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Justice de la CPI : Luis Moreno Ocampo, pratiques et tourments d’un ex-procureur de choc rattrapé par les affaires

Par Roger DIKU 

Coup de tonnerre dans la justice internationale qui passe ne pas toujours être ni juste, ni impartiale. C’est l’affaire Luis Moreno Ocampo, du nom de cet ancien procureur de la Cour Pénal Internationale (CPI) de La Haye qui vient de jeter un nouveau discrédit irrémédiable à une institution accusée à maintes reprises et à tort ou à raison d’être à la solde d’intérêts obscurs.

Une nouvelle affaire dont la CPI n’avait pas besoin pour sa publicité déjà mauvaise, surtout parmi les pays africains. Luis Moreno Ocampo, un juge pas toujours impartial s’est plus illustré contre les africains durant son plus que mandat à la tête de la CPI. Par les révélations faites sur lui dans une publication du vendredi 29 septembre 2017 de notre confrère parisien Médiapart, celui qui fut un des hommes les plus puissants de ce monde ; l’ancien juge argentin et ancien procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) de 2003 à 2012 passe aujourd’hui pour être celui qu’il n’a toujours jamais été : un juge pas toujours aussi juste.

Dans cette enquête menée six mois durant par plus de vingt journalistes d’une dizaine de médias d’Europe réunis au sein du réseau European Investigative Collaborations (EIC) et d’Afrique ; l’on y découvre une autre face de l’ancien magistrat : « dossiers manipulés, comptes offshores, conflit d’intérêt » et de la part de l’argentin.

Les plus de « 40.000 documents confidentiels » obtenus et analysés « jette une lumière crue sur les pratiques de la CPI » et les hommes et femmes chargés de piloter cette justice internationale, particulièrement sur Luis Moreno et son « business ». Détenteur de plusieurs sociétés offshores dans les paradis fiscaux alors qu’il était encore sous mandat, L’ex-procureur de la CPI qui ne nie pas les faits révélés tente de les justifier par son salaire de l’époque : « Mon salaire de magistrat à la CPI n’était pas assez élevé (150.000 Euros net/an, soit 16.500 Euros/mois selon certaines sources alors que juge en Argentine, il n’avait pas plus de 2.000 Euros/mois). Détenir une compagnie offshore n’est pas illégal, tout dépend de ce que vous en faites » en répondant aux journalistes.

Avec pareils pratiques, le juge argentin a vite fait d’oublier que selon la loi « il était en porte à faux, car prêtant ainsi le flanc à des suspicions sur l’intégrité même de la Cour ».  Pire et selon toujours les mêmes révélations, après avoir quitté la CPI ; l’homme a de plus œuvré contre les intérêts de la Cour comme le rapporte l’enquête, puisqu’il s’est mis au service de particuliers pouvant être visés par les enquêtes de cette même CPI.

Le cas le plus flagrant étant celui du riche homme d’affaires libyen Hassan Tatanaki dont le rôle dans la crise de son pays reste controversé. L’ex-procureur lui a vendu son expertise pour trois millions de dollars en trois ans. Plus grave encore et toujours selon l’enquête, parallèlement, Luis Moreno Ocampo aurait rémunéré indirectement des membres du personnel de cette juridiction internationale pour qu’ils s’adonnent à un lobbying en faveur de ses clients dont le libyen précité.

Comme conclusion de cette première partie d’enquête, « En définitive, pendant son mandat et après celui-ci, l’ancien procureur Luis Moreno Ocampo a mis en péril l’impartialité et l’indépendance de la CPI, alors que cette dernière est censée être au-dessus de tout soupçon et a pour mission d’œuvrer à un monde pacifié ». Dénonçant ces pratiques qui seraient également toujours en cours à la CPI ; d’autres éléments seront révélés tout au long de la semaine prochaine.

Les hauts faits de Moreno

Durant son long mandat (2003- 2012), Luis Moreno Ocampo a été plus l’ami des dictateurs africains qu’au service de la vraie justice critique certaines sources du continent. Ainsi avait-il accepté l’invitation du dictateur ougandais, le président Yoweri Kaguta Museveni à intervenir dans son pays et à inculper en 2005 les chefs de la Lord’s Resistance Army (LRA= Armée de la Résistance du Seigneur) Joseph Kony, une milice qui avait commis et commet encore jusqu’à ce jour d’abominables crimes en Ouganda, en Centrafrique et en RDC. Mais le procureur ne s’est jamais intéressé aux crimes perpétrés par l’armée ougandaise.

En RDC, il n’aura poursuivi que des chefs de milice sans s’en prendre aux plus grands commanditaires qui sont connu de tous et parmi lesquels certains gouvernants. En Centrafrique, il n’a poursuivi que le Congolais Jean-Pierre Bemba, ses militaires ayant intervenu en RCA à la demande des autorités de ce pays sur appel du feu président Ange-Félix Patassé), ce qui avait évidemment ravi le président de la RDC, Joseph Kabila qui craignait d’affronter son rival politique lors des élections. François Bozize chassé du pouvoir est toujours libre.

En Côte d’Ivoire, c’est Laurent Gbagbo, le président chassé du pouvoir en 2011 par les forces françaises et par le nouveau président, Alassane Dramane Ouattara ; qui a été poursuivi. Pourtant, les troupes de Soro et Ouattara ont, elles aussi, commis des exactions, mais n’ont jamais été poursuivies. Au Soudan, Luis Moreno Ocampo a inculpé en 2009 le président en exercice Omar Al-Bashir, accusé d’être l’auteur de crimes internationaux. De quoi ravir l’administration Bush qui pourtant détestait la CPI au point même de vouloir la torpiller. Quant à l’intervention de la CPI en Libye, son bilan est un désastre.

A ce sujet, le livre de Stéphanie Maupas, « Le Joker des puissants (éd. Don Quichotte, 2016) », un véritable polar de la justice internationale, fourmille d’informations accablantes sur l’ère Ocampo. L’auteur montre dans le détail comment en cinq ans, s’agissant de la seule Libye par exemple, « la Cour a émis trois mandats d’arrêt sans avoir conduit d’enquête dans le pays, elle a véhiculé sans réserve la propagande de guerre, elle a entamé une enquête sur les viols dont les résultats se font toujours attendre, elle a promis d’analyser les exactions des rebelles sans conclusion… »

Le procureur Moreno à l’époque aurait pu choisir d’autres cibles, car le monde ne manque pas de criminels de guerre dans des pays qui sont pourtant membres de la CPI, tels l’Afghanistan, la Colombie, la Palestine… Il pouvait aussi choisir de poursuivre des membres de l’organisation de l’Etat islamique, soupçonnés d’être des auteurs de crimes commis en Syrie, en Irak ou en Libye, s’ils sont de nationalité européenne. Mais hélas…

La fronde des africains et le cas Bensouda

Ce qui est un précèdent, la fronde de certains pays africains à l’égard de la CPI ; une justice internationale considérée discriminatoire car semblant ne s’en prendre qu’aux seuls Africains.  La majorité des détenus comme des dossiers ouverts ne concernant que l’Afrique au point que des pays comme l’Afrique du Sud et le Burundi ont décidé de leur retrait.

Le Kenya dont le président Uhuru Kenyatta et son vice-président tous deux inculpés et ayant comparu à La Haye avant d’être disculpés appelant même pour que les 34 pays du continent signataires du statut de Rome créant la CPI en 2002 se retirent en bloc.

Certes que les figures en vue à la CPI sont elles aussi africaines, à l’instar de l’actuelle procureure, Fatou Bensouda, ex-ministre de Justice du dictateur gambien déchu Yahya Jammeh. En dehors de ce passé dont elle ne peut se défaire, elle a été encore dans la tourmente en début cette année 2017 après l’assassinat aux Etats-Unis dans le Minnesota de son fils George Bensouda, 33 ans dans la nuit du 29 janvier 2017 lors d’une fusillade liée à une affaire des stupéfiants.

Dans une interférence inadmissible lui reprochée, les médias américains révélaient que « Sur demande de sa famille auprès du tribunal en charge de l’enquête ; l’identité du jeune homme avait été gardée secrète dit-on, à cause de la fonction qu’occupe sa mère. La pression de la presse locale devenant de plus en plus forte, le procureur du Ramsey County avait fini par révéler le nom de la victime. La même presse faisant état d’une précédente condamnation de George Bensouda pour affaire de drogue déjà en 2011 ». Quel exemple donner alors de la justice lorsqu’on se veut rigoureuse de la part d’une procureur qu’on dit inflexible ?

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Roger DIKU

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