envahi les rues de la capitale, scandant des slogans hostiles aux enquêteurs, derrière une grosse pancarte portant un message en anglais : Burundi one nation, one language, genocide will never happen (Le Burundi forme une seule nation, ne partage qu’une langue, aucun génocide ne pourra y être perpétré ).
Dans cette situation qui parait être un durcissement du pouvoir mais aussi son déni par rapport aux graves exactions qui sont en train d’être commises, les analystes notent une espèce de fuite en avant du régime. Le retrait de ce pays ne le soustrait pas à la justice internationale, le statut de Rome, traité fondateur de la CPI, stipulant que le retrait d’un pays ne prend effet qu’un an après la date à laquelle la notification a été reçue. Le Burundi est plongé dans une crise profonde depuis que le président Pierre Nkurunziza avait annoncé sa candidature à un 3ème mandat, obtenu en juillet 2015 à l’issue d’une élection présidentielle boycottée par l’opposition. Les violences ont à ce jour fait plus de 500 morts et poussé plus de 270 000 personnes à quitter le pays, qui sombre également dans une grave crise économique.