Alors que le monde libre dont la Belgique célèbre les 80 ans de la fin de la Deuxième Guerre mondiale avec la victoire des alliés sur les nazis allemands, un pan de cette Histoire demeure complètement oublié, celui des « Résistants d’origine congolaise dans la Résistance belge 1940-1945 ». Chaque année, pour sauvegarder cette mémoire, il fait l’objet d’une exposition itinérante sous un format réduit qui fait escale cette année 2025 à l’Hôtel de Ville de la commune de Saint-Gilles en région de Bruxelles-Capitale.
Une histoire maintes fois falsifiée
De l’époque coloniale belge à l’indépendance du pays le 30 juin 1960 jusqu’à ce jour, les tenants du pouvoir dans l’ancienne métropole comme au Congo devenu indépendant ont toujours écrit l’histoire selon ce qui les arrangent comme le soulignait Anicet Mobe Fansiama. Maintes fois falsifiée, cette histoire devait par contre être l’occasion pour beaucoup des compatriotes Congolais de se remémorer leur passé, de réfléchir sur leur présent et de s’imaginer le futur de la patrie bien aimée, la RDC d’aujourd’hui.
Pour ce chercheur en Sciences sociales décédé en 2017 et ancien membre du Collectif des Intellectuels, congolais Défis, « L’implication de l’armée indigène congolaise dans les deux Guerres mondiales de 1914-18 et 1940-45 » devait faire en sorte que « Le peuple congolais se rapproprie son histoire au travers de sa mémoire collective en vue de maitriser son passé, comprendre son présent et se projeter dans son avenir. Une capacité de responsabilité inouïe qui a toujours désarçonné les pouvoirs en face du peuple depuis le colon belge à Mobutu en passant par les deux Kabila » disait-il.
L’armée coloniale connue sous le vocable de la Force Publique a été pour beaucoup dans la victoire des alliés lors des deux guerres mondiales alors que la Belgique officielle s’effondrait rapidement face l’invasion allemande. Les congolais dont la capacité de projection à l’extérieur était redoutable sont allés des victoires en victoires même si cela a tendance à se faire occulter par les grands vainqueurs. C’est ainsi que les troupes issues de la colonie se sont retrouvées au Cameroun, en Egypte, en Palestine, au Ruanda-Urundi, en Tanganyika (Tanzanie actuelle), en Abyssinie (Ethiopie actuelle), au Nigéria, au Benin…et voir très loin jusqu’en Asie en Birmanie via une antenne médicale.
Vaillants soldats, les congolais infligeront une cuisante défaite aux troupes italiennes de Mussolini en Afrique de l’Est en faisant prisonniers 15.000 soldats des troupes et 8 Généraux. Plusieurs rues de Kinshasa portent jusqu’à ce jour les noms de certaines localités conquises par nos ancêtres comme Asosa, Dodoma, Gambela, Birmanie, Saïo ; etc.
A la sortie de la 1ère comme la 2ème Guerre mondiale, le Congo sera un enjeu géopolitique et stratégique important à cause de ses richesses et ce jusqu’à la fin de la guerre froide avec la chute du mur de Berlin en 1989. Cette situation fera régner trois décennies durant l’une des dictatures féroces du continent africain par Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko pourtant exclu de l’armée coloniale belge pour indiscipline.
De son héritage colonial, l’armée sera plus prise pour un outil de répression de toute contestation publique des autorités. Ce furent les cas de la révolte dite paysanne dans le Kwilu au Bandundu en 1932, celle étudiante de l’Université Lovanium, aujourd’hui Université de Kinshasa en août-septembre 1969 et enfin celle des chrétiens réclamant la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) le 16 février 1992.
De l’effort de guerre…
L’effort de guerre au Congo belge est une page d’histoire oubliée qu’on n’enseigne même pas dans les écoles comme universités belges. L’importance du Congo belge durant la Seconde Guerre mondiale est peu évoquée et lorsqu’elle l’est, c’est presque exclusivement pour parler du projet Manhattan et rappeler que l’uranium utilisé dans la fabrication des deux bombes d’Hiroshima et de Nagasaki provenait de ses gisements katangais dans les mines de Shinkolobwe.
Et parfois, lorsqu’on rappelle la mobilisation générale de la Force publique –le bras armé de la colonie– et sa présence sur plusieurs théâtres militaires notamment d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie ; l’effort colossal demandé à la colonie durant la guerre est, quant à lui, largement tombé dans l’oubli. Une mise au service de la colonie qui va permettre aux autorités belges refugiées à Londres de s’imposer comme des partenaires qui comptent vis-à-vis de leurs alliés anglo-saxons et aux sociétés privées –dont la plupart font partie du groupe de la Société Générale– de générer d’importants revenus. Sur le terrain, cette politique s’accompagne d’une augmentation des cadences et des objectifs ; la main-d’œuvre étant mise à rude épreuve avec une exigence des efforts considérables dans la production de matières premières stratégiques d’importance capitale.
De la participation du Congo belge à l’effort de guerre, l’on sait que c’est le 4 juillet 1940 que le ministre des Colonies, le catholique Albert de Vleeschauwer rallie Londres d’où il œuvre pour mettre le Congo à disposition de la machine de guerre des Alliés, surtout dans le registre économique que se situe cet apport.
Malheureusement, dans les manuels d’histoire ainsi que dans les ouvrages édités par les services d’information des armées coloniales, la bravoure militaire des Africains n’est évoquée qu’à travers le prisme des qualités des officiers blancs européens ; les soldats noirs africains n’apparaissant guère comme des acteurs de leurs exploits militaires. Tout le monde le sait que durant la première Guerre mondiale déjà (1914-1918), c’est grâce aux victoires militaires de la Force Publique congolaise qui permirent à la Belgique, la France et la Grande Bretagne d’étendre leurs possessions aux territoires colonisés par l’Allemagne et conquis avec vaillance par les soldats congolais : conquêtes de Kigali (Ruanda) le 06 mai 1916 et d’Usumbura aujourd’hui Bujumbura (Urundi ou Burundi) le 06 juin 1916 ; de Kigoma le 29 juillet 1916, de Tabora, en septembre 1916 avec le Général Tombeur, anobli Baron de Tabora et de Mahénge en octobre 1917 avec le colonel Huyghe, anobli Chevalier de Mahénge. Ces trois dernières localités se trouvent au Tanganyika (Est Africain, l’actuelle Tanzanie). Les combats furent particulièrement meurtriers au Cameroun, en raison notamment du relief accidenté de ce pays.
En 1923, la Société des Nations (SDN), l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) d’aujourd’hui accorda mandat d’administrer le Ruanda-Urundi à la Belgique ; le Tanganyika à la Grande- Bretagne et le Cameroun (Kamerun) à la France et à la Grande –Bretagne. En 1946, l’ONU confirma et transforma ces mandats en tutelles.
Il est significatif que certains anciens combattants congolais jouent un rôle de premier plan peu avant et après l’indépendance en 1960 : Gaston Diomi, Pierre Canon et Victor Lindula, assistants médicaux, qui ont servi en Birmanie, sont élus bourgmestres (maires) à la fin des années 1950, respectivement à Ngiri-Ngiri et à Lingwala (Saint-Jean), à Léopoldville et à Jadotville (Likasi). En 1958, Gaston Diomi participe à la conférence panafricaine d’Accra (Ghana), en compagnie de Patrice Lumumba et de Joseph Ngalula. En 1960, il est élu vice-président du gouvernement provincial de Léopoldville. Tel est le cas aussi de Louis Bobozo, d’Eugène Ebeya et de Norbert Muke-Masuku, qui, après avoir combattu en Abyssinie, ont tous servi dans l’armée nationale congolaise après l’indépendance des Forces Armées Zaïroises (FAZ).
A lire aussi : L’implication des soldats congolais dans les 2 guerres mondiales ! https://www.afriwave.com/2016/05/03/limplication-des-soldats-congolais-dans-les-2-guerres-mondiales/
Quelques figures de la résistance congolaise
Plusieurs Héros méconnus de la première comme de la seconde guerre mondiale d’origine congolaise sont aujourd’hui passés dans l’oublie de la mémoire collective. Parmi eux, quelques noms à relever comme celui de Paul Panda Farnana, ancien combattant et diplômé de l’Ecole d’Agriculture d’Etat de Vilvorde (Bruxelles) et de l’Ecole Supérieure d’Agriculture Tropicale à Nogent-sur-Marne (Paris).
En son temps, il adressa une requête aux autorités militaires belges, notamment le Général-major Molitor, ancien commandant supérieur des troupes coloniales ; le colonel Muller, président du cercle des anciens officiers des campagnes d’Afrique et le Major Verloot, ancien officier de la Force Publique, pour que soit glorifié le soldat inconnu congolais, lors de la commémoration de la victoire de Tabora, le 11 novembre (Armistice). Par ailleurs, Panda exigea aussi que soit constitué un capital au profit des invalides, veuves et orphelins congolais des fronts de Tabora et du Cameroun. L’érection, le 1er juillet 1927, à Léopoldville d’un monument du souvenir congolais concrétise une des revendications de Panda.
Lors du Congrès colonial national à Bruxelles (18-20 novembre 1920), Paul Panda Farnana, ce héros congolais oublié ; exigea la formation de médecins congolais, leur admission aux grades supérieurs de l’administration, la suppression du travail forcé, la participation des Congolais à la gestion des affaires publiques et leur élection au suffrage universel pour siéger au Conseil Général de la législation qu’il fallait créer au Congo.
La commémoration du 55ème anniversaire de l’indépendance de la RDC en 2015 a été l’occasion pour beaucoup des compatriotes de se remémorer le passé, de réfléchir sur le présent et de s’imaginer le futur de la patrie bien aimée. C’est fut le cas de La Solidarité Congolaise dans l’Action (SCA) une association des congolais de la ville de Mons en Belgique qui a marqué cette date au travers d’une réflexion sur « L’implication de l’armée indigène congolaise dans les deux guerres mondiales de 1914-18 et 1940-45 ».
Il y a aussi Albert Kudjabo né en mars 1896, cet homme noir qui fut un volontaire de 18 ans qui est passé par l’Yser en Flandre et Liège-Namur en Wallonie pour combattre les allemands qui le feront prisonnier de guerre sous le matricule prisonnier 11150. Simple coïncidence ou chose rare, Robert Kudjabo, fils d’Albert Kudjabo fut lui aussi volontaire résistant belge entre 1940-45 pendant que ses deux frères se sont également engagés dans l’armée belge.
Ces personnes ne furent certes pas seules, d’autres congolais comme Hubert Otenga, infirmier principal de 1ère classe et Mangungi Antoine furent parmi leurs compagnons d’armes
Quelques autres visages…
Découvrez l’histoire inspirante de François Kamanda, un résistant d’origine congolaise avec son histoire inspirante qui a bravé tous les dangers au sein de l’Armée Secrète pendant la Seconde Guerre mondiale.
Augusta Chiwy, une ange oubliée de Bastogne, une héroïne méconnue et une résistante d’origine congolaise dans la Résistance belge 1940-1945 qui fut caractérisée par son courage et son dévouement.
Johny Vosté, un résistant d’origine congolaise dont l’histoire inspirante a marqué la Résistance belge pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Les manuels d’enseignement traitent peu de l’engagement du Congo dans la seconde guerre mondiale et de l’influence que cette implication a eu sur l’émancipation de ses habitants. En outre, la combativité des troupes africaines n’y est évoquée qu’à travers les qualités de leurs officiers européens, reflétant la culture de ségrégation qui gangrenait la Force publique. On minimise aussi l’effort de guerre consistant en souscriptions volontaires au Congo (comme dans certaines colonies françaises), après juin 1943. Au Congo, de telles initiatives ont fleuri dans les paroisses catholiques de Léopoldville. Les sommes collectées ont atteint un montant de 70 000 francs belges (environ 13 000 euros), comme aide aux sinistrés de Belgique. Dès 1943, le gouverneur général Ryckmans déclare devant le Conseil du gouvernement : « Comme nous, les indigènes ont travaillé pour la guerre. Ils en ont souffert plus que nous. Le solde est une créance sur l’avenir à laquelle la Belgique devra faire honneur ». Pourtant, jamais les transferts de fonds de Bruxelles vers Kinshasa n’ont été à la hauteur de la dette contractée. Et la contribution du Congo à la victoire des alliés comme la bravoure de ses soldats demeurent encore trop méconnues du grand public » écrivait feu Anicet Mobe Fansiama.
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