Samedi 08 juin 2024, la vie semble s’arrêter sur Renaix. La plus méridionale commune de la Flandre-Orientale en Belgique est secouée depuis une semaine. Un de ses habitants, non des moindres, s’est soustrait de la population multilingue qui la compose. Non pas de gaieté de cœur mais par un cruel destin. Bruno est parti.
La nouvelle est déchirante. Autant brutale que brusque pour les proches de l’illustre disparu. Tel est mon cas, loin d’être le seul. Des tristes messages ne choisissent ni le lieu ni les circonstances pour parvenir à destination. Celui-là m’est tombé sur la tête. Bruno est parti ? Parti pour… ? Sûrement vers d’où l’on ne revient jamais. Un voyage sans retour, aller simple. Ce monologue intérieur consume, pétrifie, asphyxie. Ce matin les rues d’une partie de la ville connaissent une effervescence inhabituelle. Difficile de trouver de la place de parking autour de l’Eglise catholique Saint-Martin de Renaix.
Pendant ce temps comme prévu au programme, une équipe se charge de sortir le corps du funérarium. A l’allure du pas, elle accompagne le corbillard. Ce dernier se dirige vers l’Eglise où connaissances, amis, familles et autres membres de la communauté attendent. L’air semble grave, calme mais non sans affliction.
La procession s’immobilise devant l’Eglise. En y rentrant le corps, tout le monde se met débout, en signe de respect au mort. Service funéraire et familles autour du cercueil, dans le plus total silence s’arrêtent sur le seuil. On entendrait une mouche voler aux alentours. L’instant est solennel. Il n’a d’égal qu’à celui des hommages dus à un ministre.
En effet ministre de Dieu, Il l’a été en ses derniers jours. L’ordre est donné à la régie. Et elle exécute successivement trois chants, notamment Alléluia Cohen, Agnus Day de William Smith, suivis de Yawhé Kumama, et de Mubanji Mu Luse de Kabongo Mbaya en Tshiluba, repris ici par la sœur Bena que le défunt appréciait beaucoup à ses heures de méditation.
Véritable source d’inspiration pour journaliste, écrivain et pasteur qu’il était. Mais ici dans la foule et autour du cercueil, le chagrin si perceptible est à son comble. De nouveau l’ordre est donné au service funéraire de s’avancer avec le corps jusqu’au-devant de la chaire pour des hommages mérités et dignes de ce que fut l’homme qui nous quitte ce jour. Plaisir et peine se confondent dans mes yeux larmoyants.
Est-ce un dernier plaisir que je lui fais ? Juste un lourd et difficile devoir. C’est aussi ça le prix d’une longue amitié muée en fraternité. Reconverti en maître des cérémonies pour la circonstance j’assume. Mal me prend de réaliser que dans la caisse se trouve celui qui, il y a peu, était à la fois collègue, frère et confrère de longue date.
Devant lui je me tiens et lui fais l’honneur de cet ultime hommage :
« C’est en pleine cérémonie d’enterrement, en Normandie en France, de Floribert LUBOYA BEYA alias papa Flos, un autre éminent membre de notre plateforme que nous parvient le triste message du décès de Bruno KASONGA NDUNGA MULE. Plus qu’un ami, Bruno était mon frère. SHAKENA était le nom par lequel nous nous appelions. Nous avions le même nom, le même goût du travail et partagions le plaisir d’un même métier, celui d’informer les autres. Pas mieux que dans sa langue cela se traduit de manière aussi significative qu’excellente par « KAMONA KAMBA ». C’est à dire celui qui voit et rapporte aux autres. Aujourd’hui c’est de lui qu’il est question d’informer. Quelle peine ! Quelle douleur ! d’annoncer de sitôt le départ d’un vaillant chevalier, celui de la plume s’entend. De Mbuji-Mayi, depuis TSHILUNDU-Mérode, à Renaix en Belgique en passant par Kisangani, Bruno a fourbi ses armes au sein de la Rédaction du Quotidien ELIMA comme journaliste avant d’en être le Directeur régional. Il y a peint et plusieurs fois dépeint des situations dont seuls sont capables des chevronnés analystes de talent. De sa plume alerte, il a voyagé et a fait voyager ses lecteurs aux confins du monde. Sa course se termine ce jour en Belgique où il a vécu ses quelques trente dernières années. Membre de LAUTREINFO depuis la création, Bruno était l’une d’excellentes plumes de notre plateforme de communication. Depuis quelques temps ses interventions étaient devenues sporadiques. Des ennuis de santé sont passés par là. Mais plus fort est le message de ce jour qui nous arrache notre Bruno. La douleur est immense ! ».
Qui était BRUNO ?
Certains médias depuis son décès, le qualifient de légende de la presse congolaise et d’autres modestement de journaliste expérimenté. Bruno Kasonga Ndunga Mule est aussi auteur d’expression française d’origine congolaise. Il est de ceux qui n’ont pas coupé les liens avec le pays d’origine. Ses nombreuses publications et articles de presse en témoignent. Plus d’un de ses ouvrages personnels ou collectifs traitent des situations prévalant en République Démocratique du Congo.
Aîné d’une famille de huit enfants, dont quatre filles et quatre garçons, il est né au Congo le 28 janvier 1952 à Luluabourg aujourd’hui Kananga au centre du pays. Il se voyait prédestiné à devenir prêtre catholique sur orientation de ses parents. Bernard KANJINGA son vieux condisciple et voisin de banc en 3ème de l’Ecole primaire apporte par téléphone depuis Mbuji-Mayi aujourd’hui, un témoignage selon lequel, Bruno était le seul de la classe à avoir écrit sur son pupitre Mater boni consilii, Mère du bon conseil.
Cependant, son état de santé ne lui a pas permis d’achever ses études secondaires au Petit-Séminaire de Lukelenge dans la banlieue nord de la ville de Mbuji-Mayi. C’est plutôt au Collège Saint-Thomas de Miabi qu’il termine en 1974 en section littéraire.
Pendant son parcours scolaire, il parviendra à se faire remarquer auprès de la direction de l’Institut en proposant d’éditer sur du papier stencil un magazine scolaire qui allait devenir le journal de l’établissement scolaire. Il ne manque pas d’y insérer des poèmes rédigés de sa plume en dehors d’autres textes se rapportant aux activités scolaires. La voie lui est pratiquement ouverte pour s’intéresser à cette profession à laquelle les études littéraires le prédestinaient. Chemin faisant, L’hebdomadaire local « Dimukayi » annonce un test pour recruter un journaliste-reporter. Il se présente et est aussitôt retenu après avoir distingué lors de l’examen éliminatoire de dictée. Ce sera le point de départ d’une longue carrière qui le mènera jusqu’au sommet de la profession.
Parallèlement, il décide de prendre les cours du soir à l’Institut Supérieur Pédagogique de Mbuji-Mayi afin d’améliorer son niveau. Quelques temps plus tard, la réforme de la presse zaïroise avale l’unique hebdomadaire du Kasaï-Oriental. Ainsi est né un nouvel hebdomadaire dénommé « Le Kasayi ». L’auteur y publie un bon nombre d’articles. Il se fait que le Bureau Régional du quotidien de Kinshasa recherche un journaliste. Après des tests, il est retenu et engagé comme journaliste-reporter. Il preste de 1979 à 1981 année où il est élevé au rang de Directeur Régional pour ce que fut la plus vaste province du pays dans le Haut-Zaïre avec comme siège à Kisangani. Il y est resté de 1981 à 1990, année où il crée son propre journal dénommé « Le Kiosque ».
En 1992 c’est le chemin de l’exil vers la Belgique qui s’ouvre. Il précède. Épouse et enfants notamment : Bruno, François, Dieudonné, Émilie, Sandra, Christian et Olga, restent au pays et le rejoignent en 1995 après un véritable parcours de combattants, plein de péripéties aussi tristes qu’on peut les imaginer. Emmanuelle la cadette est née quant à elle en Belgique.
Avant la fin de cette décennie 90, nous nous rencontrons chez moi à Bruxelles où au cours d’une banale conversation il me propose la création d’un groupe sur internet et il a même le nom « LEKASAI ». Ainsi est né ce groupe le 06 juin 2003 après discussion et définition de ses objectifs essentiellement culturels.
Le groupe a tenu jusqu’au 26 février 2020 quand Yahoo groupes a décidé de mettre fin à son existence. A l’apparition de nouvelles technologies et l’émergence des nouvelles applications telles que WhatsApp, il m’est venu à l’esprit, l’idée de créer LAUTREINFO, plateforme essentiellement politique mais aussi culturelle en 2019 tout en ressuscitant LEKASAI, à vocation essentiellement culturelle.
A ce jour, les deux plateformes existent parallèlement. En 2009 maman Pasteur Suzanne NKUSUBA MISENGA sa première épouse décède. Bruno observe une période de viduité avant de se remarier en 2014 à maman Symphorose MULEKA NGUDIE qu’il abandonne aujourd’hui par destin après 10 ans d’amour intense.
Hommage par ses enfants
1° Émilie
« Vendredi 31 Mai a été le plus long jour de ma vie. La nouvelle de ton départ m’a trouvée à l’aéroport. La semaine la plus longue de l’année, j’ai eu comme l’impression que l’heure passait au ralenti. Mais il fallait tenir pour toi et pour les autres. Les enterrements faisaient en quelque sorte partie de ta vie. Toi qui te rendais aux obsèques de tout le monde… même des personnes que tu ne connaissais pas ou à peine. Tu le faisais « pour les proches, pour ceux qui restent » disais-tu. L’idée d’imaginer que l’église soit vide ou peu remplie te peinait profondément.
C’était à ton image ; celle d’un homme qui passait son temps à donner de son temps et de son amour. Dire que tu es parti trop tôt serait juste égoïste de ma part, car tu as combattu le bon combat et achevé ta course. Ton temps est arrivé. Ta nouvelle mission vient de commencer. Te garder ici, c’est t’empêcher de remporter ta couronne de gloire. La dimension la plus élevée, la félicité. Certes, je n’ai mal rien que le fait de ne plus entendre ta voix, ton coup de fil pour me demander les nouvelles du pays et les analyses politiques. Si le monde était à refaire, je le referais avec toi. Dans une autre vie, je te choisirais encore comme père ; pour rien au monde, je ne changerai ton nom. Tu m’as modelée et façonnée à ton image. Je suis ce que je suis aujourd’hui à travers toi. Tu as fait de moi une guerrière. Je marche la tête haute et fière de porter ton nom. Les mots sont trop petits pour exprimer mon amour et ma considération pour toi. Merci pour tout mon binôme, ma forteresse et mon éclateur !
Ton corps nous a quittés, mais ton esprit réside dans mon cœur. Tu vis en moi. Je vais achever le travail que tu as commencé, je vais m’assurer que ton nom soit écrit dans les livres d’histoire de la RDC. Ce qui compte, ce ne sont pas les années qu’il y a eu dans la vie. C’est la vie qu’il y a eu dans les années. Ce n’est qu’un au revoir papa ! Ta fille bien aimée ! Ta fille qui t’aime ! ».
2° Bruno MUSUAYI
« Tout au long de sa vie, longue carrière, il a écrit sur la vie et les actes des autres. Pourtant il y a tant de choses à dire sur sa propre et brillante vie. Papa Bruno, père d’adoption pour beaucoup à Renaix, père biologique d’une famille nombreuse, papy de plusieurs petits enfants, oncle pour les uns, pasteur et ami pour les autres, en bref, Tutu Kasonga wanyi, muana buta wa mamu Ndelela Tshibamba ni Musuayi wa Ndunga. La question qui remonte en moi est : qui me racontera des histoires de la famille, de chez nous ? Qui me parlera de papa Mathias, Robert, François et de tous ceux que je n’ai pas connus ? On s’est toujours vouvoyé jusqu’à la fin. Alors permettez-moi Monsieur, je sais tout de vous, de dire quel vide vous laissez dans la vie de chacun d’entre nous. À chaque contact, c’est toujours comment ça va à la maison, et les enfants à l’école, comment ça se passe au bureau. Ceci juste pour vous rassurer de mon bien être, jusqu’au bout. Vous avez vécu vos rêves, une vie d’honneur, une vie de pigeon voyageur. Voilà que vous vous en allez après des années heureuses, de périodes difficiles, les années de doute, de peur et finalement de douleur, ce mal qui vous emporte. Nous avons aimé nos moments de partage, de discussion interminable, le temps de refaire le monde, le temps de parler des histoires de chez nous, de la famille profonde. J’ai assez appris pour transmettre. Alors reposez-vous, de l’autre côté certes mais reposez-vous, le travail a été brillamment fait et nous sommes tous prêts à aller de l’avant, sachant que vous apprécierez de nous voir vivre tous heureux. Transmettez nos pensées d’amour à votre autre partenaire qui je l’imagine est heureuse de vous y revoir. À jamais dans nos cœurs ! ».
3° Dieudonné
« Cher papa, Merci d’avoir été un père exceptionnel. Je suis fier de toi. Tu nous as peut-être quittés physiquement mais tu n’es pas loin, tu vis en nous à travers l’éducation et les valeurs que tu nous as transmises. Ces deux dernières années n’ont pas été faciles pour toi du point de vue de la santé. En silence, j’ai vu ta peine lorsque tu as été confronté à la perte de la vue. Dans la faiblesse tu es resté fort et courageux. Tu nous a appris à être fort et à tenir bon face aux circonstances de la vie. Nous tiendrons bon. Tu avais l’art de cultiver la paix et la bonne humeur. Ces moments passés ensemble, riches en émotions vont beaucoup me manquer. Mon papa, Mon ami, Mon confident ! Je t’aime ! Ton fils ! ».
Sur ces mots, il est mis fin à ce service à l’église. Le public est invité à suivre le corbillard, chacun à bord de sa voiture jusqu’au cimetière pour une dernière partie de la cérémonie avant le dernier moment de partage. Personne ne parle. Seul est entendu le son du panégyrique composé en son honneur et déclamé par mamu Mpunga Wa ILUNGA spécialiste de Kasala.
AU CIMETIÈRE
Le moment tant attendu et aussi tant redouté est arrivé. Nous y sommes. Nous entourons le cercueil. Le bruit du concert de sniff ! Sniff ! se fait entendre. Un air de fin du monde souffle sur le lieu. L’apocalypse pour la famille ! Nous nous apprêtons à dire adieu à celui que nous ne reverrons plus. Celui qui a été des nôtres tout au long de notre vie, celui que nous avons aimé et qui nous l’a aussi rendu. Papa Bruno, Shakena wanyi est entrain de partir.
Pour une dernière fois, Dieudonné éprouve le besoin de dire un dernier mot à son adorable père. S’appuyant sur le cercueil, regard vif et attendri l’homme semble chercher les mots. Mais il les a, aussi profonds que touchants. Il tient à parler une dernière fois à son père. La séparation est difficile. Mais il parvient à trouver des mots simples et adéquats que tout parent aimerait entendre. « Papa nous voici arrivés à la fin. Je promets de poursuivre le remboursement de nos dettes. Une partie a été faite. Vas en paix. Je t’aime papa ».
La parole est accordée à celle qui n’a pas parlé depuis le début de ce deuil. C’est Maman Symphorose MULEKA NGUDIE madame KASONGA, maman Sympho ou maman Rose, c’est selon.
Son oraison funèbre :
« Tu as été un bon père de famille et grand-père. Et grand-mère, je le suis devenue aussi par toi. Je crois que je suis la seule grand-mère que les petits enfants connaissent. Tes enfants sont tes amis. Chaque fois on se retrouvait ensemble. Quand il est tombé malade, j’étais avec lui partout. On prenait des rendez-vous ensemble. Je pouvais même arrêter de travailler. Les deux dernières semaines à l’hôpital j’étais avec lui quoique j’étais aussi malade. J’étais là. Je ne voulais pas que l’hôpital m’appelle pour me dire : « ton mari est mort viens identifier le corps. Je voulais être là. Comme je lui avais promis le 15 février de l’aimer, de lui être fidèle de l’accompagner dans les bons et mauvais moments, je l’ai accompagné jusqu’à son dernier souffle. Et je tenais à être là pour qu’on ne me raconte pas. Je l’ai vu partir en paix. J’ai entendu beaucoup de témoignages des gens. Ceux de loin, de la famille, des amis. Mais en tant qu’humains, nous avons aussi des erreurs. C’est pour cela que je saisis cette opportunité pour demander pardon à toute personne que mon mari aurait offensée en tant que son épouse. La bible nous dit : Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. S’il vous plaît, libérez-le, pardonnez-lui. Et moi en son nom je vous demande pardon. Je vais terminer par un chant pour dire merci au Seigneur. C’est lui qui me l’a donné c’est lui qui m’a honorée à travers cet homme en faisant de moi une femme mariée. Si aujourd’hui il permet que je sois veuve je sais que lui, il est le défenseur des veuves et je m’en remets à lui. Quant à la famille, après la mort de Moise, Dieu a dit à Josué : Prends courage parce qu’il y a encore des territoires à conquérir. Nous devons être forts et continuer parce que je crois que s’il était là, il n’allait pas me laisser décider.
Sur ces mots maman Sympho, maman Rose enchaîne en entonnant courageusement un couplet du chant : Je viens te dire merci Seigneur. Les bras levés au Ciel elle dit en conclusion : Le créateur de toutes choses, le Dieu Grand je te dis merci, ta parole vient de s’accomplir dans la vie de ton serviteur. Nous sommes poussière, nous retournerons à la poussière. Il a fait sa mission Seigneur, qu’il aille se reposer. Père je viens te demander à toi qui l’a pris qui n’es pas surpris par ce qui arrive, de nous donner la force de pouvoir continuer. Que toute la gloire et l’honneur te reviennent à toi et à toi seul au nom puissant de Jésus Christ. Amen ! ».
LES A-COTES
Pendant toute la cérémonie du dernier jour, une présence interpellante a été remarquée. Un homme semblait plus affecté que les orphelins et la veuve. Du Funérarium à l’église, de l’église au cimetière, du cimetière au partage de verre de consolation, il était là avec la même mine aussi affectée que jamais. Pas seulement ce dernier jour, mais depuis le premier déjà. En pensée, le chagrin le rongeait et semblait habiter son cœur. Pendant le partage du verre de consolation, je décide de l’aborder. Nous sommes à la même table.
Suivons-le : « Je m’appelle David Kapuya Ngalula. Je viens rendre hommage à papa Bruno qui nous a quittés le 31 mai dernier. L’approche que nous avons face à la mort est bien multiple et variée. Elle est influencée par nos croyances, et aussi par notre parcours. Mais, moi je prends la parole pour dire au revoir. Au revoir et non pas adieu. Au revoir parce que je suis sûr et certain que moi aussi je transiterai dans l’au-delà et que je pourrai le retrouver. Il y a un principe qui stipule qu’on ne dit pas de mal d’un défunt. Mais, il est des défunts pour qui on ne trouve pas de mal à dire. J’ai eu à beaucoup échanger avec papa Bruno. Par écrit surtout, sur le groupe Yahoo que Zadain et lui avaient créé. C’est vous dire que les écrits ont longtemps précédé notre rencontre physique. Et quand Zadain m’a appris la transition de papa Bruno dans l’au-delà, j’ai été très affecté. Je me pose la question de savoir ce que j’éprouvais à son égard. Je l’ai toujours appelé papa Bruno alors que, bien que mon aîné, notre différence d’âge ne le justifiait pas. Du respect ? Certainement, parce que je respecte tout le monde. Mais, je pense que j’ai beaucoup admiré papa Bruno. Je l’ai beaucoup admiré pour ce que les spécialistes en sciences de comportement appellent ATTITUDE. Je l’ai admiré pour son attitude. Papa Bruno fut un homme cultivé, un homme qui disposait de la mesure des choses, ce qui n’est plus évident par les temps qui courent. Ses écrits, ses propos ne laissaient aucune place à l’interprétation, tellement ils étaient clairs, sans ambiguïté ni sous-entendu. Papa Bruno avait la culture de l’excellence, la rigueur dans le rendu, le sens du devoir et l’inclination au travail bien fait, que ce soit à la MDK (Maison du Kasaï), que ce soit sur LAUTREINFO, que ce soit sur LeKasaï. Tout cela, dans une humilité manifeste. Un grand homme nous a quittés.
Reposez en paix ! Reposez en paix est une formule que nous adressons régulièrement à ceux qui nous quittent, indépendamment de leur âge et de leur vécu. Mais, c’est dans pareille circonstance que cette formule retrouve son sens. Reposez en paix, papa Bruno. Nos ancêtres vous accueillent avec dignité et honneur. Dieu de votre foi et de votre compréhension vous accorde sa grâce. Quant à nous, nous demeurons reconnaissants, je préfère le terme allemand DANKBAR ou anglais THANKFUL, nous restons reconnaissants ou nous sommes DANKBAR pour les moments que nous avons partagés, mais surtout pour cette opportunité qui nous a été offerte de vous connaître ; cette opportunité qui nous a permis de faire votre connaissance. Au revoir papa Bruno ».
Mésaventure de Stéphane et Zadain
Pendant toute la semaine du deuil, Stéphane et moi prenions le train comme moyen de transport pour rejoindre Renaix le lieu de recueillement. Soit une distance de plus ou moins 150 Km aller-retour. La liaison n’est jamais directe. Cela implique le changement de train à Audenarde, ville voisine de Renaix. Ce jour-là, il y avait des travaux d’entretien sur la voie ferrée. Ceci avait pour conséquence des changements multiples de train, trois en tout avant d’arriver à notre destination. Après deux gares au départ de Bruxelles, deux jeunes filles montent. Elles choisissent de s’asseoir à nos côtés. Celle qui avait l’air plus jeune que l’autre sur le siège de KAPIAMBA et la plus âgée sur mon siège. A la question de savoir pourquoi ont-elles choisi de s’asseoir à nos côtés alors qu’il y avait d’autres places ailleurs dans le train. La plus jeune et apparemment aussi la plus bavarde de deux répond : c’est parce qu’on a vu que vous ne pouviez pas être des Rwandais.
Qu’avez-vous contre les rwandais ?
« Ils sont méchants. Ils nous font la guerre et tuent nos compatriotes au pays. Je ne les aime pas » dit la plus jeune.
De quel pays êtes-vous originaires ?
« De La République démocratique du Congo (RDC) » répond la plus jeune
Comment vous appelez vous et quel âge avez-vous respectivement ?
« Moi c’est Anaëlle Jade ,12 ans », « Moi C’est Angelina, 14 ans ».
En déclinant leur identité complète, nous découvrons leurs parents qui s’y cachent. Stéphane KAPIAMBA a donné cours à la mère de Angelina, tandis que Anaëlle Jade la bavarde est nièce et filleule de ma belle-sœur. Du coup j’appelle sa tante pour confirmer les dires de ces deux enfants et jeunes compagnes d’infortune. Elle confirme heureusement les faits. A la prochaine gare, elles descendent du train, satisfaites et surprises comme nous de cette fortuite et heureuse rencontre pendant ce temps de malheur pour nous deux.
Cela ne nous détourne pas de l’essentiel de notre déplacement. Quand nous arrivons au lieu de recueillement, nous nous inclinons devant la dépouille avant d’assister au culte d’adoration tel que prévu au programme. David KAPUYA nous raccompagne aussitôt après à la gare pour notre train retour vers Bruxelles.
Il ne peut se douter de la mésaventure qui nous attend sur ce trajet retour. Stéphane KAPIAMBA se targuant de maîtriser le chemin s’autoproclame sans trop le crier, chef de la délégation et donc guide. C’est lui qui explique tout. En quittant Renaix, Nous prenons le train retour jusqu’à Audenaerde. Et de là Nous devons prendre celui allant vers Bruxelles. C’est ce que Stéphane croit indiquer. Sauf qu’après 15 minutes de parcours nous nous retrouvons au point de départ à Renaix. Le guide s’est lourdement trompé. Heureusement pour nous, l’agent de la SNCB est resté compréhensif. Il ne nous fait pas doublement payer le trajet. Mais il ne cache pas son gros rire. Situation grotesque s’il en fallait une !
Zadain KASONGO, LAUTREINFO Bruxelles