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RD Congo : Mazembe sur le toit de l’Afrique

PAR J.-J. ARTHUR MALU-MALU

Le tout-puissant Mazembe remporte pour la deuxième fois, ce week-end à Pretoria, la Coupe de la Confédération africaine de football (CAF), face à l’équipe sud-africaine Supersport United.

L’équipe congolaise avait assuré l’essentiel à l’aller, six jours plus tôt, dans son fief de Lubumbashi, en s’imposant sur le score de 2-1, lors d’une rencontre âprement disputée. Au match retour, les visiteurs, qui ont joué à 10 contre 11 pendant quelques minutes en deuxième mi-temps, ont contraint leurs adversaires à un nul vierge. L’expulsion, vers la fin de la partie, d’un joueur sud-africain, auteur d’un tacle dangereux, a néanmoins permis de rétablir l’équilibre numérique sur le terrain. Le club congolais a paru plus relâché en finissant cette confrontation sur une note plutôt sereine.

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Le TP Mazembe 🇨🇩 a remporté 3 titres continentaux sur les 3 dernières années :

2015 : Ligue des Champions

2016 : Coupe de la Confédération

2017 : Coupe de la Confédération

Le TP Mazembe, une longue histoire

Fondée en 1939 par des missionnaires bénédictins, sous le nom de FC Saint-Georges, l’équipe, qui a écrit les plus belles pages de l’histoire du football congolais, a, encore une fois, confirmé sa réputation de redoutable machine de guerre. La victoire semble inscrite dans son ADN.

Dans ses vitrines trônent une ribambelle de trophées. Avec cinq Ligues des champions (autrefois appelée Coupe d’Afrique des clubs champions) et deux Coupes de la CAF, sans citer ses nombreux autres titres, le TP Mazembe brandit fièrement le deuxième plus beau palmarès africain de tous les temps, après celui d’Al Ahly d’Égypte.

Le club a, au fil des années, réussi à clouer le bec à son rival d’autrefois, le FC Saint-Éloi Lupopo, l’autre grand club de la deuxième ville congolaise. Lubumbashi était jadis coupé en deux, entre les supporteurs des deux équipes qui se disputaient le leadership sportif local. Mais ce débat n’a plus lieu d’être : le TP Mazembe a prouvé qu’il est, de loin, le meilleur club du pays et dans le top 3 des meilleurs clubs du continent. Même ses lointains rivaux de Kinshasa, V. Club et Daring Club Motema Pemba, n’arrivent pas à soutenir la comparaison. Les Corbeaux ont tout raflé – ou presque – au cours des quinze dernières années.

Les recettes qui marchent ailleurs

Les recettes du succès du TP Mazembe ne sont pas originales : un budget important, des salaires attractifs, un recrutement de talents africains (zambiens, ivoiriens, maliens, ghanéens, etc.), une académie d’où sortent de jeunes pépites et une gestion rigoureuse des finances du club qui s’est doté d’un statut d’entreprise commerciale, sous l’œil vigilant du manager général, Frédéric Kitenge, au détriment de son ancien label d’association sans but lucratif.

Le TP Mazembe est la seule équipe congolaise – et sans doute l’une des rares en Afrique – à disposer de son propre stade, d’une capacité de 18 500 places. Son modèle de gestion a inspiré d’autres équipes congolaises.

Cette victoire est également celle du jeune entraîneur congolais Pamphile Mihayo. Le quadra, capitaine de l’effectif qui a joué et perdu la finale de la Coupe du monde de football en 2010 contre l’Inter de Milan, dirige certains de ses anciens coéquipiers.

Après le départ de Santos Muntubile, en 2008, le club n’avait plus été entraîné par un Congolais, jusqu’à la nomination de Pamphile Mihayo, en avril 2017, en remplacement du Français Thierry Froger. À l’exception du Sénégalais Lamine Ndiaye, des coaches français s’étaient succédé sur le banc des Corbeaux ces dernières années : Diego Garzitto, Patrice Carteron et Hubert Velud.

« Il appartient aux dirigeants du club de décider s’ils vont me donner encore six mois ou un an. Je suis prêt à continuer. Je suis un fils de ce club, auquel j’ai donné deux coupes en une saison », a déclaré Pamphile Mihayo après ce sacre, faisant allusion au titre remporté au championnat national.

Les techniciens européens avaient un salaire « européen » assorti de primes et d’autres avantages, alors que le Congolais gagne moins que ses prédécesseurs, dans un contexte de restrictions budgétaires.

Si le TP Mazembe dispose du plus grand budget à l’échelle nationale, il a toutefois été revu à la baisse. Le club a réduit son train de vie en supprimant des dépenses jugées non prioritaires. Ainsi le budget serait passé de 12 millions de dollars à 8 millions. Sur son site internet officiel, la formation de Lubumbashi souligne toutefois que la « réorientation budgétaire » n’influe pas sur ses ambitions, qui restent « intactes ». Il reconnaît tout au moins que le recrutement de talents étrangers sera tempéré.

Victoire tant sportive que politique

Le triomphe du TP Mazembe a un petit arrière-goût politique. Son président, Moïse Katumbi, condamné à trois ans de prison ferme dans une sombre affaire immobilière et sous le coup d’un mandat d’arrêt, est, pour les partisans du chef de l’État, l’homme à abattre. « Cette victoire est celle de tous les Congolais. La RDC est notre patrimoine commun. Nous devons le protéger ensemble. Le TP Mazembe en fait partie », a tweeté l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga et candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle prévue le 23 décembre 2018, après plusieurs reports.

La lecture, entre les lignes, de ce message donne à penser qu’il est éminemment politique. Depuis que le quinqua a pris ses distances avec la majorité présidentielle, la coalition composite de partis et d’organisations qui soutiennent le président Joseph Kabila, il est devenu un pourfendeur du « système ». Les proches de Joseph Kabila, dont le second et dernier mandat s’est achevé en décembre 2016, concentrent leurs attaques sur ce discret dirigeant aux dents longues.

Cet homme d’affaires vit en exil et passe le plus clair de sa vie depuis plusieurs mois à Bruxelles, d’où il effectue fréquemment, à bord de son jet privé, des voyages aux États-Unis où il a actionné ses réseaux de lobbyistes.

« Bravo au TP Mazembe. La seule occasion qui nous reste d’exprimer notre fierté d’être congolais. Et dire que tout est fait pour l’entraîner dans ce tourbillon de médiocrité qui avilit notre pays », a, pour sa part, tweeté Félix Tshisekedi, le dirigeant du Rassemblement, le principal regroupement des forces de l’opposition.

À l’inverse, les grands responsables du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti du président Kabila, n’en mènent pas large. Pour des raisons politiques, ils n’ont pas voulu publiquement mettre ce succès au crédit de celui qui est entré dans l’arène politique par la porte du football et qui a bâti une partie de sa popularité sur les résultats sportifs de son club.

Le sacre du TP Mazembe a un goût de défaite pour les piliers du PPRD : le nom de Moïse Katumbi a été scandé bruyamment par des foules en délire dans des quartiers populaires de Lubumbashi.

L’attitude de la RTNC, la télévision nationale, qui assurait la diffusion, en direct, de ce match, tranche avec l’enthousiasme populaire suscité après le coup de sifflet final. Cette chaîne publique, devenue une caisse de résonance de l’équipe au pouvoir, semble avoir tout mis en œuvre pour que le nom de Moïse Katumbi ne soit pas mis en avant.

La cérémonie de remise des trophées, qui a couronné cette finale, n’a pas été diffusée. Difficile de savoir si cela est le fait d’un excès de zèle de la rédaction sportive ou si des consignes ont été données en haut lieu pour ne pas faire une publicité gratuite à Moïse Katumbi, qui vogue de victoire en victoire… en football.

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