Le président honoraire Joseph Kabila a été un grand acteur de l’histoire récente de la RDC. Il a rendu des services incontestables au pays. Cela, personne ne peut le lui retirer.
Cependant, la passation du pouvoir du 24 janvier 2019, qui s’était faite à son corps défendant, a par la suite pris une tournure imprévue, alors que Joseph Kabila voulait garder une mainmise sur le pouvoir à travers un accord dont les clauses (secrètes ?) avaient comme finalité de lui permettre un jour de revenir à la tête du pays.
Sauf que, cette passation s’était transformée en un mariage forcé, une forme de partage du pouvoir, inconfortable pour son successeur : qui a fini par se rebiffer et reprendre la plénitude des pouvoirs constitutionnels après avoir obtenu un basculement spectaculaire de la majorité parlementaire. Manifestement, le désamour né de cette fracture politique et le désespoir accru par l’évocation d’un changement de constitution a vu chez Joseph Kabila s’éloigner la perspective de ce retour qu’il rumine.
Le long exercice du pouvoir (18 ans) peut susciter un appétit insatiable chez un homme encore jeune, qui estime avoir beaucoup à donner et qui se sent en mesure d’avoir autant de longévité que les régimes sempiternels de certains pays voisins (auxquels, d’ailleurs, la bien-pensante occidentale n’exige aucun compte).
C’est ainsi qu’après une très longue période de silence (au cours de laquelle il n’a certainement pas été inactif comme l’indique ses liens inavouables avec les protagonistes de la situation dans l’Est du pays), il a fini par sortir du bois en déclarant publiquement entrer dans l’opposition (armée ?).
S’il est tout à fait légitime (et facile) pour Joseph Kabila de critiquer le pouvoir de Félix Tshisekedi, dont la gouvernance n’est pas exempte de reproches ; notamment les scandales des détournements des fonds publics qui ont défrayé la chronique, cela n’efface pas son propre bilan qui n’a pas été non plus irréprochable dans plusieurs domaines, et c’est le moins qu’on puisse dire. Cela s’était d’ailleurs traduit par le rejet net de son dauphin officiel dans les urnes lors de l’élection présidentielle de 2018.
Mais la plus grande faute de Joseph Kabila, c’est d’avoir démontré qu’il était capable de pactiser avec le diable pour revenir au pouvoir, y compris en marchant sur les dépouilles de nos militaires, dont il fut le commandant suprême. Pire, dans son dernier discours, il a omis de rendre hommage à ceux qui sont tombés en défendant notre pays et il s’est contenté de vilipender notre armée en servant le narratif du Rwanda.
En entrant dans une alliance objective avec Kagame, à qui il fait ipso facto allégeance, Joseph Kabila trahit et déçoit tous ceux qui, comme moi ; le considérèrent jadis comme un nationaliste, sourcilleux sur l’indépendance, l’unité et l’intégrité de la RDC. Cette déception est d’autant plus forte que dans son dernier discours il s’abaisse à soulever des allégations tribalistes, susceptibles d’attiser la haine entre congolais. Cela est indigne d’un ancien garant de la Nation.
Cette tentative de prendre la République en otage, en connivence avec un pouvoir ennemi de notre Nation, et au risque de créer une situation aux conséquences incalculables, est une grave trahison… Les congolais, déjà durement éprouvés par les invasions rwandaises, n’ont pas à souffrir des guerres pour la conquête du pouvoir. Ce dernier n’est pas un butin de guerre et la propriété d’une famille politique, fut-il obtenu jadis par les armes. Ce raisonnement, qui semble être en soubassement à sa démarche politique, est une hérésie contre les valeurs républicaines.
D’ailleurs, lui-même s’était défait des caciques de l’Afdl, qui avait porté son père au pouvoir, et il avait créé son propre parti, le PPRD. Et certains ne le lui ont jamais pardonné.
Les hommes passeront, le Congo demeurera…
Charles Kabuya
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