RDC-UNION EUROPEENNE : Pourquoi Kinshasa réclame-t-il la levée des sanctions contre ses dignitaires ? [OPINION]

Ils sont près d’une quinzaine les souverainistes autoproclamés et proches piliers du régime Kabila à être sanctionnés par les Etats-Unis et l’Union européenne pour leur implication directe dans la grave crise politique devenue institutionnelle que traverse le pays depuis fin 2016 et le maintien de Joseph Kabila au pouvoir, notamment en ce qui concerne la démocratie et le respect des droits de l’Homme.

Ces personnes bien qu’ils s’en défendent, ont à la clé une interdiction de voyage dans l’Union européenne, un gel de leurs avoirs s’ils en ont ainsi qu’une autre interdiction de recevoir des fonds venus d’Europe. Car sont-elles impliquées dans la répression, principalement dans les trois provinces du Kasaï, au Kivu, au Kongo central et dans la capitale Kinshasa.

Alors qu’ils sont mieux dans leur pays souverain, ces dignitaires remuent ciel et terre pour la levée des sanctions en leur endroit. Parmi eux le dauphin choisi Emmanuel Ramazani Shadary, ancien ministre de l’Intérieur et candidat président de la République au scrutin du 23 décembre 2018 s’il a lieu. Il a été épinglé comme responsable à ce titre de l’usage disproportionné de la force dans le Kasaï, en sa qualité d’ex-vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la sécurité, selon l’UE.

Mais aussi et surtout le porte-parole du gouvernement, l’inamovible Lambert Mende Omalanga, visage médiatique du régime considéré comme le porte-parole de la politique répressive du gouvernement vis à vis des médias et un politique qui viole le droit à la liberté d’expression et d’information et qui compromet une solution consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections estimait le communiqué de l’UE.

Il y a aussi le très redouté Kalev Mutond, Directeur de l’Agence nationale du renseignement (ANR) ; épinglé pour son rôle central dans la répression à Kinshasa comme dans le Kasaï. Egalement deux anciens gouverneurs : Jean-Claude Kazembe Musonda, gouverneur déchu du Haut-Katanga, Alex Kande Mupompa, Gouverneur du Kasaï Central et présenté comme le relais du pouvoir de Kinshasa dans le Kasaï.

Durant 9 mois, il s’était déroulé une tragédie sans nom dans tout l’espace Grand Kasaï avec la violence attribuée au phénomène des présumés miliciens Kamuina Nsapu. Selon l’ONU, ces violences ont déjà fait plus de 400 morts et causé le déplacement en interne de plus de 1,27 million de personnes à travers huit provinces ; et plus de 30.000 réfugiés en Angola voisin.

Il y a aussi Évariste Boshab, ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la Sécurité jusqu’en décembre 2016, considéré comme l’architecte de la répression qui a frappé les Kasaï, au centre du pays depuis août dernier 2016.

Le chef milicien Gédéon Kyungu, dont les hommes étaient signalés dans le Kasaï alors qu’il est censé être en résidence surveillé à Lubumbashi qui est devenu membre de la Majorité Présidentielle et deux commandants de brigades, Muhindo Akili Mundos, Commandant de la 31e brigade des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo), et Éric Ruhorimbere, Général de brigade et chef des opérations militaires dans la région, accusé d’avoir commis des crimes depuis 20 ans dans le pays.

Toutes ces personnes viennent ainsi grossir la liste de sept autres déjà soumises aux mêmes sanctions depuis décembre 2016 parmi lesquelles on trouvait Célestin Kanyama Cishiku, ancien Commissaire de la police nationale congolaise de Kinshasa ou encore le commandant de la Garde Républicaine, Ilunga Kampete.

En privé, certains diplomates et députés européens précisaient que ces listes constituent autant de balises pour d’éventuelles inculpations le jour venu devant la justice nationale ou internationale de la CPI.

Lire aussi : RDC-UE : Sanctions européennes reconduites contre recours en « tir groupé » des congolais https://www.afriwave.com/2017/12/18/rdc-ue-sanctions-europeennes-reconduites-contre-recours-en-tir-groupe-des-congolais/

Sanctions disproportionnées et humiliantes ?

Les avocats belges des 15 congolais trouvent « les sanctions humiliantes, dégradantes et disproportionnées tant par leurs effets que par le grave préjudice d’image qui, pour certaines, sont candidates aux scrutins électoraux majeurs qui se tiendront le 23 décembre 2018 [Shadari NDLR] » à l’égard de leurs clients. Ont-ils pu mesurer que la disproportion dans la répression et l’humiliation sont les quotidiens des congolais depuis que dure le régime d’essence étrangère dans le pays.

Le SG de la majorité et président du parlement Aubin Minaku n’y étais pas allé sans son petit mot : « Ces sanctions décidées sans réelle enquête et sans preuves sont inacceptables pour nous de la Majorité Présidentielle. Pour nous, la démarche n’est pas positive, les accusations sont superficielles et cela ne favorise pas la mise en œuvre et l’atteinte des objectifs fixés par les Congolais, à savoir organiser les élections dans le délai ».

Cette sortie du président du parlement datant du 31 mai 2017 intervenait deux jours après la publication des nouvelles sanctions individuelles prises par le Conseil Européen contre neuf responsables de l’appareil sécuritaire et de la propagande du pays au motif de « graves violations des Droits de l’Homme et entraves au processus électoral ».

Pourtant, eux qui n’ont jamais permis aux autres de se défendre devant leur justice instrumentalisée, c’est auprès des cours et tribunaux européens qu’ils s’adressent toute honte imbue pour obtenir le droit de circuler à nouveau dans l’espace européen. Et ce sont des avocats conseils européens payés à prix d’or qui sont engagés pour défendre leur cause comme s’il n’existait pas des hommes et femmes de droit en RDC.

Pour simple explication du gouvernement congolais qui qualifie lesdites sanctions d’illégales suite à la première liste, il accuse même l’UE de chercher à « déstabiliser la RDC, comme autrefois la Libye ou l’Irak ».

Soit dit en passant, ces sanctions tombaient au moment où l’Union Européenne était « gravement préoccupée par la détérioration de la situation en RDC et que la crise dans le Kasaï a atteint une ampleur exceptionnelle sur le plan à la fois sécuritaire, humanitaire et des droits de l’Homme », selon le communiqué de l’époque publié à Bruxelles.

Faudra-t-il le souligner qu’en l’absence de toute évolution positive sur terrain en RDC, le Conseil de l’Union européenne qui a décidé de ces sanctions ne réserve aucune réaction aux demandes incessantes des 15 personnalités concernées et ne peut en décider autrement.

TSHIKUYI TUBABELA

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Rédaction

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