home Diaspora, Opinion, Politique, RD Congo, Régions, Société La colère-vérité du Cardinal Monsengwo face à la classe politique congolaise : « il est révolu le temps où l’on cherchait à conserver le pouvoir par les armes, en tuant son peuple… ».

La colère-vérité du Cardinal Monsengwo face à la classe politique congolaise : « il est révolu le temps où l’on cherchait à conserver le pouvoir par les armes, en tuant son peuple… ».

Coup de colère ou coup de gueule de la part d’un homme dont les hautes fonctions en appellent à une sorte de réserve, c’en est un. L’Archevêque de Kinshasa est sorti de sa réserve habituelle pour adresser un message très fort à tous ceux qui détiennent ou veulent détenir un jour le pouvoir politique dans le pays.

En effet, dans son message de Noël, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya n’a pas usé de langue de bois pour adresser un message fort au pouvoir en place face à la situation actuelle. Pour lui, les revendications des jeunes ne constituent aucunement un prétexte pour un usage disproportionné de violence en leur endroit. Les multiples arrestations, les emprisonnements, les enlèvements et surtout les morts ne se justifient pas tant ces revendications sont justes.

Ci-dessous, un extrait choisi de ce fort message :

Il est plus facile de tuer que de ne pas tuer. Il est plus facile de céder à la violence que de résister à la force. Il est plus beau d’être artisan de la violence. Il n’y a pas de grandeur à manier les armes pour tuer les gens. Le fait de prendre le pouvoir par les armes ne justifie pas qu’on ne puisse le quitter que par les armes. Il est révolu le temps où l’on prenait le pouvoir par les armes ; il est révolu le temps où l’on cherchait à conserver le pouvoir par les armes, en tuant son peuple. Ces jeunes ne réclament que leurs droits de vivre un peu plus dignement ! Prenons garde, mes frères et sœurs, car quiconque tue par l’épée, périra par l’épée.

Pour rappel, depuis le temps où il dirigeait la Conférence Nationale Souveraine (CNS) tout comme son Haut Conseil de la République-Parlement de Transition (HCR-PT), Mgr Monsengwo n’avait jamais eu de langue de bois face à Mobutu. De même face à l’opposition politique de l’époque avec laquelle il n’avait pas que des bons rapports.

Le message de Noël 2016 du Cardinal Monsengwo traduit bien le climat ambiant entre l’Eglise catholique et les autorités politiques au pouvoir à Kinshasa fait de suspicion et de manque de confiance mutuel. Alors que la négociation directe sous l’égide de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) entre opposition et majorité présidentielle piétinent. L’Accord final censé être signé avant Noël comme l’avait demandé la CENCO a été renvoyer à la semaine prochaine suite à des complications de dernière minute (lire notre article : Dialogue de la CENCO : un accord politique qui se fait désiré sur fond «de médiocrité grave d’une classe politique », reprise des travaux au 29 décembre… http://www.afriwave.com/?p=1664 ).

Ces pourparlers visent à mettre fin à la grave crise politique devenue institutionnelle que traverse le pays avec le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila dont le deuxième et dernier mandat constitutionnel s’est terminé le 19 décembre 2016 ; la même constitution ne lui autorisant pas de se représenter pour une troisième fois. L’élection présidentielle devant designer son successeur n’ayant pas été organisée à temps, son maintien au pouvoir à engendrer une violence politique qui s’est emparée du pays avec son lot des victimes.

L’intégral du message du Cardinal Laurent Monsengwo à l’occasion de Noël 2016 :

  1. Cette nuit, partout dans le monde chrétien, on crie : «Il est né le divin Enfant… Chantons tous son avènement». Comme le dit Saint Paul : «Lorsque vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils» (Gal 4, 4). Il vient à la plénitude du temps, c’est-à-dire au temps fixé par Dieu dès l’origine pour l’accomplissement de ses promesses.
  2. Le temps qui, dans le projet et le plan de salut de Dieu, a été voulu pour que son Verbe, par qui tout a été créé (Jn 1, 3), s’incarne et se fasse présence visible de Dieu parmi les hommes (Jn 1, 14). Ce temps des origines a précédé le péché de l’homme et sa création. Mais aussitôt que l’homme a péché, Dieu annonce le salut : «Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Celui-ci t’écrasera la tête tandis que tu tenteras de l’atteindre au talon» (Gn 3, 15).
  1. Cette plénitude du temps, c’est le temps de l’accomplissement des promesses, le temps d’une longue histoire d’amour entre Dieu et les hommes, faite des hauts et des bas, temps où l’homme pécheur a fait l’expérience incessante de la miséricorde de Dieu à son endroit. Autrement dit, l’histoire de la pédagogie divine pour apprendre à l’homme à s’émanciper du péché par la loi (de Moïse) pour finalement vivre de l’Esprit Saint.
  1. Et le Verbe de Dieu, comment vient-il sauver et racheter l’humanité ? Pas en grande pompe, dans la gloire et la grandeur extérieures, mais dans la simplicité et l’humilité d’un enfant; un enfant né dans une étable, parce qu’il n’y avait pas de place pour lui dans le caravansérail. Le Fils de Dieu n’a pas où loger sur terre. A qui annonce-t-il en premier sa naissance ? A des bergers, des gens pauvres, des petits, des humbles et des simples. Tels sont donc les premiers interlocuteurs du Ciel.
  1. «Soyez sans crainte» dit l’Ange, je vous annonce une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple : «Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ-Seigneur» (Lc 2, 10-11). Ensuite se joignit à l’Ange l’armée céleste en masse qui chante les louanges de Dieu en disant « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix aux hommes qu’il aime » (Lc 2, 14). Tels sont les vœux et souhaits du Ciel à la naissance du Christ : Gloire à Dieu, et paix aux hommes. Il est normal que la naissance du Messie apporte à l’humanité l’abondance des biens messianiques.

Chers frères et sœurs,

  1. Pendant que Dieu nous envoie son Fils, pour être l’un des nôtres, pour nous apprendre comment vivre en hommes raisonnables, justes et religieux (Tt 2, 12), d’aucuns mijotent nuit et jour, mort et tueries ; les armes crépitent.
  1. Il est plus facile de tuer que de ne pas tuer. Il est plus facile de céder à la violence que de résister à la force. Il est plus beau d’être artisan de paix qu’artisan de la violence. Il n’y a pas de grandeur à manier les armes pour tuer les gens. Le fait de prendre le pouvoir par les armes ne justifie pas qu’on ne puisse le quitter que par les armes – «Qui tue par l’épée, périra par l’épée», dit Jésus (Mt 26, 52).

Bien-aimés dans le Seigneur,

  1. La paix de Noël est pour tous sans exception, parce qu’elle est destinée à tous ceux que Dieu aime. C’est la paix des cœurs, et la paix des esprits ; la paix qui signifie intégrité corporelle, mais qui dit surtout une âme intègre, en communion avec Dieu et en quête de Dieu et des biens éternels. C’est à juste titre qu’il convient de prendre en compte l’appel du Pape François, lorsqu’il exhorte tous les congolais à être des artisans de réconciliation et de paix et que tous ceux qui ont des responsabilités politiques écoutent la voix de leur propre conscience , sachant voir les souffrances cruelles de leurs compatriotes et aient à cœur le bien commun (Audience générale , mercredi 21 décembre 2016).
  1. La paix de Noël exclut les assassinats, les tueries, la violence. Elle implique la justice, l’amour, la vérité, sans lesquels on s’expose à des mécontentements, des frustrations, des troubles sinon à des émeutes ; contraires à l’harmonie sociale, indispensable à la réconciliation : celui qui respecte la constitution n’a rien à craindre de la justice. Celui dont les droits sont bafoués se sent protégé par la même constitution.
  1. Que l’Emmanuel, notre Paix, fasse de nous des artisans de paix. Puisse la Vierge Marie, Notre Dame du Congo et Mère du Rédempteur, intercéder pour la paix dans notre pays. C’est avec ces vœux que je bénis affectueusement chacun et chacune de vous et vous souhaite un joyeux Noël et une heureuse année nouvelle.

+ L. Card. MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kinshasa

Kinshasa, 25 décembre 2016

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