Dans un courrier daté du 19 mai 2025, le président de la Chambre haute du parlement Sama Lukonde Kyenge Jean-Michel « invite » pour ce mardi 20 mai 2025 l’Honorable Sénateur à vie et ancien président de la République Joseph Kabila à une séance de travail avec la commission spéciale du Sénat.
Cette convocation expresse indique que ladite séance est chargée de « l’examen du réquisitoire de l’Auditeur général près la haute cour Militaire relatif à la levée de ses immunités parlementaires et à l’autorisation des poursuites » contre sa personne. Composée d’une quarantaine des membres désignés à huis clos par le Bureau du Sénat, la Commission spéciale a été mise en place conformément aux articles 138 point 5 de la Constitution, 196 et 224 du règlement intérieur du Sénat. Elle est présidée par le sénateur Christophe Lutundula Apala et dispose d’un délai de 72 heures pour entendre les parties concernées –dont l’auditeur général des FARDC– et présenter ses conclusions à l’Assemblée plénière.
Des accusations d’une rare gravité
Selon le réquisitoire présenté par l’auditorat militaire dont la copie circule sur les réseaux sociaux, une série de charges particulièrement graves y sont retenues contre Joseph Kabila. Il lui est notamment reproché :
- La participation à un mouvement insurrectionnel, en l’occurrence le M23, via la prise en charge des communications des insurgés.
- La trahison, pour avoir entretenu des liens supposés avec une puissance étrangère, en l’occurrence le Rwanda, et le groupe armé AFC/M23, avec pour objectif présumé de déstabiliser les institutions de l’État.
- La participation à des crimes de guerre, en lien avec les actions du M23 sur le sol congolais, conformément aux articles du Code pénal militaire et de la loi du 31 décembre 2015 réprimant les crimes internationaux.
Ces accusations, si elles étaient retenues, relèveraient de la compétence de la Haute Cour militaire, et non de la Cour de cassation, en raison de la nature des infractions visées ; comme le prévoit l’article 120 b du Code de justice militaire.
Viendra, ne viendra pas ?
Sera-t-il présent, sans doute pas car depuis plus de deux ans déjà ; l’ancien président de la République comme le reste de sa famille proche vit volontairement un « exil » entre l’Afrique du Sud et la Namibie et présentement il serait à Harare au Zimbabwe. Discret jusqu’en février 2025 avec la publication d’une tribune dans le journal sud-africain The Sunday Times où il critiquait sévèrement son successeur le président Tshisekedi et semblait légitimer la rébellion de l’AFC/M23 dont il serait proche. Auparavant, il avait rencontré plusieurs anciens chefs d’Etat comme certains opposants congolais aujourd’hui en exil volontaire comme lui pour discuter des questions politiques du pays et de la situation sécuritaire dans l’Est.
Ensuite vint la « vraie-fausse » affaire de son retour au pays par sa partie orientale alimentée par son entourage avec un déplacement dans la ville de Goma occupée par les rebelles soutenus par le Rwanda. Selon des sources bien renseignées pourtant, Kabila ne se serait jamais rendu dans le Nord-Kivu envahi, peut-être voulait-il tester la réaction du pouvoir de Kinshasa face à ses velléités annoncées. Les conséquences n’ont pas tardé : suspension du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) dont il est « l’autorité morale » et interdiction de sorties du pays de ses cadres par le ministère de l’Intérieur.
Ayant lui-même allumé le feu par ses sorties médiatiques y compris ceux de ses proches, Joseph Kabila ne devrait qu’assumer ses propres engagements. Une chose est certaine, c’est en son absence que les sénateurs en majorité de la mouvance présidentielle risquent de décider de la levée de son immunité, le rapport de la commission spéciale devant être rendu demain mercredi 21 mai 2025 avant le vote de la plénière du Sénat.
Une procédure inédite pour un ancien chef de l’État
Dans cette procédure inédite, la démarche judiciaire entreprise ne s’appuie pas sur la qualité d’ancien président de la République de Joseph Kabila, protégée par une immunité spécifique. Elle repose plutôt sur sa qualité de Sénateur à vie, une fonction acquise automatiquement à l’issue de sa présidence. C’est en vertu de cette fonction que le Sénat est appelé à autoriser ou non les poursuites, conformément aux articles 104 et 107 de la Constitution, ainsi qu’aux lois organiques régissant la procédure judiciaire et le statut des anciens chefs de l’État.
Si la levée de ses immunités est votée à l’issue des travaux, Joseph Kabila pourrait devenir le premier ancien président congolais poursuivi pour trahison et crimes de guerre par la justice militaire.
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