Achille Mbembe : « L’Afrique est gouvernée par des vieillards qui peinent à rester éveillés »

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Texte par Sophian Aubin

L’historien et philosophe Achille Mbembe a accordé un entretien à France 24, dans lequel il porte un regard contrasté sur l’état de la démocratie sur le continent africain, entre coups d’État, présidents qui s’éternisent au pouvoir et alternances démocratiques. Achille Mbembe appelle à la fin du franc CFA et des bases militaires françaises en Afrique, exhortant à « passer à autre chose », aussi vite que possible. Pour l’intellectuel camerounais, la Françafrique est « objectivement terminée ». 

Sur le plan démocratique, « l’Afrique centrale est dans un état bien plus difficile que ne l’est l’Afrique de l’Ouest », analyse Achille Mbembe, directeur général de la Fondation de l’innovation pour la démocratie, sur France 24

Il regrette un « fort recul de l’espace démocratique », « et des dizaines d’activistes, de journalistes et de dissidents emprisonnés », dans les pays soumis à des régimes militaires, comme la Guinée Conakry. Ce pays connaît une importante répression des droits humains depuis la prise de pouvoir par les militaires en septembre 2021. Des juntes se sont également emparées du pouvoir au Mali (août 2020), au Burkina Faso (janvier 2022), ainsi qu’au Niger (juillet 2023). 

En Côte d’Ivoire, des élections présidentielles sont attendues au mois d’octobre. Mais le doute subsiste autour de la candidature du président Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 2011.

« La limitation des mandats est une condition de la régénération du champ politique en Côte d’Ivoire comme dans d’autres pays », estime Achille Mbembe. Dans son pays, le CamerounPaul Biya est président depuis 41 ans. Ce nonagénaire sera –selon la plupart des observateurs– à nouveau candidat au scrutin présidentiel prévu cette année. 

« Il n’est pas normal que le continent (africain), peuplé en majorité de jeunes et de femmes, soit gouverné par des vieillards, dont beaucoup peinent d’ailleurs aujourd’hui à rester éveillés », constate Achille Mbembe. 

La Françafrique est « objectivement terminée »

En 2021, l’intellectuel camerounais a été choisi par le président français Emmanuel Macron pour « régénérer » la relation entre la France et l’Afrique, et élaborer une vaste consultation sur les relations franco-africaines. 

« Le président Macron est allé au bout de son concept et il nous appartient maintenant, à nous, sociétés civiles africaines et françaises, de prendre le relais », commente Achille Mbembe.

Des « tas de domaines restent à creuser », souligne-t-il. Présente désormais uniquement au Gabon ainsi qu’à Djibouti, l’armée française a été progressivement poussée vers la sortie dans l’ensemble du continent. Les bases militaires françaises, tout comme le franc CFA, constituent selon lui des « irritants qui, au fond, ne servent personne – ni la France, ni la plupart des sociétés africaines ». Pour l’intellectuel camerounais, la Françafrique est « objectivement terminée » et appartient désormais au passé.

Aujourd’hui, la France et une partie du continent africain doivent s’unir autour des « forces neuves », pour « inventer autre chose ». Une « aventure intellectuelle », conclut Achille Mbembe.  

Droits d’images France 24

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