home Politique, RD Congo, Société Le CNCD-11 11 11 en RDC : la chenille et l’éléphant blanc

Le CNCD-11 11 11 en RDC : la chenille et l’éléphant blanc

Par Françoise Wallemacq

Huit Congolais sur 10 cultivent et vivent de la terre en RDC. Et pourtant, le pays crie famine. L’inexistence de routes, ou leur état déplorable empêche les paysans d’écouler leur marchandise sur les marchés. Et parfois, leurs terres sont convoitées et accaparées pour la richesse de leur sous-sol.

La Jeep tressaute à chaque nid de poule. La piste est longue pour rejoindre la ferme agricole de Bukanga Lonzo, au cœur de la province du Bandundu. Nous croisons des paysans en vélo surchargés de bottes de « braises », du charbon de bois, qu’ils vont vendre à Kinshasa. C’est l’unique moyen de cuisiner en ville, et cela ruine les forêts congolaises.

Bukanga Lonzo, c’est un des projets phares de la présidence. Un gigantesque parc agro-industriel, le premier d’une série de fermes géantes, censées mener le pays vers l’auto-suffisance alimentaire. Le gouvernement en a prévu 28 sur toute l’étendue du territoire et chacune coûte à peu près 90 millions de dollars.

Le projet a été inauguré en grande pompe en 2014, par le chef de l’Etat, mais depuis, on ne voit rien venir. Pas un épi de maïs ni une racine de manioc en provenance de Bukanga Lonzo sur les marchés de Kinshasa. Aujourd’hui, les habitants des 5 villages engloutis par le méga-projet sont déçus. Non seulement, ils n’ont pas trouvé le travail espéré sur le site, mais en plus, ils ont été dépossédés de leurs terres ancestrales.

Nous n’avons plus accès à nos cimetières

A l’arrivée dans la communauté de Baringa Ngassi, l’adjoint du chef coutumier fait résonner le tambour sacré, pour appeler les villageois. Ils se rassemblent autour de la case du chef. Il est coiffé d’un chapeau de perles tressées, les pieds posés sur une peau de léopard, et c’est une chaise en plastique bleue qui fait office de trône. Sassi Dukupala égrène les doléances de ses administrés depuis l’ouverture du « parc agro-industriel ».

« Nous n’avons plus accès à la rivière où nous pêchions auparavant, nous ne pouvons plus nous aventurer dans la forêt pour chasser le gibier… Nos champs nous sont interdits. Même nos cimetières ont été confisqués ».

Le domaine couvre 80.000 hectares, et son accès est sévèrement gardé par des soldats armés, des Sud-africains précise le chef. Si un habitant dépasse les limites invisibles du parc, il peut être sévèrement battu, voire emprisonné.

« Des avions ont pulvérisé des insecticides sur les champs, et depuis l’eau est empoisonnée et les chenilles ne se reproduisent plus » poursuit-il, désolé. Or les chenilles sont la principale source de protéines pour ces villageois.

Un éléphant blanc

Avec l’aide du CNONGD, le conseil national des ONG de développement, une organisation congolaise, partenaire du CNCD-11.11.11, les habitants ont porté l’affaire en justice. Ils savent que le droit foncier ne leur concède que l’usage de leurs terres, et ne leur donne aucun titre de propriété, mais ils invoquent la lignée de générations qui ont cultivé et se sont transmis ces terres.

« C’est peut-être parce que nos ancêtres sont courroucés que ces terres ne donnent rien ? » se demande le chef…

Bukanga Lonzo est-il un éléphant blanc ? Un grand projet inutile mort-né ? Ou camoufle-t-il des activités moins avouables ?

Un agronome assure que les berges de la rivière recèlent des mines de diamant. Et qu’une exploitation discrète se déroule, à l’abri des regards, au profit de dignitaires du régime.

Fantasmes ou réalité ? Le secret de Bukanga Lonzo est bien gardé !

Article via ce lien : https://www.rtbf.be/info/monde/detail_le-cncd-11-11-11-en-rdc-la-chenille-et-l-elephant-blanc?id=9757332

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