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La colère du Dr Denis Mukwege

C’est un homme en colère et révolté qui s’est encore une fois exprimé à l’instar de tous ses compatriotes de l’Est du Congo Rd qui ne comprennent plus rien de ce qui se passe dans les entités de Beni-Lubero au Nord-Kivu. Lui, c’est le Dr Denis Mukwege; médecin gynécologue et fondateur de l’Hôpital de référence de Panzi connu pour son action en faveur des femmes victimes des violences sexuelles.

Face aux dernières massacres survenus en ce début mai 2016 à Beni  et dans un communiqué parvenu aux médias, il a exprimé toute son indignation face à ces «images des atrocités de masses insupportables, des femmes enceintes éventrées, des bébés mutilés, des êtres humains ligotés et égorgés à l’arme blanche» écrit-il. Et de continuer qu’aujourd’hui : «Les Congolais sont exaspérés, meurtris, humiliés et  se mobilisent pour parvenir au changement tant attendu».

En dehors de son exaspération certes légitime, le toubib tance les autorités gouvernementales qui ne le lui ont jamais certes porté dans leur cœur. Il dénonce «l’impasse politique» organisé vers un «glissement extrêmement dangereux» pour le pays. Il cite notamment cette «bataille» d’interprétation des articles de la Constitution pouvant permettre au président Kabila de rester au pouvoir au-delà de son mandat. Ce qui constitue pour lui une «manœuvre dilatoire ayant pour objectif de perpétuer un chaos organisé et préserver les privilèges de quelques proches du pouvoir». Le Dr Mukwege termine son communiqué à en appelant à un «changement radical du système» et reprochant à la communauté internationale son inaction du fait d’avoir  trop longtemps sacrifié la justice sur l’autel de la paix ; justice ni paix qui n’existent pas conclut-il.

Depuis des années, le Dr Mukwege n’arrête pas d’interpeller et de rappeler au monde  un fait : «La région où je vis est l’une des plus riches de la planète; pourtant l’écrasante majorité de ses habitants vit dans une extrême pauvreté liée à l’insécurité et à la mauvaise gouvernance. Le corps des femmes est devenu un véritable champ de bataille, et les conséquences sont multiples : la cellule familiale est désagrégée, le tissu social détruit, les populations réduites en esclavage ou acculées à l’exil dans une économie largement militarisée, où la loi des seigneurs de guerre continue à s’imposer en l’absence d’un état de droit. Nous sommes donc face à une stratégie de guerre redoutablement efficace».

Lauréat de plusieurs prix prestigieux à travers le monde pour son action dont le Prix Sakharov pour la Liberté d’expression du Parlement Européen en 2014, le Dr Mukwege n’a jamais reçu pareil reconnaissance du gouvernement de son propre pays. Ce qui n’en étonne pas plus d’un vu ses prises de positions. L’homme reconnu pour son combat pour la dignité des femmes, la justice et la paix dans son pays ne se lasse jamais. Déjà en mars dernier et pour la première fois à Kinshasa, il lançait son cri d’alarme à l’Institut Français : « Nous devons tous amener notre pierre pour que cette année(2016) soit plutôt une année d’espoir pour les Congolais, pour qu’en 2017, nous commencions aussi à parler développement. On a trop parlé des viols, des guerres, des destructions, il est temps que nous puissions également parler du développement. On ne pourra pas parler du développement si on est dans la confusion et que la Constitution n’est pas respectée» plaidait-il.

Sur la question des ambitions politiques dont il est suspecté, la réponse est aussi directe et limpide : «Je suis citoyen et par définition un citoyen doit défendre la cité».

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